Et maintenant une histoire ! Posts

Auteur : Renoux, Jean-Claude | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 4 minutes

Qui ne connaît l’his­toire des rois mages qui, gui­dés par une étoile, se ren­dirent à Beth­léem rendre hom­mage à l’En­fant Jésus ?

Le pre­mier s’ap­pe­lait Gas­pard. Il avait le teint clair des Euro­péens, et appor­tait de l’or. Le second, Mel­chior, avait la peau brune des gens de Pales­tine et d’A­ra­bie. Celui-là était por­teur d’en­cens. Le troi­sième, Bal­tha­zar, était cou­leur de nuit sans lune et ses dents brillaient comme brillent les dents des Afri­cains. Ce der­nier offrit à l’en­fant Jésus de la myrrhe.

Raconter l'Epipĥanie aux enfants : Adoration des Mages - Fra Angelico

On sait moins ce qui leur advint sur le che­min du retour.

* * *

Ils étaient savants en beau­coup de choses, certes, mais cela n’empêcha point qu’ils se per­dirent bel et bien, n’ayant plus le secours de l’é­toile pour les aider. Après avoir erré plu­sieurs jours dans le désert, à bout de nour­ri­ture et sans eau, ils aper­çurent enfin une misé­rable cahute devant laquelle se tenaient un couple et deux enfants.

Les joues déchar­nées, les yeux brillants de faim, ils firent pour­tant bon accueil aux mages, les invi­tèrent à entrer, et leur offrirent un peu du peu qu’ils avaient : de l’eau pour se rafraîchir.

— C’est que nous avons faim aus­si, dit Mel­chior. Un peu de pain, même ras­sis, ferait l’affaire.

Auteur : Didelet, A.-M. | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 11 minutes

De leur local de la rue de Gre­nelle, les fillettes sortent en cou­rant. Les visages sont radieux et les langues marchent bon train.

« Moi, je vou­drais une belle poupée.

— Moi, j’es­père avoir un berceau.

— Et nous, nous irons à Meu­don réveillonner ! »

Récit pour les mômes de la catéchèse

C’est demain le jour de l’an. En ce soir de la , tous les yeux rient de plaisir.

La petite Agnès ne dit rien. Elle sait déjà, la pau­vrette, bien qu’elle n’ait pas encore sept ans, que tout cela n’est pas pour elle.

Len­te­ment, elle tra­verse la cour et aper­çoit sur le trot­toir son grand-oncle qui l’at­tend en souriant.

Agnès sou­rit gen­ti­ment et son regard s’illu­mine ; mais, dans sa petite tête, elle songe :

« Ce que je vou­drais, moi, c’est avoir une maman. »

Mais Agnès découvre au coin de la rue la bicy­clette et la remorque de l’oncle Toire. Elle recon­naît l’ins­crip­tion jaune : « Gré­goire, com­mis­sion­naire, rue Malar »

« Oh ! tu me ramènes, oncle Toire ? Je peux mon­ter dans la remorque pour rentrer ?

— je vais t’of­frir bien mieux, petite. Nous allons faire une grande pro­me­nade dans Paris. J’a­vais tant de courses à faire pour les fêtes, qu’elles ne sont pas encore ter­mi­nées. Il me faut por­ter ces six bou­teilles de cham­pagne ave­nue Vic­tor-Hugo. Je ne veux pas que tu rentres seule, car ce soir, c’est le der­nier jour de l’an­née ; je t’emmène, mon agneau. »

Le pauvre vieux Gré­goire peine à tirer le lourd char­ge­ment ; pour sûr, il lui fau­dra mon­ter l’a­ve­nue Mar­ceau à pied. Une fillette et une remorque, c’est là tout l’hé­ri­tage que le vieux Gré­goire reçut de son neveu, mort voi­là bien­tôt cinq ans, quelques mois après sa femme.

