Notre-Dame de la Médaille-miraculeuse

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 11 minutes

Nous voi­ci donc à la veille du pre­mier dimanche de l’Avent, à la cha­pelle de la . Il est 18 h 30. Les bataillons du Père Vincent défilent en ordre, prennent place. Per­due dans leur nombre, notre petite Novice. 

C’est le grand silence, le cœur à cœur avec Dieu. Per­sonne, sauf les anges, n’est dans le secret de sœur Cathe­rine. Les yeux grands ouverts, elle regarde, elle voit … Mais lais­sons-lui donc la parole !

« Il m’a sem­blé entendre du bruit du côté de la tri­bune. J’ai aper­çu la à la hau­teur du tableau de Saint Joseph. Elle était debout, habillée de blanc, une robe en soie blanche aurore, manches plates, un voile blanc qui lui des­cen­dait jus­qu’en bas ; par-des­sous son voile, j’ai aper­çu ses che­veux en ban­deaux ; par-des­sus une den­telle à peu près de trois cen­ti­mètres de hau­teur, sans fronces, c’est-à-dire légè­re­ment appuyée sur les cheveux… 

à la chapelle de la rue du Bac. Les bataillons du Père Vincent défilent en ordre.

(Fille d’Ève, comme elle campe bien le moindre détail de la toi­lette céleste !) 

« La figure était assez décou­verte. Les pieds appuyés sur une boule. Elle tenait une boule dans ses mains, à la hau­teur de l’es­to­mac, d’une manière très aisée, les yeux éle­vés vers le ciel. Sa figure était de toute beau­té, je ne pour­rai la dépeindre… 

(Bien sûr, Cathe­rine, aucun génie ne sau­rait le faire, à moins d’une grâce de para­dis, arra­chée à coups de prière et de pénitences !) 

« Et puis, tout à coup, j’ai aper­çu des anneaux à ses doigts, revê­tus de pier­re­ries plus belles les unes que les autres, les unes plus grosses, les autres plus petites, qui jetaient des rayons plus beaux les uns que les autres. Ces rayons sor­taient des pier­re­ries, les plus grosses jetaient de plus gros rayons, tou­jours en s’é­lar­gis­sant, et les plus petites, de plus petits et tou­jours en s’é­lar­gis­sant en bas, ce qui rem­plis­sait tout le bas, je ne voyais plus ses pieds. 

« À ce moment où j’é­tais à la contem­pler, la Sainte Vierge bais­sa les yeux en me regar­dant. Une voix se fit entendre qui me dit ces paroles : « Cette boule que vous voyez repré­sente le monde entier, par­ti­cu­liè­re­ment la France et chaque per­sonne en par­ti­cu­lier »… Ici, je ne sais expri­mer ce que j’ai éprou­vé, la beau­té et l’é­clat des rayons si beaux : « C’est le sym­bole des grâces que je répands sur les per­sonnes qui me les demandent… Ces pier­re­ries dont il ne sort pas de rayon, ce sont les grâces que l’on oublie de me demander… 

Les grâces que l’on oublie de me demander…

Catherine Labouré voit la Vierge Marie.

Qui de nous ne tres­saille en lisant ces paroles ? Qui ne se sent visé ? Par­mi ces rayons en éclipse, n’y en aurait-il pas d’à nous des­ti­nés ? Avons-nous assez prié, assez cogné, assez insis­té pour oser dire : « Dieu ne m’exauce pas » ? Les paroles de la Sainte Vierge nous font devi­ner l’une des peines du Pur­ga­toire : un film des grâces per­dues par NOTRE FAUTE, parce que NON DEMANDÉES. 

Sœur Cathe­rine pour­suit : « À ce moment j’é­tais ou je n’é­tais pas, je jouis­sais, je ne sais ».

La médaille miraculeuse : Marie rayonne les grâces qu'elle distribue

Depuis Saint Paul, de plus grands qu’elle se sont per­dus en de sublimes bal­bu­tie­ments pour dire le secret du Roi. 

Tout d’un coup, comme sur un écran, l’ se trans­forme. Le globe dis­pa­raît, les mains s’a­baissent, dar­dant en bas les rayons : 

« Il se for­ma alors autour de la Vierge un tableau un peu ovale, sur lequel on lisait, écrit en lettres d’or : « O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ». Alors une voix se fit entendre qui me dit : « Faites, faites frap­per une médaille sur ce modèle ! Toutes les per­sonnes qui la por­te­ront avec confiance, rece­vront de grandes grâces ». 

