Temps de lecture : 2 minutesLa vie s’écoulait, calme, tranquille, au milieu du labeur quotidien. Jésus, devenu grand, travaillait avec son père nourricier, et allait en ville porter le travail achevé. Un Dieu qui travaille ! Lui qui, d’un mot, a semé des millions d’arbres, rabote des planches, construit des charrues, gagne son pain à la…
Étiquette : <span>Sainte Famille</span>
Temps de lecture : 2 minutesLa Sainte Famille rentra donc à Nazareth où, jusqu’à l’âge de trente ans, Jésus fut soumis et obéit à Joseph et à Marie, comme un enfant docile. Joseph travaillait le bois. Marie s’occupait du ménage, faisant la cuisine, raccommodant le linge, allant puiser de l’eau à la fontaine. Jésus vivait…
On sait que Jésus est né dans une étable. Mais dans l’étable, il n’y avait pas que lui et ses parents, Joseph et Marie. Même le lendemain matin, après le départ des mages et des bergers. Il y avait aussi des animaux. Le bœuf et l’âne, bien sûr, c’est connu, mais pas ceux-là seulement. Si l’on ne parle que d’eux, c’est parce qu’ils se sont bien débrouillés. Où que ce soit, il y a toujours des malins qui s’arrangent pour être sur la photo.
Le bœuf, par exemple, s’était installé là, il trônait. Il avait failli se faire sortir, Joseph trouvait qu’il était de trop. Il estimait que ce n’était pas la place d’un balourd comme lui. Il avait commencé à lui donner des tapes sur l’arrière-train pour le mener dehors. Mais Marie avait dit : « Non, laisse-le ! Au contraire, fais-le approcher, il va réchauffer le petit, il fait froid. » Et le bœuf se gonflait d’orgueil. Presque autant que la grenouille de Jean de la Fontaine. Bon, on dira ce qu’on voudra, ce bœuf était utile.
Mais Joseph n’avait pas remarqué qu’au fond de l’étable, il y avait aussi un âne. Celui-ci, voyant le succès du bœuf, a voulu se faire remarquer. Il s’est mis à chanter : « Hi-han, hi-han ! » Marie a dit : « Ah non, fais-le taire, c’est horrible ! Mets-le dehors, il va faire peur au petit ! » Mais Joseph a répondu : « Je pense qu’il vaut mieux le garder. On ne sait jamais, on aura peut-être besoin de lui. » C’était bien vu, parce que quelques jours plus tard, ils en ont eu besoin, de cet âne. Ils se sont enfuis avec lui, qui portait Marie et le bébé. Les soldats du méchant roi Hérode voulaient le tuer, cet enfant-là ! Joseph a donc fait avancer l’âne près du bébé. Une bête en sus, ça fait de la chaleur en plus. Et du coup, l’âne devenait utile, lui aussi.
Donc : le bœuf et l’âne. Mais en réalité il y avait bien d’autres bêtes dans cette étable ! D’abord il y avait des chiens. Il y a toujours des chiens dans les environs d’une étable. Ils montent la garde. Essayez d’entrer dans la cour d’une ferme et de vous approcher de l’étable ! Vous verrez si les chiens n’arrivent pas à toute allure ! Ils aboient, et ils montrent les crocs en grognant ! Mais là, on les avait fait entrer à cause du froid. À condition qu’ils restent près de l’entrée, ils avertiraient en cas de danger. Ils étaient utiles.
Mais il y avait aussi des animaux qui n’étaient pas utiles, dans cette histoire. Simplement, on n’avait pas pensé à les chasser. Tenez, les chauves-souris, la tête en bas, accrochées aux poutres tout là-haut. On n’allait pas les déranger, les réveiller, elles auraient effrayé Marie. Ça aurait réveillé aussi le bébé. Et il y avait les petites souris, et même quelques gentils gros rats. Pas rassurés, ni les unes ni les autres, bien cachés dans leur trou. Mais quand même curieux, le nez frémissant juste sorti, pour savoir : « Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tout ce tintouin, au petit matin, en plein hiver ? » Vous voyez, il y avait beaucoup d’animaux, dans cette étable. Et même, il y en avait un qui se réveillait juste à l’instant. Il dormait tout l’hiver, d’habitude, bien mussé dans la paille. Sous un tas de brindilles et de copeaux. Bien au chaud, bien tranquille. Un petit hérisson qui avait drôlement sommeil et qu’on avait réveillé. « On ne peut plus être tranquille, de nos jours, dans une étable, se disait-il. Serait-ce seulement pendant trois malheureux mois ! Je vois bien ce que c’est, ce sont encore ces humains ! Ça fait du bruit, et ça se dispute, et ça crie, et ça se bat, et ça pleure, et ça chante ! Pas vraiment utile. »
Pendant les huit jours qu’elle passa dans l’étable de Bethléem, Marie n’eut pas trop à souffrir. Les bergers apportaient des fromages, des fruits, du pain, et du bois pour faire du feu. Leurs femmes et leurs filles s’occupaient de l’Enfant et donnaient à Marie les soins que réclament les nouvelles accouchées. Puis les rois mages laissèrent un amoncellement de tapis, d’étoffes précieuses, de joyaux et de vases d’or.
