Chandeleur – La bénédiction des cierges

Auteur : Duhamelet, Geneviève | Ouvrage : Chandeleur .

Temps de lec­ture : 17 minutes

III

Pen­dant ce temps, maman, Agnès et Gil­bert se diri­geaient vers l’é­glise, et maman expli­quait à ses enfants le sens de la céré­mo­nie à laquelle ils allaient assister.

— L’É­glise, leur dit-elle, pro­cède chaque année à trois grandes béné­dic­tions : la béné­dic­tion des cierges à la , la béné­dic­tion des cendres le pre­mier jour de Carême, la béné­dic­tion des palmes ou des buis le Dimanche des Rameaux. Et toutes ces béné­dic­tions sont symboliques.

Et comme Gil­bert levait vers elle son regard inter­ro­ga­teur, maman se hâta d’ajouter :

— C’est-à-dire qu’en plus de leur signi­fi­ca­tion visible, ces béné­dic­tions repré­sentent des choses invi­sibles, quoique réelles, telles que la divi­ni­té du Christ pour les Rameaux, la mor­ti­fi­ca­tion des fidèles pour les Cendres et, pour la fête d’au­jourd’­hui, le triomphe de Notre-Sei­gneur et de sa sainte Mère.

— Com­ment cela ? ques­tion­na Agnès à son tour.

— Sais-tu avec quoi sont fabri­qués les cierges ?

— Avec de la bou­gie, dit triom­pha­le­ment Gilbert.

— Avec de la cire, rétor­qua dou­ce­ment sa mère, tan­dis qu’A­gnès pouf­fait de rire.

— C’est cela que je vou­lais dire, pro­tes­ta Gil­bert vexé, et même, je sais que la cire vient des abeilles.

— Gil­bert n’a­vait pas tort, dit maman, beau­coup de cierges sont faits aujourd’­hui avec de la stéa­rine, matière qui sert à faire les bou­gies. Mais les cierges qui servent aux céré­mo­nies de la litur­gie doivent être obli­ga­toi­re­ment en cire.

— Tu te rap­pelles, maman, les abeilles de grand-papa ? Il nous emme­nait près de leurs ruches, il nous expli­quait leur tra­vail et nous mon­trait les gâteaux de cire dont les cel­lules ruis­se­laient de miel.

Les cierges de l'église expliqués pour le catéchisme
Il nous emme­nait près des ruches.

— Il était bon, le miel de grand-papa, je me rap­pelle… et aus­si qu’un jour on a mis un crêpe aux ruches parce que grand-papa était mort, n’est-ce pas, maman ?

Maman ser­ra la petite main de son fils et continua :

— La cire des abeilles vient des fleurs, comme le miel, et ce sont aus­si les abeilles qui l’é­la­borent. Elle est pure et par­fu­mée. Les Pères de l’É­glise com­parent la cire des cierges à la chair même du Christ, à son corps divin. Au milieu du est la mèche qui brûle haut et droit. Cette mèche, c’est l’âme de Jésus, et la flamme qui la cou­ronne repré­sente la divi­ni­té. C’est ain­si qu’on a vu dans le cierge de la , l’i­mage du Sau­veur lui-même. N’a-t-il pas dit : Je suis la lumière du monde ? Le cierge repré­sente aus­si la foi avec les bonnes œuvres, et la mèche cachée serait l’in­ten­tion droite dont saint Gré­goire a dit : Que vos œuvres soient publiques, mais que vos inten­tions demeurent cachées. Ce qui veut dire de faire le bien, mais non par vani­té et avec ostentation.

— Je com­prends, dit Gil­bert. Quand on donne deux sous à la quête, il ne faut pas les jeter de très haut dans la bourse de manière à ce qu’ils tintent.

— Le cierge allu­mé, dit encore maman qui sou­rit de l’in­ter­rup­tion, signi­fie encore la gloire de la Vierge Marie qui n’a­vait pas besoin de puri­fi­ca­tion, étant toute Pure­té, toute Lumière.

Sur ces mots, ils attei­gnaient l’é­glise. Maman se pla­ça près du chœur, afin que ses enfants pussent bien voir les céré­mo­nies. Cha­cun d’eux sui­vait dans son mis­sel l’of­fice du jour.