Cœur de Jésus et Marie sur la Médaille miraculeuse

« À l’ins­tant, le tableau m’a paru se retour­ner, j’ai vu le revers de la médaille : le mono­gramme de la Sainte Vierge, la lettre « M » sur­mon­tée d’une croix ayant une barre à sa base, et au-des­sous les deux cœurs de Jésus et Marie, l’un entou­ré d’é­pines, l’autre trans­per­cé d’un glaive… 

« Et tout a dis­pa­ru, comme quelque chose qui s’é­teint, et je suis res­tée rem­plie de joie ».

Voi­là le modèle de vos car­touches, sœur Cathe­rine ! Encore faut-il les fabriquer. 

Com­ment faire ? La sainte obéis­sance répond : seule l’É­glise peut s’en char­ger, allez donc vous confier à l’Église. 

Le cœur ser­ré, sœur Cathe­rine bal­bu­tie à tra­vers la grille : 

— Mon Père, la Sainte Vierge ordonne de frap­per une médaille. Elle m’en a mon­tré le modèle. 

M. Ala­del sur­saute. C’en est trop ! Il ne man­quait plus qu’un ordre de mis­sion. Tant que les visions de Cathe­rine res­taient ense­ve­lies au fond du confes­sion­nal, cela pas­sait encore, mais la voi­ci en train de le com­pro­mettre avec ses niai­se­ries enfan­tines. Voyons, la Sainte Vierge peut-elle s’a­bais­ser au point de POSER POUR UNE MÉDAILLE ? Même bénie et indul­gen­ciée, une médaille peut-elle deve­nir un tru­che­ment de grâces ? Pour comble, au dire de cette enfant, ce serait à lui de se consti­tuer chef de fabri­ca­tion ! Éner­gi­que­ment, il se récuse. Non, non et non ! 

Devant ce refus bru­tal Cathe­rine pleure, mais la Sainte Vierge sou­rit. Brave M. Ala­del, en éprou­vant les esprits il fait son métier. Que le Sei­gneur nous pré­serve des prêtres trop cré­dules 1 Ce qui est du ciel finit par s’im­po­ser et ne perd rien à se déga­ger de cer­taines scories.

Cathe­rine revient à la charge. Plus d’une fois le gui­chet claque, lui cou­pant la parole. « Méchante guêpe » s’é­crie un jour son confesseur. 

Les mois passent, elle revêt l’u­ni­forme de l’ar­mée de Saint Vincent, quitte le Sémi­naire, prend à l’Hos­pice d’En­ghien son poste de cha­ri­té… et M. Ala­del conti­nue tou­jours à faire la sourde oreille. 

Sans cette triste cou­pure entre l’É­glise de Rome et les Églises de l’O­rient il n’au­rait pas tant de peine à comprendre ! 

Ce que la Sainte Vierge vient de mon­trer à sœur Cathe­rine c’est, ni plus, ni moins, une icône du même type que tant d’autres qui ont joué un rôle insigne dans l’his­toire et dans la litur­gie orientales. 

Loin d’être une excep­tion, c’est une fleur exquise épa­nouie sur un tronc sécu­laire au riche bran­chage. N’est-ce pas signi­fi­ca­tif que la plu­part des icônes mira­cu­leuses se réclament d’une tra­di­tion affir­mant que la Sainte Vierge en per­sonne aurait « posé » ? 

M. Ala­del n’est pas spé­cia­liste en ico­no­gra­phie. Il se débat pen­dant un an avant de rendre les armes. Sœur Cathe­rine insiste. 

« Mon Père, la Sainte Vierge n’est pas contente. Mon Père, elle veut que vous fas­siez frap­per cette médaille. Mon Père, il ne faut plus attendre ». 

Au mois de jan­vier 1832, M. Ala­del s’en va à l’ar­che­vê­ché avec M. Étienne son supé­rieur, pour une toute autre affaire. Le hasard fait que Mon­sei­gneur de Qué­len pro­longe l’au­dience. Le confes­seur de Cathe­rine fait allu­sion, timi­de­ment, aux pro­diges de la rue du Bac. Ne voyez-vous pas dans les cou­lisses les Anges qui jubilent ? 

Frappe de la médaille.

Au grand éton­ne­ment de ses visi­teurs, l’Ar­che­vêque de Paris n’op­pose pas d’ob­jec­tions. Il auto­rise la frappe de la médaille et réclame même « un des pre­miers exemplaires ». 

Monsieur Aladel parle de la médaille miraculeuse à l'archevêque de Paris

En quit­tant l’Ar­che­vê­ché, M. Ala­del se sent des ailes. Il court, il vole au 54 bis du quai des Orfèvres (aujourd’­hui N° 42) où l’on peut lire, sur le fron­ton « Mai­son Vachette, fon­dée en 1815 ». Le gra­veur est d’ac­cord : « Appor­tez-moi seule­ment le dessin ». 

