Temps de lecture : 2 minutesUne Chananéenne (païenne) suppliait Jésus de guérir sa fille tourmentée par le démon. Jésus, pour éprouver sa foi, lui répondit durement, allant jusqu’à lui dire « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants (juifs) et de le donner aux petits chiens » (païens). Mais cette femme, à genoux, pleine…
Étiquette : <span>Prière</span>
Chapitre V
MONSIEUR le Curé arrivait, en effet, par la petite porte qui donne sur le jardin du presbytère. Il portait un grand panier rempli de roses en papier qu’il fallait entrelacer pour en faire des guirlandes — une rouge, une blanche, une rouge, une blanche.
En un clin d’œil, la bande du « chat-perché » fut rassemblée : ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de tresser des guirlandes de roses en papier.
— Claire voudrait savoir, dit Mlle Gaby, si l’Enfant Jésus avait son ange gardien ; le catéchisme n’en parle pas.
— Ni l’Évangile non plus, répondit M. le Curé.
— Naturellement, l’Enfant Jésus avait un ange gardien, dit Madeleine.
Madeleine a beau tenir la première place du catéchisme, M. le Curé ne croit point qu’elle soit incapable de se tromper.
— Doucement, doucement. Que fait notre ange gardien ?
Madeleine répond d’une seule haleine, comme on dévide une leçon de catéchisme :
— Notre ange gardien nous défend, nous guide, nous conseille et prie pour nous dans les dangers.
— Bien répondu. Ne voyez-vous pas qu’il y a là des choses dont l’Enfant Jésus pouvait se passer ? Est-ce qu’il avait besoin d’être guidé et conseillé ? Non, puisqu’il savait tout. Est-ce qu’il avait besoin qu’on prie pour lui ? Non plus, puisqu’il était le Bon Dieu…
— Alors, l’Enfant Jésus n’a pas eu d’ange gardien, dit Madeleine, attristée et déçue.
Visiblement, le cercle des petites filles trouvait que c’était bien dommage.
— Attendez ! attendez ! vous allez toujours trop vite. Admettons que l’ange gardien de l’Enfant Jésus n’était pas un ange gardien comme les autres. Il n’avait pas à envoyer de bonnes inspirations, puisque tout ce qui sortait de Jésus était bon. Je ne sais pas, après tout, s’il devait porter ses mérites devant Dieu, puisque Jésus était Dieu.
— Un seul n’aurait pas suffi, il en aurait fallu une équipe, dit Claire.
— Notre-Seigneur a parlé des anges qu’on verrait, dans le ciel ouvert, monter et descendre au-dessus de sa tête. Si, lorsqu’il était petit, un ange, le plus beau des anges du paradis, a été mis à son service, plus tard il en a eu plusieurs, et c’est lui qui les commandait.
— Il était le gardien des anges gardiens, fit Madeleine.
— Et de tous les autres anges. Il l’a dit : Je n’aurais qu’à faire un petit signe et plus de douze légions d’anges, c’est-à-dire douze régiments d’anges, se précipiteraient sur les méchants.
Madeleine, Colette, Claire, toutes leurs compagnes virent, dans un éclair, le régiment de chasseurs à cheval qui avait cantonné dans le village, l’automne dernier. Douze régiments de chasseurs à cheval !
— En tout cas, poursuivit Monsieur le Curé, dans l’histoire de Jésus, il est bien souvent question d’anges qui s’occupent de lui, à commencer par les anges qui ont chanté dans la nuit de Noël : Gloria in excelsis Deo.
Lorsque Hérode voulut tuer le petit Jésus (en ce temps-là, les anges gardiens des Saints Innocents arrivèrent très nombreux au paradis avec des âmes toutes blanches), un ange avertit saint Joseph et la Sainte Vierge qu’il fallait partir tout de suite en Égypte. « L’ange du Seigneur, » dit l’Évangile. C’est un travail d’ange gardien que fait cet ange-là. Plus tard, après le jeûne de quarante jours au désert…
— Quarante jours ! dit Colette, à mi-voix, sur un ton d’effroi.
— …nous savons encore que « les anges le servaient ».
Et l’Ange de l’Agonie, cet Ange du Jardin des Oliviers dont on ne dit pas le nom, n’est-ce pas encore un des bons anges de Jésus ?
— Et après ? fait Thérèse.
VI
UNE heure passa ainsi, puis une autre. Jeanne s’appliquait aujourd’hui à faire toute chose avec plus de soin que d’habitude.
Ne désirait-elle pas offrir son zèle en sacrifice pour l’inconnu « perdu » ?
Apporter son petit tribut aux Saints, c’était la meilleure préparation pour la fête du lendemain.
Et il y avait tant à faire dans la maison et au jardin.