Debout devant l’au­tel, du côté droit qu’on appelle le côté de l’É­pître, le prêtre, les mains jointes, revê­tu de l’é­tole et de la chape vio­lette, lisait les orai­sons. Elles étaient un peu longues, mais maman pen­sait que rien n’é­tait plus com­pré­hen­sible, même aux huit ans de Gil­bert, que les belles phrases claires qui parlent de la lumière du monde :

Sei­gneur Saint, Père tout-puis­sant, Dieu éter­nel qui, de rien, avez créé toutes choses et qui, par le tra­vail des abeilles, avez vou­lu trans­for­mer cette sub­stance en cire, et qui, en ce jour, avez accom­pli la demande du juste Siméon, nous vous en prions hum­ble­ment, par l’in­vo­ca­tion de votre saint nom et par l’in­ter­ces­sion de la bien­heu­reuse Marie tou­jours Vierge, dont nous célé­brons aujourd’­hui la fête avec dévo­tion, et par les prières de tous vos saints, dai­gnez bénir et sanc­ti­fier ces Cierges pour l’u­sage des hommes, pour la san­té des corps et des âmes, sur terre comme sur mer.

Dieu tout-puis­sant et éter­nel, qui avez pré­sen­té aujourd’­hui votre Fils unique dans votre saint Temple, pour qu’il fût reçu dans les bras de saint Siméon, nous sup­plions ins­tam­ment votre clé­mence de dai­gner bénir, sanc­ti­fier et, par la lumière de votre sou­ve­raine béné­dic­tion, allu­mer ces cierges que nous, vos ser­vi­teurs, rece­vons et dési­rons por­ter allu­més après les avoir reçus pour la gloire de votre nom ; afin qu’en vous les offrant, ô Sei­gneur notre Dieu, ren­dus dignes et embra­sés du feu sacré de votre très douce cha­ri­té, nous méri­tions d’être pré­sen­tés dans le temple saint de votre gloire…

Sei­gneur Jésus-Christ, vraie lumière qui illu­mi­nez tout homme venant en ce monde, répan­dez votre béné­dic­tion sur ces cierges et sanc­ti­fiez-les de la lumière de votre grâce : faites par votre bon­té que, comme ces lumi­naires, brillant d’une lumière visible, chassent les ténèbres de la nuit, ain­si nos cœurs, illu­mi­nés d’un feu invi­sible, c’est-à-dire par la splen­deur du Saint-Esprit, soient déli­vrés de l’a­veu­gle­ment de tous les vices, afin que, l’œil de notre âme étant puri­fié, nous puis­sions voir les choses qui vous sont agréables et qui sont utiles à notre salut, et qu’ain­si, après les ténèbres dan­ge­reuses de ce siècle, nous méri­tions d’ar­ri­ver à la lumière indéfectible.

…Sei­gneur Jésus-Christ qui, appa­rais­sant aujourd’­hui par­mi les hommes dans la sub­stance de votre chair, avez été pré­sen­té par vos parents au Temple ; vous que le véné­rable vieillard Siméon, irra­dié de la lumière de votre Esprit, a recon­nu, reçu et béni, faites, dans votre bon­té, qu’illu­mi­nés et ins­truits par la grâce du même Esprit-Saint, nous vous recon­nais­sions avec véri­té et vous aimions avec fidélité.

Atten­ti­ve­ment, Agnès et Gil­bert lisaient ces orai­sons et maman, qui les obser­vait en lisant elle-même, savait, d’un doigt dis­cret, leur indi­quer la page qu’ils devaient suivre.

Cérémonie de la Présentation de l'Enfant-Jésus au Temple

Quand les orai­sons furent ache­vées, le prêtre, par trois fois, asper­gea d’eau bénite les cierges et, par trois fois aus­si, les encen­sa. Puis les assis­tants allèrent s’a­ge­nouiller à la Sainte Table pour rece­voir ces cierges bénits, tan­dis que la maî­trise enton­nait le can­tique de Siméon : Nunc dimit­tis, répé­tant entre chaque ver­set le der­nier en guise d’an­tienne : Il sera la lumière qui éclai­re­ra les nations et la gloire de votre peuple d’Is­raël.

Et ces cierges seront rap­por­tés dans les mai­sons et gar­dés avec le plus grand soin. On les allu­me­ra pen­dant l’o­rage, pour se pré­ser­ver de la foudre. On les allu­me­ra encore auprès des mou­rants, comme signe de la pro­tec­tion de la Sainte Vierge et comme gage de l’im­mor­ta­li­té de l’âme. Le prêtre, au che­vet de l’a­go­ni­sant, ad-jure : au nom de l’É­glise, Satan et ses armées de fuir dans le chaos de l’é­ter­nelle nuit.