Au bout de la semaine, quand elle put marcher, elle voulut retourner à Nazareth, dans sa maison. Quelques bergers lui proposèrent de l’accompagner, mais elle leur dit :
— Je ne veux pas que vous quittiez pour nous vos troupeaux et vos champs. Mon Fils nous conduira.
— Mais, dit Joseph, abandonnerons-nous ici les présents des Mages ?
— Oui, dit Marie, puisque nous ne pouvons pas les emporter.
— Mais il y en a pour beaucoup d’argent, dit Joseph.
— Tant mieux, dit Marie.
Et elle distribua aux bergers les présents des rois.
— Mais, reprit Joseph, ne pourrions-nous en garder une petite partie ?
— Qu’en ferions-nous ? répondit Marie. Nous avons un meilleur trésor.
* * *
Il faisait chaud sur la route. Marie tenait l’Enfant dans ses bras, Joseph portail un panier rempli d’un peu de linge et de modestes provisions. Vers midi, ils s’arrêtèrent, très fatigués, à l’orée d’un bois.
Aussitôt, de derrière les arbres, sortirent de petits anges. C’étaient de jeunes enfants, roses et joufflus ; ils avaient sur le dos des ailerons qui leur permettaient de voleter quand ils voulaient, et qui, le reste du temps, rendaient leur marche facile et légère. Ils étaient adroits et plus vigoureux que ne le faisaient supposer leur âge tendre et leur petite taille.
Ils offrirent aux voyageurs une cruche d’eau fraîche et des fruits qu’ils avaient cueillis on ne sait où.
Quand la sainte famille se remit en chemin, les anges la suivirent. Ils débarrassèrent Joseph de son panier et Joseph les laissa faire. Mais Marie ne voulut pas leur confier l’Enfant.
Le soir venu, les anges disposèrent des lits de mousse sous un grand sycomore, et toute la nuit ils veillèrent sur le sommeil de Jésus.
* * *
Marie rentra donc dans son logis de Nazareth. C’était, dans une ruelle populeuse, une maison blanche à toit plat, avec une petite terrasse couverte où Joseph avait son établi.
Les anges ne les avaient point quittés et continuaient de se rendre utiles en mille façons. Quand l’Enfant criait, l’un d’eux le berçait doucement ; d’autres lui faisaient de la musique sur de petites harpes ; ou bien, quand il le fallait, ils lui changeaient ses langes en un tour de main. Le matin, Marie, en se réveillant, trouvait sa chambre balayée. Après, chaque repas, ils enlevaient rapidement les plats et les écuelles, couraient les laver à la fontaine voisine et les reposaient dans le bahut. Lorsque la Vierge allait au lavoir, ils s’emparaient du paquet de linge, se le distribuaient, tapaient joyeusement sur les toiles mouillées, les faisaient sécher sur des pierres et les reportaient à la maison. Et si Marie, en filant sa quenouille, s’assoupissait par la grosse chaleur, sans la réveiller ils finissaient son ouvrage.
« Marie, êtes-vous prête ?
— Me voici ! »
Et la jeune femme s’assied sur l’âne entre deux ballots. Il fait encore nuit… Marie et Joseph partent pour Bethléem.
L’Empereur Auguste a ordonné de recenser tous les habitants de l’Empire Romain et ce n’est pas petite affaire, car l’Empire est vaste. Pour simplifier la besogne des agents du gouvernement, chacun doit se faire inscrire à son lieu d’origine ; Luc, l’Évangéliste, nous le dit, et des papyrus trouvés récemment le confirment.
Pour les particuliers, quelle complication ! Voyez-vous qu’actuellement, on dirait aux Parisiens d’aller se faire inscrire dans la ville, le village, dont leur famille est originaire ! Paris se viderait presque ; les trains, les cars, les voitures n’y suffiraient pas… Joseph, lui, n’a comme moyen de locomotion qu’un âne gris. Marie est montée sur l’animal, et Joseph marche à côté, tenant la bride d’une main, et de l’autre, son bâton de voyage : trois à quatre jours de marche en perspective, vers le sud… voyage agréable vers Pâques, mais beaucoup moins en plein hiver. Il fait très froid dans les vallées, et Joseph craint pour Marie. Pour se réchauffer, celle-ci descend de temps en temps de sa monture et marche près de Joseph. Ils parlent du Messie promis et attendu ; le plus souvent, ils prient ensemble. Plein de respect et d’attention, Joseph entoure Marie de prévenances ; à la halte, il récolte le baume pour le mêler à l’eau de la boisson ; il installe le campement sous quelque térébinthe, et s’il fait noir, suspend la lanterne à une branche… Voici Jérusalem !… Encore une dizaine de kilomètres, et ils seront rendus… Le voyage est pénible dans les montagnes de Judée, les sabots nerveux de l’âne claquent sur le sentier…