Et tout le long du jour, l’oncle Gré­goire pédale pour gagner la vie de sa petite nièce. Jadis, lors­qu’il était seul, sa pen­sion lui suf­fi­sait, mais à deux, avec la vie chère, il faut travailler…

Arri­vé pres­qu’à la Seine, près du pont de l’Al­ma, le cafe­tier du coin fait un signe d’appel.

« Eh ! Père Gré­goire, pas­sez voir ici deux minutes, j’ai un petit tra­vail à vous demander. »

L’oncle Toire s’ar­rête, se retourne.

« Attends-moi, mignonne. Tiens, il pleut… Je vais… Mais, on dirait que tu t’endors…

— Oh ! je suis si bien, oncle Toire.

— Ne bouge pas, je te couvre avec la bâche. Je reviens tout de suite. »

La minute dure… un quart d’heure ; et lorsque l’oncle sort de chez son client, plus de remorque, plus de bicyclette.

Gré­goire pousse un cri d’effroi.

« Agnès, Agnès, on m’a

Auteur : La Varende, Jean de | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 10 minutes

LouisXIII au siège de La Rochelle - Récit de NoëlIl y avait trois cent vingt-neuf ans, le Louis XIII, depuis le 10 août, assié­geait La Rochelle. Les pro­tes­tants s’é­taient ­adres­sés à l’An­gle­terre pour obte­nir du secours, de sorte qu’une rébel­lion étroite et d’o­ri­gine reli­gieuse était deve­nue un acte de haute tra­hi­son. Le Roi, le car­di­nal de , le duc d’An­gou­lême, le maré­chal de Bas­som­pierre ­com­man­daient et tenaient des quar­tiers sépa­rés, mais en cette soi­rée, et pour la veille de , ils s’é­taient réunis. Le Roi qui, tout le jour, avait tenu à la bat­te­rie du Chef du Bois, allait rece­voir après les messes de minuit. Dans la jour­née, plus de deux cents bou­lets lui avaient pas­sé au-des­sus de la tête, mais l’ar­tille­rie s’é­tait arrê­tée brus­que­ment quand l’An­gé­lus avait son­né chez les royaux. Les ­cal­vi­nistes parais­saient avoir obéi à un signal et les canons du Roi eux-mêmes s’é­taient tus. Louis XIII ne quit­te­rait pas La Rochelle jus­qu’au 17 février.

Il gelait, sous un ciel de pleine lune. Tout le can­ton­ne­ment était silen­cieux d’un bizarre silence, autour d’une ville muette. Au clair de lune, les hautes tours et les cour­tines s’é­le­vaient bleuâtres et, par places, avec d’é­troites meur­trières qui bra­sillaient comme des trous de feu.

Le siège de La Rochelle fut triste. Cette guerre fra­tri­cide n’é­tait point popu­laire. Pas un mous­que­taire, ni même un gou­jat, qui ne la jugeât néces­saire, car les hugue­nots, par leur agres­si­vi­té, leur achar­ne­ment, leur malice, avaient signé leur condam­na­tion, mais il est ter­ri­ble­ment cruel, pour un homme de cœur, d’en­tendre les bles­sés enne­mis se plaindre dans la langue maternelle…

Demain, ce serait la Noël ; il y aurait donc, en effet, des fêtes et des réjouis­sances et le quar­tier royal serait en liesse, mais ce soir, c’é­tait encore la vigile. Presque tous les catho­liques, fouet­tés par l’a­ban­don et les pro­vo­ca­tions cal­vi­nistes, allaient faire leurs dévo­tions. Cette nuit, qui se ter­mi­ne­rait par les réveillons et les média­noches, aurait com­men­cé par la fer­veur. Un répit cer­tain s’é­lar­gis­sait. Le bruit sourd et répé­té du « mou­ton », du for­mi­dable ­mar­teau qui enfon­çait jour et nuit les pieux de la digue, de l’ou­vrage de Mete­zeau, ter­mi­né par ­Pom­peo Tar­gone, ce choc de chaque minute avait ces­sé, mais on l’at­ten­dait, on l’en­ten­dait encore.

Auteur : Valens, Alfred | Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I .