Jadis, on plan­tait aus­si ces cierges au milieu des champs pour empê­cher que les blés ne soient cariés (pour­ris, gâtés).

Il ne fau­drait pas, cepen­dant, atta­cher à ces usages une idée super­sti­tieuse. Mais les cierges sont des sacra­men­taux, c’est-à-dire des signes visibles de la grâce de Dieu, et c’est bien, ain­si que le dit une des orai­sons de la béné­dic­tion, pour la san­té des corps et des âmes qu’ils sont employés.

Maman, Agnès et Gil­bert ont reçu, comme chaque fidèle, un cierge allu­mé. Que c’est joli, toutes ces petites flammes qui brillent dans l’é­glise sombre ! Et voi­ci que le diacre se tourne vers la foule pour l’in­vi­ter à la procession :

« Pro­ce­da­mus in pace, avan­çons en paix », leur dit-il.

Oui, puisque le cierge repré­sente Jésus — on l’a chan­té tout à l’heure — les fidèles peuvent avan­cer en paix dans sa lumière.

Et la pro­ces­sion se met en marche, image de cette vie de la terre où nous pas­sons avec Jésus qui nous illu­mine et nous conduit. Ain­si mar­chaient vers Jéru­sa­lem Joseph et Marie qui por­tait son Fils.

Maman tend à Agnès son Année litur­gique et lui fait lire un pas­sage de saint Bernard :

Aujourd’­hui, la Vierge Mère intro­duit le Sei­gneur du Temple dans le Temple du Sei­gneur, Joseph pré­sente au Sei­gneur, non un fils qui soit le sien, mais le Fils bien-aimé du Sei­gneur dans lequel il a mis ses com­plai­sances. Le juste recon­naît celui qu’il atten­dait, la veuve Anne l’exalte dans ses louanges. Ces quatre per­sonnes ont célé­bré pour la pre­mière fois la Pro­ces­sion d’au­jourd’­hui qui, dans la suite, devait être solen­ni­sée dans l’al­lé­gresse de la terre entière, en tous lieux et par toutes les nations. Ne nous éton­nons pas que cette Pro­ces­sion ait été si petite, car celui qu’on y rece­vait s’é­tait fait petit. Aucun pécheur n’y parut : tous étaient justes, saints et parfaits.

Et les chantres et les fidèles chantent une très ancienne antienne que chante aus­si la litur­gie grecque (dans laquelle la fête d’au­jourd’­hui se nomme Hypa­pante) :

Décore ta chambre, ô Sion, et reçois le Christ-Roi ; accueille avec amour Marie qui est la Porte du ciel ; car elle porte le Roi de gloire, la lumière nouvelle.

La Pro­ces­sion des Cierges s’a­chève. Le célé­brant et le prêtre qui l’as­sis­tait échangent les vête­ments vio­lets contre les vête­ments blancs qui sont les vête­ments des fêtes de la Très Sainte Vierge.

Toute la litur­gie de la Messe rap­pelle la Puri­fi­ca­tion. L’É­pître est tirée du livre du Pro­phète Mala­chie, le Nunc dimit­tis est chan­té à nou­veau avant l’É­van­gile, et cet Évan­gile est celui qui raconte la Pré­sen­ta­tion de l’En­fant-Jésus au Temple.

Les enfants ont soi­gneu­se­ment posé leur cierge éteint sur leur prie-Dieu — et Gil­bert s’ef­force de décol­ler de sur sa main les petites larmes de cire qui s’y sont incrus­tées — Maman regarde ses ché­ris et songe, que c’est aujourd’­hui la clô­ture du temps de Noël. Elle demande à la Sainte Vierge de conser­ver dans sa mai­son la douce joie du temps de l’en­fance en gar­dant bien purs les cœurs de ses bien-aimés.

Agnès et Gil­bert ont triom­pha­le­ment rap­por­té leurs cierges et comme Jean consta­tait, le cœur gros :

— Alors, moi, je n’en ai pas, de cierge, puisque je ne suis pas allé à la messe !…

Maman lui a natu­rel­le­ment don­né le sien. Les mamans n’en font jamais d’autres ! Mais Chris­tine, à son tour, a pro­tes­té, et grand’­mère a fouillé dans son armoire et en a reti­ré un qua­trième cierge, plus gros que les autres et muni d’un petit abat-jour en papier bleu et blanc. C’est un cierge de Lourdes. Chris­tine le trouve beau­coup plus beau que celui de ses frères et embrasse grand’­mère avec effusion.

— Il y a des cierges à toutes les céré­mo­nies, observe Jean.

