Elle est si petite qu’on la remarque à peine.
Elle est si commune qu’on n’en fait pas cas.
Elle est si importante qu’à la naissance de bébé tout le monde se précipite pour lui en mettre une, au cou…
Voyez comme il louche, d’un petit air intrigué, pour prendre possession de cette plaque en métal plus ou moins précieux !
Vous l’avez bien deviné : il s’agit de la médaille, dite « miraculeuse », puisque la Sainte Vierge s’en sert pour faire des prodiges.
Cela date de loin ! Cent-trente ans bientôt est un bel âge et la médaille que vous portez a fait ses preuves, sa renommée monte en flèche. Il n’y a pas de coin dans le monde tout entier où l’on ne la connaisse. Des milliers de lettres rapportent chaque jour de nouvelles grâces, obtenues par son entremise. Guérisons, conversions, sauvetages en pleine mer, dans les airs, en montagne, opérations réussies, examens passés, difficultés résolues… Cent gros volumes ne suffiraient pas pour enregistrer tant de merveilles. La médaille est partout à l’honneur. Comment expliquer sa vertu ?
Ce serait une grande erreur de croire que cette humble plaque possède un pouvoir magique comme la baguette enchantée ou la lampe d’Aladin dans les contes de fées ! La médaille n’est pas un fétiche, mais un signe. Attention : ce que je vais vous dire est capital !
Comment reconnaît-on la nationalité d’un soldat ? À son uniforme, à ses galons, à son équipement, à son drapeau, parfois à son panache. Les autos sont classées selon leurs marques. Les avions arborent bien en vue leur signalement. Je connais des garçons mieux au courant de la fabrication des réacteurs que de l’histoire de France ! Lorsqu’on leur demande : « À quoi les reconnaissez-vous ? » ils répondent sans trébucher : « À telles enseignes ».
La Sainte Vierge est Reine de l’Univers, donc NOTRE Reine. Cependant, comme Dieu, Elle respecte notre liberté. Si nous lui ouvrons la porte, Elle entre, si nous verrouillons l’entrée de nos cœurs, Elle reste dehors. Pour obtenir son secours, nous devons en quelque sorte lui donner des droits sur nous. Or, une médaille est comme un insigne militaire. En la portant, je m’enrôle au service de Notre-Dame, je deviens son petit soldat. C’est un signe d’alliance et de dépendance. Ma porte est grande ouverte et Notre-Dame PEUT agir.
Connaissez-vous le premier miracle de Jésus à Cana en Galilée ? Supposons un instant que les serviteurs aient faits la sourde oreille aux paroles de Marie : « FAITES CE QU’IL VOUS DIRA ». S’ils n’avaient pas rempli d’eau les urnes en pierre, cette eau n’aurait pu être transformée en vin !
Et pourtant le geste de ces serviteurs était banal. Qui de vous n’a puisé de l’eau avec une cruche, un gobelet ou un autre récipient ? Encore fallait-il le faire, ce geste de tous les jours, pour que Jésus opérât son premier miracle.
La médaille que je porte est une réponse permanente à l’invitation de Notre-Dame : « FAITES CE QU’IL VOUS DIRA ».
Je déclare ma disponibilité. Je la laisse agir… Je réponds : PRÉSENT.
Du coup, Elle agit C’est tellement simple. Tout le secret de la Médaille Miraculeuse est là.
Cette petite plaque à mon cou, à mon chapelet ou peut-être dans ma poche répond de moi, témoigne pour moi.
C’est comme un passe-partout de grâces. La Sainte Vierge me regarde et se dit : « Cette fille, ce garçon sont à moi. Je puis déployer ma vertu maternelle, puisqu’ils n’y mettent pas d’obstacles. Même s’ils ne m’acceptent que du bout des lèvres et en rechignant, la médaille qu’ils portent au cou me prouve bien qu’ils sont de ma maison et que leur cœur vaut mieux que leurs paroles. Je les prends en charge, je les garde dans les plis de mon grand manteau tutélaire, je les enveloppe de ma grâce. Aux heures noires, lorsque l’ennemi s’acharne, je délègue à leur secours mes escadrons angéliques. Ne suis-je pas la maman que leur âme réclame nuit et jour ? Une mère n’a-t-elle pas de tendres préférences pour l’enfant malade ou infirme ? Je suis fidèle, dit la Sainte Vierge, et jamais je ne leur manquerai s’ils ne me tournent pas le dos ! Or, tant qu’ils portent ma devise, quelque chose en eux me dit « oui ». C’est parfois un « oui » bien maigre, bien décharné, bien pauvre, bien petit, à peine perceptible, comme un moucheron dans une bruissante forêt, mais j’ai l’oreille assez fine pour l’entendre — dit la Sainte Vierge — et aussitôt j’y réponds. »
Le regard rivé à cette chose étincelante qu’on a mise à son cou, bébé ignore à quoi cela l’engage, mais viendra un jour où il s’en rendra compte. La médaille le gardera s’il la garde comme un signe d’alliance avec la Vierge Marie. Tant que consciemment il ne rompra le pacte, sa maman du ciel aura des droits sur lui.
Ainsi s’expliquent les merveilles que la Médaille opère depuis cent trente ans. Celles que l’on connaît, car il y en a dix fois plus que l’on ignore ! Considérez donc avec respect votre insigne marial et ne rétractez jamais la promesse qu’elle implique, ce grand « O » tout rond qui s’épanouit en « OUI », donné une fois pour toutes à la Vierge Immaculée.
La médaille a non seulement un SENS, elle a aussi une HISTOIRE.