Temps de lec­ture : 7 minutes

La .

Le capi­taine bour­ra sa pipe pour prendre le temps de ras­sem­bler ses idées, en tira deux larges bouf­fées, puis nous dit :

histoire pour les enfants à Noel ; Marins chrétiens« Je me trou­vais au Havre un soir de  ; il fai­sait très froid. Les deux lieu­te­nants de la « Pro­vence » et moi avions sou­pé tard et len­te­ment, pour abré­ger autant que pos­sible la lon­gueur de la soi­rée. Tous les trois, anciens élèves des jésuites, tous les trois fana­tiques des tra­di­tions, nous aurions renon­cé à nos galons plu­tôt qu’à la Messe de minuit, à laquelle les marins ont si rare­ment l’oc­ca­sion d’as­sis­ter. Dés­œu­vrés comme des offi­ciers qui ne sont pas « de quart », nous décré­tâmes d’al­ler faire un bridge au café Tor­to­ni pour pas­ser le temps et attendre minuit.

En tra­ver­sant la place du Théâtre, nous aper­çûmes, sur un banc de pierre, un enfant qui s’é­tait endor­mi. Il était là sans doute depuis un cer­tain temps, car les plis de sa pauvre petite blouse com­men­çaient à être rai­dis par le froid. Nous l’é­veillâmes dou­ce­ment. Il se dres­sa si pâle sous la clar­té du bec de gaz que nous pen­sâmes tout d’a­bord à le conduire chez un phar­ma­cien. Mais le petit gars, habi­tué à la misère, était de robuste consti­tu­tion, et nous com­prîmes vite que c’é­tait la faim seule qui l’a­vait endor­mi. D’un mou­ve­ment ins­tinc­tif, nous plon­geâmes nos mains dans nos gous­sets pour lui don­ner de quoi man­ger. Nous allions lui remettre le pro­duit de notre col­lecte lors­qu’une idée me vint. Si nous don­nons de l’argent à ce petit men­diant, me dis-je, il va cer­tai­ne­ment le por­ter à sa famille. Il ne rece­vra peut-être en échange que quelques croûtes de pain, qui sait… quelques taloches pour n’a­voir pas rap­por­té davan­tage. Pour­quoi donc, pen­sai-je, le petit Jésus qui passe ce soir chez tous les enfants sages qui ont un foyer ne vien­drait-il pas aus­si pour ce miséreux ?

Auteur : Le Braz, Anatole | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 16 minutes

Chapeau du recteur breton - Récit à la veillée de Noël pour les petitsLe rec­teur de ce vil­lage bre­ton, mon­sieur de l’Isle-Adam, aime à ras­sem­bler autour d’un bon repas des convives pour le plai­sir de conver­ser. Ce soir là, dans le temps qui pré­cède , cha­cun des convives évoque les Noëls d’antan.

C’est ain­si que Jona­thas Mor­van, l’un des invi­tés, parle de la du «  de Noël » qu’il a cher­ché en vain. Mais… 

Au haut bout de la table, les yeux à éclipses de M. de L’Isle-Adam brillèrent d’un éclat glauque.

– Vous l’a­vez cher­ché, Jona­thas, dit-il, et vous ne l’a­vez pas trou­vé. Je sais quel­qu’un, moi, qui l’a trou­vé, pré­ci­sé­ment parce qu’il ne le cher­chait pas.

Il se fit, à ces mots, un silence presque reli­gieux. Tous les visages s’é­taient tour­nés vers le recteur.

Il com­men­ça :

III

Le pays de Maël-Pes­ti­vien, où je suis né, est une contrée rude, pier­reuse et pauvre, située à quelque douze lieues d’i­ci, dans ce que vous autres, gens des basses terres, vous appe­lez la mon­tagne. Par une de ses lisières il touche à la forêt de Por­thuault, où la reine Anne, de pré­cieuse mémoire, avait jadis une de ses chasses. Moi-même, dans ma jeu­nesse, j’y allais sou­vent courre le gros gibier. Ce fut ain­si que je nouai connais­sance avec Jérôme Garel.