— Tu as rai­son. Leur lumière est l’ac­com­pa­gne­ment obli­gé de la messe et de l’ad­mi­nis­tra­tion de tous les sacre­ments, sauf de la Pénitence.

— Je me sou­viens du bap­tême de Phi­lippe, dit Gil­bert qui était le par­rain de son petit frère. Mon­sieur l’ab­bé m’a don­né à tenir un cierge allumé.

— Et il t’a dit en latin et comme s’il par­lait au bébé dont tu tenais la place : Rece­vez ce flam­beau ardent et conser­vez invio­lable la grâce de votre bap­tême.

— À notre pre­mière com­mu­nion solen­nelle, dit Agnès, Jean et moi, nous avions cha­cun un cierge, un gros cierge à poi­gnée de velours. Je me sou­viens même que j’ai eu un peu de peine parce que ceux des gar­çons étaient allu­més et qu’on n’a pas vou­lu allu­mer ceux des petites filles, à cause de nos mous­se­lines qui auraient pu s’enflammer.

— Tu te rap­pelles, grand’­mère, au mariage de tante Jeanne, il y avait des cierges près de son prie-Dieu et de celui de Ton­ton, dit Chris­tine qui avait eu l’hon­neur, ce jour-là, de tenir la traîne de la mariée.

Jean vou­drait ajou­ter quelque chose, mais il a peur de pei­ner sa grand’­mère. Il mur­mure pourtant :

— Il y avait aus­si des cierges, beau­coup de cierges, à l’en­ter­re­ment de grand-papa.

— Oui, mon bon ché­ri, et c’é­tait pour conso­ler ceux qui priaient autour du cer­cueil en leur par­lant de l’im­mor­ta­li­té de l’âme.

— Pen­dant l’or­di­na­tion des aco­lytes, le der­nier des ordres mineurs, ajoute maman qui feuille­tait un livre et trou­vait ce qu’elle y cher­chait, l’É­vêque qui offi­cie leur fait tou­cher un chan­de­lier et un cierge en leur disant qu’ils sont char­gés du soin du lumi­naire dans l’É­glise au nom du Sei­gneur, et il ajoute : Étu­diez-vous à rem­plir digne­ment votre fonc­tion d’al­lu­mer les cierges. En effet, vous ne pour­rez plaire à Dieu si, por­tant sa lumière en vos mains, vous accom­plis­sez des œuvres de ténèbres. Et encore : vous étiez ténèbres autre­fois, soyez main­te­nant lumières devant le Sei­gneur.

— Un prêtre qui a long­temps vécu à Rome me racon­tait qu’au jour de la Chan­de­leur les supé­rieurs de toutes les mai­sons reli­gieuses qui se trouvent dans la Ville Éter­nelle offrent au Pape, qui les
reçoit dans la salle du Trône, un cierge bénit.

La prière des enfants plait au ciel
Quand je mets un cierge à l’é­glise c’est maman qui me tient la main.

La petite Chris­tine essaie de suivre cette conver­sa­tion qui lui semble un peu dif­fi­cile. Elle vou­drait y pla­cer son mot :

— Moi, dit-elle, quand je mets un cierge à la Sainte Vierge, ou à saint Joseph, ou à la petite sainte Thé­rèse, c’est maman qui me tient la main.

— Elle a rai­son, dit maman en sou­riant, je la charge tou­jours de pla­cer le cierge elle-même, notre toute petite et, dans quelques années, ce sera Phi­lippe qui rem­pli­ra cet office. Le bon Dieu aime exau­cer les prières que lui pré­sentent les petits enfants.

— Un cierge est donc une , maman ?

— C’en est, en tout cas, le sym­bole. De même que le Psal­miste a pu dire : je dors, mais mon cœur veille, de même le cierge pour­rait dire au chré­tien : je suis ta prière pro­lon­gée. Tu vas quit­ter la mai­son de Dieu, tu vas reprendre ton tra­vail, tes sou­cis, tes plai­sirs, ton repos. Et moi, à la place où tu m’as mis, jus­qu’au bout, je me consu­me­rai. Et, tout en me consu­mant, je par­le­rai à Dieu pour toi.

— Tous les saints ont aimé les cierges. Sainte Gene­viève, la mère de la Patrie, por­tait le sien de Paris à Saint-Denys où elle se ren­dait en pèle­ri­nage et, tan­dis que le démon souf­flait la flamme frêle, un ange la rallumait.