Au jardin, il fallait bien s’occuper un peu de ses frères. Ils étaient en train de construire dans le sable une grande forteresse.
— Qui sera seigneur de la forteresse ? Et Jeanne, qui sera-t-elle ?
Penchés tous trois au-dessus de leur château fort minuscule, ils avaient l’air de géants.
Jeanne prit le rôle de la bergère.
— Quel est le Dauphin ? François ou Bernard ?
Ce n’était pas une simple bergère.
Un morceau de carton remplaça le bouclier. La voilà prête au combat, prête à donner sa vie.
Que le Dauphin espère. Elle chassera l’ennemi hors des frontières.
— Je me confie à Dieu, dit Jeanne en se dressant devant Bernard.
— C’est bien, ma Pâquerette du Paradis, dit le Dauphin en lui remettant l’étendard…
Papa, à son retour de l’hôpital trouva ses enfants en plein jeu.
Il s’arrêta un instant et les embrassa d’un tendre regard.
VII
IL ne pouvait pas encore être question de préparer le repas à la maison.
C’était midi.
On décida d’aller au restaurant.
Papa ouvrit son journal.
— Va chercher maman, dit papa à Jeanne en posant une main caressante sur sa tête.
Jeanne se pressa pour monter l’escalier.
Au premier on ne percevait aucun bruit. Les chambres attendaient déjà toutes prêtes. Par la fenêtre donnant sur l’escalier on voyait un carré de ciel. Le jour était doux comme un jour d’adieu.
Jeanne monta au second étage et, pénétrant dans la première pièce, elle trouva sa mère.
C’était une petite chambre carrée, toute blanche, aménagée en chapelle.

Sur un tapis bleu il y avait contre le mur une table un peu surélevée et couverte d’une nappe brodée. Au-dessus se trouvait une croix d’ivoire, que Jeanne connaissait depuis toujours. Au-dessous deux vases étaient garnis de fleurs.
Maman se tenait à genoux devant le crucifix, le visage plongé dans les mains.
Jeanne regretta que papa ne fût pas là avec elles.
« Quelle scène sublime dans sa simplicité ! fait observer M. le comte Lafond. Au premier plan, sur le seuil de la grange, étaient les enfants, les mains jointes, les yeux tout grands ouverts, et recevant en plein cœur la mystérieuse lumière qui jaillissait de l’apparition, et que réverbéraient leurs naïves figures.
« Sur le second plan, dans l’intérieur de la grange ouverte, était le groupe des hommes, des femmes et des religieuses, et, au milieu de ce groupe, le vénérable pasteur du Pontmain, prosterné jusqu’à terre.
« Et plus loin, dans la pénombre, les bestiaux de Barbedette, ruminant en silence.
« Ne se croirait-on pas transporté à cette nuit mémorable où les bergers de la Judée, avertis par des anges environnés d’une lumière divine, vinrent adorer Jésus dans l’étable de Bethléem ? »
Alors, comme si la prière ajoutait à sa gloire la belle Dame grandit et s’éleva plus haut dans le ciel.
« Elle est maintenant, dirent les enfants, deux fois grande comme sœur Vitaline. »
« Le cercle bleu, disaient les petits voyants, s’étendait en proportion de l’agrandissement de l’apparition. Les étoiles du temps, selon leur expression, se rangeaient vivement comme pour lui faire place, et venaient deux à deux se ranger sous les pieds de la Vierge. » Ce mouvement d’étoiles était également invisible pour les assistants.

D’autres étoiles se multipliaient sur la robe qui en était déjà parsemée, « Y en a‑t-il ! y en a‑t-il ! criaient les enfants ; c’est comme une fourmilière.… elle est bientôt toute dorée. »
Désormais personne ne doutait plus : l’enthousiasme des enfants se communiquait à la foule recueillie. Tous sont debout : la sœur Marie-Edouard entonne le Magnificat, poursuivi par toutes les voix ensemble. Le premier verset s’achevait à peine, que les quatre enfants (le petit Friteau n’était plus là) s’écrièrent tous à la fois : « Oh ! voilà encore quelque chose qui se fait !.… »
Un grand écriteau blanc, large d’environ un mètre cinquante centimètres, qui s’étendait d’une extrémité à l’autre de la maison Guidecoq, apparut au-dessous des pieds de la Dame et du cercle bleu,.
Il semblait aux enfants qu’une main invisible traçât lentement, sur ce fond d’une éclatante blancheur, de beaux caractères d’or, des majuscules, comme dans les livres. Ce furent successivement un M, un A, un I, puis un S.
Ce mot MAIS resta d’abord seul pendant dix minutes. Pendant ce temps d’arrêt, vint à passer un habitant du bourg, Joseph Babin, qui s’en revenait du dehors.