Il y eut un temps où elle n’existait pas. Puis, un beau jour, elle nous fut donnée.
Où ? Comment ? Pourquoi ?
Autant de questions qui amorcent la suite de ces pages.
Si belle est l’aventure de Catherine, confidente et porte-parole de Notre-Dame, qu’on ne saurait la lire sans pleurer d’amour.
Naissance de Catherine
Elle fut la neuvième d’une famille nombreuse. Une sœur, sept frères entouraient son berceau tout parfumé de thym et de marjolaine. En ce beau jour du 2 mai 1806 la prairie était en fête et ce petit paquet rose et vagissant tombait du ciel comme un cadeau du mois de Marie !
Les garçons ne la trouvent pas belle, avec sa frimousse fripée et gonflée de larmes : bien vite ils retournent à leurs jeux.
Mais Marie-Louise la couve du regard : après la horde turbulente des gamins, enfin une fille !
La maman est aux anges : a‑t-on jamais vu un plus ravissant poupon ?
Le papa se hâte chez M. le Maire, son cousin, pour faire inscrire la petite fille dans les registres de l’état civil : formalité imposée par la loi comme préambule d’une cérémonie autrement importante, celle du baptême qui fera du bébé un enfant de Dieu.
Pierre Labouré est de bonne souche paysanne ; ses racines plongent profondément dans la terre bourguignonne qui a donné à Dieu et à la France tant de Saints.
Il a épousé Magdeleine-Louise Gontard le 4 juin 1793, en pleine Terreur, lorsqu’il en coûtait cher de se dire chrétien.
Est-ce un hasard que Catherine soit introduite dans l’Église par le dernier survivant d’une abbaye bénédictine, Dom Mamert de Moûtiers-Saint-Jean ?
Après avoir été saignée à blanc, la France a besoin d’une relève : Dom Mamert ne l’oublie certes pas en baptisant les nouveau-nés ! « Seigneur, prie-t-il tout bas, Seigneur, prenez les donc corps et âmes pour votre saint service »
Elle fut baptisée « Catherine », mais dès son retour à la ferme paternelle on l’appela « Zoé ». Personne n’en connaît les raisons, à moins que l’on n’imagine Mme Labouré feuilletant le martyrologe. En effet, au 2 mai figure une Sainte Zoé, martyre. C’était la mode des prénoms romantiques et les dames en raffolaient. Va donc pour Zoé jusqu’au jour où le ciel interviendra pour lui restituer son nom de baptême ! Ce n’est qu’en suivant sa vocation qu’elle redeviendra Catherine.
Si l’on avait pu lire dans l’avenir, comme on aurait pris la peine de noter ses moindres gestes, ses premières paroles ! Mais personne, sauf Dieu, ne savait que ce brin de fille monterait un jour sur les autels. À vrai dire, c’était difficile à prévoir. Nous partons tous avec des chances à peu près égales. Ainsi qu’au départ du Tour de France, on ne saurait deviner le vainqueur !
Comme tous les petits baptisés, Zoé porte dans son âme une semence ardente. Encore faut-il la soigner, l’arroser, la défendre contre les ronces et les oiseaux du ciel et, plus tard, émonder l’arbrisseau.
Si dans la rue, dans le métro, sur la plage nous pouvions voir les âmes comme nous voyons les corps, nous serions épouvantés de voir tant de belles semences desséchées, rabougries, étouffées, ou mortes : quelle pitié !
Ne pensons donc pas que Catherine fût sainte depuis son berceau. On ne l’a pas noté, mais je parie qu’elle avait ses petits défauts : l’impatience, la colère, la gourmandise, la paresse qui l’obligeaient à faire de gros sacrifices. Le baptême n’est pas un vaccin, mais une force, il ne dispense pas de la peine, mais il arme pour la victoire.
Bien plus tard on se souviendra de quelques menus traits.
À Cormarin, après la messe de la fête patronale, on donne Zoé comme exemple de sagesse à ces « méchants gamins » qui ne tiennent pas en place.
Lorsque les enfants se disputent, c’est elle qui, gentiment, les apaise : « Voyons, ne faites pas de peine à maman ».
On vient de lui donner des pralines et du sucre de pomme. Elle s’apprête à déguster ces friandises lorsque, soudain, au coin de la rue, elle saisit le regard gourmand d’un enfant pauvre. Une seconde de lutte intérieure, vite elle se décide : « Tiens, mange ! » le gamin attrape au vol le cornet collant et décampe à toutes jambes, laissant à Zoé l’âpre goût d’une belle victoire.
Ses yeux ressemblent à deux parcelles d’azur. Comme tous les petits, elle regarde et demande : « Qu’est-ce que c’est, maman » ?
Un jour elle découvre la statue de la Sainte Vierge qui occupe une place d’honneur dans la salle familiale. Son petit nez en l’air, ses menottes dans le dos, elle contemple gravement la belle dame.
« C’est ta maman du ciel — lui dit doucement la maman de la terre — si jamais je n’étais plus là, elle prendra ma place. Tu comprends » ?
Zoé fait un « oui » énergique de sa petite tête mais, au fond, elle ne comprend pas du tout.
Car la mort n’est pas facile à comprendre, même pour les grandes personnes ! Lorsque Dieu créa le monde, la mort n’était pas dans le programme.
Fruit du péché, elle serait un malheur indicible, si Jésus ne l’avait transfigurée par sa croix et sa résurrection.
Sans lui, ce serait une impasse, rien qu’un trou noir.
Avec lui, c’est une porte grande ouverte sur la route du paradis.
Soyez le premier à commenter