Le 31 décembre 1940.
Le dernier jour de l’année, le Bon Dieu était dans le ciel et regardait en bas dans une église où les gens étaient en train de lui chanter le Te Deum.
L’église n’avait plus ni clocher ni cloches et le curé avait eu bien du mal à boucher les plus gros trous des murs et du toit pour que les fidèles ne fussent pas trop mouillés, les jours de pluie, en y récitant leurs prières.
Il y avait là Léontine, dont les trois maisons avaient été brûlées et qui logeait maintenant dans un grenier froid.
Il y avait là Thérèse, à qui les Allemands n’avaient laissé ni meubles, ni linge et qui était venue à l’office avec le manteau de sa voisine.
Il y avait François, de la ferme des Noues, dont tous les chevaux et les vaches avaient été emmenés par la troupe, si bien qu’il ne pouvait plus labourer ses terres et, à côté, dans le même banc, la pauvre Madeleine dont le mari avait été tué d’un coup de fusil à l’entrée du bourg.
Il y avait Germaine, la boiteuse, dont les trois fils étaient prisonniers…
Et Théodore dont la femme et les deux filles avaient péri ensemble, ensevelies sous la grange…
Et Marguerite qui avait perdu, en fuite, son petit garçon, et personne ne savait plus ce qu’il était devenu…