Surpris de ces rassemblements et de ces chants : « Vous n’avez qu’à prier, dit-il, les Prussiens sont à Laval ! »
Cette nouvelle, de nature à troubler toute la population, ne causa pas le moindre effroi. Interprète du sentiment général, une femme répondit : « Eh bien ! quand même les Prussiens seraient à l’entrée du village, nous n’aurions pas peur ; la sainte Vierge est avec nous. »
Bientôt informé de ce qui se passe, ce brave homme partage cette confiance, et se mêle au groupe pour prier.
La nouvelle de l’occupation de Laval était heureusement fausse. Les Prussiens n’y entrèrent pas, grâce, sans doute, au pèlerinage et à la protection de Notre-Dame d’Avesinières.
Le Magnificat achevé, la phrase suivante brillait sur l’écriteau :
MAIS PRIEZ MES ENFANTS.
Cent fois, les enfants, interrogés par le curé, les sœurs et les assistants, épelèrent ces mots sans hésitation ni contradiction aucune.
L’émotion générale était profonde ; il n’y avait plus d’incrédules, et presque tous pleuraient.
La belle Dame souriait toujours.
Il était environ sept heures et demie ; il y avait deux heures que durait l’apparition.
On ouvrit alors le grand portail de la grange, dans laquelle environ soixante personnes avaient cherché un abri contre le froid rigoureux. À l’entrée, on avait apporté des chaises, sur lesquelles les enfants prirent place. Ils se levaient souvent pour manifester, par des gestes expressifs, les sentiments d’admiration que leur inspirait le magnifique spectacle qu’ils avaient seuls le privilège de voir.
« II faut, dit le vénérable curé, chanter les litanies de la sainte Vierge, et la prier de faire connaître sa volonté. »
Sœur Marie-Edouard commença les litanies. À la première invocation, les enfants s’écrièrent vivement :
« Voilà encore quelque chose qui se fait. Ce sont des lettres. C’est un D. »
Et ils nommèrent successivement, et à qui le premier, les lettres des mots suivants, complètement tracés à la fin des litanies :
DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS.
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III
Pendant ce temps, maman, Agnès et Gilbert se dirigeaient vers l’église, et maman expliquait à ses enfants le sens de la cérémonie à laquelle ils allaient assister.
— L’Église, leur dit-elle, procède chaque année à trois grandes bénédictions : la bénédiction des cierges à la Purification, la bénédiction des cendres le premier jour de Carême, la bénédiction des palmes ou des buis le Dimanche des Rameaux. Et toutes ces bénédictions sont symboliques.
Et comme Gilbert levait vers elle son regard interrogateur, maman se hâta d’ajouter :
— C’est-à-dire qu’en plus de leur signification visible, ces bénédictions représentent des choses invisibles, quoique réelles, telles que la divinité du Christ pour les Rameaux, la mortification des fidèles pour les Cendres et, pour la fête d’aujourd’hui, le triomphe de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère.
— Comment cela ? questionna Agnès à son tour.
— Sais-tu avec quoi sont fabriqués les cierges ?
— Avec de la bougie, dit triomphalement Gilbert.
— Avec de la cire, rétorqua doucement sa mère, tandis qu’Agnès pouffait de rire.
— C’est cela que je voulais dire, protesta Gilbert vexé, et même, je sais que la cire vient des abeilles.
— Gilbert n’avait pas tort, dit maman, beaucoup de cierges sont faits aujourd’hui avec de la stéarine, matière qui sert à faire les bougies. Mais les cierges qui servent aux cérémonies de la liturgie doivent être obligatoirement en cire.
— Tu te rappelles, maman, les abeilles de grand-papa ? Il nous emmenait près de leurs ruches, il nous expliquait leur travail et nous montrait les gâteaux de cire dont les cellules ruisselaient de miel.

— Il était bon, le miel de grand-papa, je me rappelle… et aussi qu’un jour on a mis un crêpe aux ruches parce que grand-papa était mort, n’est-ce pas, maman ?
Maman serra la petite main de son fils et continua :
— La cire des abeilles vient des fleurs, comme le miel, et ce sont aussi les abeilles qui l’élaborent. Elle est pure et parfumée. Les Pères de l’Église comparent la cire des cierges à la chair même du Christ, à son corps divin. Au milieu du cierge est la mèche qui brûle haut et droit. Cette mèche, c’est l’âme de Jésus, et la flamme qui la couronne représente la divinité. C’est ainsi qu’on a vu dans le cierge de la Chandeleur, l’image du Sauveur lui-même. N’a-t-il pas dit : Je suis la lumière du monde ? Le cierge représente aussi la foi avec les bonnes œuvres, et la mèche cachée serait l’intention droite dont saint Grégoire a dit : Que vos œuvres soient publiques, mais que vos intentions demeurent cachées. Ce qui veut dire de faire le bien, mais non par vanité et avec ostentation.