Scru­pu­leu­se­ment, M. Ala­del consulte, véri­fie, contrôle chaque détail. Si vrai­ment la Sainte Vierge a dai­gné appa­raître, ne serait-ce pas fort imper­ti­nent de tra­hir le mer­veilleux modèle ? Sans le savoir il suit l’exemple des peintres d’i­cônes, dont l’art évoque des visions de gloire. Enfin, au mois de mai, il passe la com­mande de vingt mille médailles. 

L’af­faire s’é­bruite. Pour éprou­ver sœur Cathe­rine M. Ala­del fait un jour devant elle le récit des appa­ri­tions. Grand émoi dans l’au­di­toire ! Les cor­nettes fré­missent, les ques­tions fusent : 

— Mon­sieur l’Au­mô­nier, dites-nous le nom de la jeune novice ! Est-elle encore vivante ? Pour­rons-nous la voir ? Ce qu’elle doit être heu­reuse ! Oh, Mon­sieur l’Au­mô­nier, nous vous sup­plions de nous la faire connaître ! 

M. Ala­del observe la voyante qui ne semble pas du tout embar­ras­sée. Pas le moindre geste ne tra­hit son émo­tion. Elle ne rou­git même pas sous le regard scru­ta­teur. Tout au plus, selon son habi­tude, baisse-t-elle les yeux. 

Faut-il être humble et simple pour ain­si se maî­tri­ser ? M. Ala­del est édi­fié, mais se garde bien de le dire. Tan­dis que ses com­pagnes se cassent la tête pour devi­ner le nom de la voyante, sœur Cathe­rine est au milieu d’elles et passe inaperçue. 

— Non, mes chères sœurs, dit enfin l’au­mô­nier, la Sainte Vierge désire que sa petite confi­dente demeure com­plè­te­ment incon­nue. C’est un secret de conscience, je ne puis vous le livrer.

Le 30 juin, M. Ala­del apporte en triomphe les pre­mières médailles et les dis­tri­bue aux sœurs, dans un délire d’al­lé­gresse. Sœur Cathe­rine baise dévo­te­ment la sienne et déclare d’une voix ferme.

— Et main­te­nant, il fau­dra la propager. 

Tout le monde est d’ac­cord. Sœur Cathe­rine peut ren­trer dans le rang.

Tan­dis que ses « car­touches » montent à l’as­saut du monde en mul­ti­pliant miracles et conver­sions, elle reste ense­ve­lie dans le silence, au ser­vice des pauvres et des vieillards. Les soins les plus vils ne la rebutent pas : « Ce sont nos perles à nous », dit-elle. Ses enfants ne sont pas tou­jours com­modes ; dans le nombre, il y a d’an­ciens gro­gnards et des mécréants… 

À la longue, même les plus durs capi­tulent. Com­ment résis­ter à son sou­rire, à son dévoue­ment inlassable ? 

Cepen­dant elle demeure si « natu­relle » que son entou­rage est loin de devi­ner son pré­cieux secret. On cherche au loin « la sœur pri­vi­lé­giée » tan­dis qu’elle astique les plan­chers, le visage ruis­se­lant de sueur, ou ravaude les hardes de ses doigts tumé­fiés par l’ar­thrite. Notre Dame semble la cacher jalou­se­ment. « Chez elle, dit-on, il n’y a ni hauts ni bas, elle est tou­jours la même ». N’est-ce pas le propre de la sain­te­té mariale de faire très sim­ple­ment de grandes choses ? Si la Vierge habi­tait au coin de notre rue, peut être ne la recon­naî­trions-nous pas ! 

— Sœur Cathe­rine, Mon­sei­gneur désire vous voir. 

— Non, Mon­sieur l’Au­mô­nier, je dois res­ter inconnue. 

— Mais, ma fille, Mon­sei­gneur vous pro­pose de vous par­ler à tra­vers un voile. Il ne connaî­tra ni votre nom ni votre visage. Il enten­drait seule­ment votre voix racon­tant les apparitions. 

— Non, Mon­sieur l’Au­mô­nier, la Sainte Vierge me l’a défendu. 

Loin de s’en offus­quer, l’Ar­che­vêque de Paris demeu­ra dans l’ad­mi­ra­tion devant tant de farouche réserve. L’en­quête cano­nique éta­blie pour véri­fier « les miracles de la médaille » décla­ra que le silence de la « voyante ano­nyme » était « plus pré­cieux que de beaux dis­cours », car il fai­sait preuve de l’hu­mi­li­té que Satan ne sau­rait contrefaire.

Coloriage de la Médaille miraculeuse donnée à Catherine Labouré, à la chapelle de la rue du Bac.

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