— Je sais, je sais, cria Gil­bert d’une voix si aiguë que, pour le taqui­ner, Jean et Agnès firent mine de se bou­cher les oreilles. Je sais. Papa m’a mon­tré la sta­tue à Rouen quand je suis allé avec lui en auto cet été… j’ai vu le souf­flet du diable, et le petit ange, et tout…

Gil­bert avait été très fier de ce voyage accom­pli seul avec son père et il triom­phait une fois de plus. Qui­conque a beau­coup vu peut avoir beau­coup rete­nu, dit le fabu­liste.

Sainte Geneviève faisant le pélerinage à saint Denis et le diable lui souffle son cierge
Sainte Gene­viève entre l’ange et le démon.

— Sainte Jeanne d’Arc aus­si aimait les cierges. Elle en fai­sait brû­ler aux sanc­tuaires où elle s’a­ge­nouillait, guer­rière en armes. Et la bien­heu­reuse Ber­na­dette à la grotte de Lourdes, en tenait un bien droit devant elle tan­dis que la Sainte Vierge lui parlait.

— Je sais encore quelque chose, dit posé­ment Agnès. Un jour, elle joi­gnit les mains par-des­sus la flamme, sans y faire atten­tion, puis­qu’elle était en extase, et la flamme pas­sa entre ses petits doigts sans lui faire aucun mal. On nous a racon­té cela au catéchisme.

C’est au tour d’A­gnès d’a­voir appor­té un peu de sa science. Ain­si on s’ins­truit, lorsque cha­cun fait pro­fi­ter les autres de ce qu’il sait.

— Maman, dit Jean, qui depuis un moment semble pré­oc­cu­pé, est-ce que le bon Dieu exauce tou­jours la prière du cierge, je veux dire : la prière que le cierge fait de notre part ?

La ques­tion est déli­cate, et maman, qui observe le petit ques­tion­neur, constate qu’il est deve­nu tout rouge.

— Oui, assu­ré­ment, mon ché­ri, mais d’a­bord, il faut nous entendre, que deman­dons-nous au bon Dieu ?

— Tout, dit Gil­bert avec convic­tion, tan­dis que sa sœur aînée énumère :

— Bien des choses. Par exemple, la gué­ri­son d’un malade, la pro­tec­tion pour un voyage, le suc­cès d’un examen…

— Ou bien, dit Chris­tine, qu’il ne pleuve pas le jour où l’on va déjeu­ner sur l’herbe.

Tout le monde se met à rire et maman elle-même. Puis elle reprend d’un air sérieux :

— C’est Chris­tine qui va m’ai­der à répondre à Jean. Sans doute, il est bien ennuyeux de voir une par­tie de plai­sir man­quée par le mau­vais temps. Et il est cer­tain que le bon Dieu, pour qui rien n’est petit, peut exau­cer une prière sem­blable. Mais à côté de Chris­tine qui demande du soleil, il y a peut-être un brave culti­va­teur qui implore le ciel d’ar­ro­ser ses pommes de terre. Et le bon Dieu est for­cé d’exau­cer celui qui demande une chose plus utile.

— D’au­tant plus que Chris­tine serait navrée si les pommes de terre ne pous­saient pas, remarque grand’­mère. Elle aime tant les frites !

— On peut donc affir­mer, reprend maman, que si le bon Dieu semble ne pas exau­cer votre prière, c’est que vous lui deman­diez quelque chose de mau­vais, d’im­pru­dent ou d’inutile.

— Mais, maman, la san­té de ceux qu’on aime, pourtant !…

— Dieu exauce pour le meilleur, mes ché­ris. Votre prière qui est tou­jours enten­due, s’il ne semble pas l’exau­cer, Dieu l’u­ti­lise cepen­dant pour vous don­ner à vous et à ceux pour les­quels vous le priez de plus grandes grâces, car il sait mieux que vous ce qu’il vous faut. Dites-lui donc : Mer­ci, mon Dieu, de ce que vous m’a­vez envoyé. C’é­tait juste ce que je vou­lais, puisque vous le vouliez.

— Ce n’est pas tou­jours com­mode, remarque Jean qui sui­vait sa pen­sée secrète.

— C’est la vraie foi, mon grand, et c’est aus­si la vraie sagesse. Tu t’en ren­dras compte un jour. Ce sera la grande joie du ciel que de com­prendre les secrets des­seins de Dieu sur nous et de consta­ter quelle grâce il nous a faite en nous refu­sant telle ou telle faveur que nous lui avions demandée.
Sainte Jeanne d'Arc priant la Vierge avant la bataille


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