Jérôme Garel, mon cadet de dix-huit mois, était un beau gar­çon bien décou­plé, frais, souple et droit comme un plant de futaie. À demi bûche­ron, à demi bra­con­nier, il vivait de hasard et de liber­té. Tou­jours rôdant, tou­jours furètent, il n’y en avait pas deux à pos­sé­der comme lui le sous-bois.

Récit Noel de Bretagne - DAUBIGNY Charles François - maison à la lisière de la forêtUn soir que nous avions bat­tu les hal­liers ensemble et que, dans notre ardeur, nous nous étions lais­sé sur­prendre par la nuit, il me pro­po­sa l’hos­pi­ta­li­té dans sa hutte. J’ac­cep­tai. Nous dor­mîmes côte à côte sur le même lit de feuilles. À par­tir de ce moment, il consi­dé­ra qu’il exis­tait entre nous un lien sacré.

Lorsque je m’é­loi­gnai, le matin, dans la rosée, il me dit en me secouant le poignet :

– Je suis dur à l’ap­pri­voi­se­ment, mais, quand ça y est, ça y est pour de bon.

Sur ces entre­faites, cédant un peu tard à l’ap­pel de Dieu, je déci­dai d’en­trer dans les Ordres. Je quit­tai la mai­son pater­nelle pour le sémi­naire, et ce fut seule­ment au bout de cinq années que je repa­rus à Maël-Pes­ti­vien. J’y venais célé­brer ma pre­mière messe, au grand autel de la paroisse, un dimanche, 22 juin. Par­mi les per­sonnes qui, à cette occa­sion, vou­lurent rece­voir la com­mu­nion de ma main, je dis­tin­guai immé­dia­te­ment Jérôme à son épaisse toi­son fri­sée, noire comme un buis­son de mûres et fleu­rant la sen­teur mouillée des bois.

Je comp­tais le revoir à la sor­tie de l’é­glise, mais je ne réus­sis point à le décou­vrir : effa­rou­ché par la foule qui me fai­sait cor­tège, il avait dû s’esquiver.

Je m’ar­ran­geai, le len­de­main, pour aller le relan­cer jusque sous les ombrages de sa forêt.

Il avait aban­don­né son ancien logis, et j’eus toutes les peines du monde à le joindre. Lorsque enfin je l’eus déni­ché dans sa nou­velle cache, bâtie au som­met d’une émi­nence d’où l’on embras­sait un large pano­ra­ma de fermes et de cultures, je remar­quai dès l’a­bord dans ses traits une alté­ra­tion qui, la veille, ne m’a­vait point frap­pé. Il avait les joues hâves, les orbites creux, le front bar­ré d’un pli. Impos­sible de dou­ter que le fier sau­va­geon en pleine pousse ne por­tât au flanc quelque bles­sure secrète par où sa sève cou­lait. Les démons­tra­tions de joie avec les­quelles il m’ac­cueillit ne me don­nèrent pas le change.

– Ça, lui deman­dai-je brus­que­ment, qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

– Moi ? fit-il en deve­nant tout pâle.

– Oui, toi, Jérôme Garel. Je suis sûr que tu as de grosses peines. Qu’at­tends-tu pour me les confier ?

Il bais­sa la tête ; deux larmes tom­bèrent comme deux gouttes de pluie à ses pieds.

– Ce n’est pas des choses à dire à un prêtre, mon­sieur de l’Isle-Adam.

– Tu te trompes, Jérôme : nul n’a plus que le prêtre qua­li­té pour tout entendre.

Il m’en­traî­na vers le seuil de la hutte et, me dési­gnant du doigt une des fermes éparses dans la vallée :

– Vous voyez la fumée qui monte de ce toit de tuiles ? C’est pour la regar­der mon­ter ain­si, matin et soir, que j’ai éta­bli mon domi­cile sur cette hauteur.

Alors, en phrases gauches et plain­tives, entre­cou­pées de sanglots,