Les martyrs de l’Église primitive

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 11 minutes

∼∼ VII ∼∼

Grande émo­tion, ce matin. On va assis­ter à la Messe aux Cata­combes. Che­min fai­sant, Colette cause avec sa mère.

— Com­ment est-ce construit, maman, ce monu­ment des Catacombes ?

— Il ne s’a­git pas de monu­ments, ma ché­rie, mais bien de cime­tières creu­sés en gale­ries sou­ter­raines, hors de la ville, et où un grand nombre de chré­tiens, de mar­tyrs sur­tout, eurent leurs sépul­tures ; au plus fort des per­sé­cu­tions, les chré­tiens y trou­vèrent aus­si un refuge pour le culte.

— Encore des sou­ter­rains ! mur­mure Colette, qui déci­dé­ment ne prend pas son par­ti de ces visites en profondeur.

De fait, il faut des­cendre dans le tuf et péné­trer dans de sombres galeries.

Yvon presse le mou­ve­ment : Nous visi­te­rons l’en­semble plus tard. Avant tout, entrons dans la crypte des Papes. La Messe va commencer.

Oh ! cette Messe ! nul ne l’ou­blie­ra. Autour de l’au­tel de pierre, un groupe d’a­do­les­cents, vêtus de chla­mydes blanches, forment cou­ronne et répondent au prêtre tous ensemble. Les lumières se jouent sur leur blan­cheur et la rendent comme imma­té­rielle, se déta­chant sur les murs sombres.

— On dirait des anges, chu­chote Annie.

Mais Colette, sai­sis­sant la main de sa mère, lui souffle à l’oreille :

— Je recon­nais le cos­tume de Thar­ci­sius. Il est habillé un peu comme cela, sur les images.

Tout bas, maman répond :

— Oui, et songe qu’il est par­ti des Cata­combes pour por­ter le Bon Dieu aux chré­tiens qui allaient mou­rir. Tout à l’heure, ce Jésus qu’il a défen­du au prix de sa vie, nous allons tous le recevoir.

Alors Colette plonge sa tête blonde dans ses deux mains et ne bouge plus jus­qu’à la communion.

Histoire de l'Église pour les scouts - Messe dans les Catacombes

Cepen­dant le temps fuit dans cette ardente prière. Papa fait signe de sor­tir pour aller prendre une bonne tasse de cho­co­lat à l’Hô­tel­le­rie des Pères Salésiens.

Yvon y retrouve le Père H., savant bien connu, qui se met immé­dia­te­ment à la dis­po­si­tion des pèle­rins, pour leur faire par­cou­rir un peu en détail les Catacombes.

La troupe s’en­gage donc de nou­veau dans les longues gale­ries qui se croisent en tous sens, et sont bor­dées de tom­beaux creu­sés dans les parois.

— Autre­fois, mes enfants, des dalles fer­maient tous les tom­beaux. Sur ces dalles, dont cer­taines existent encore, comme vous pou­vez le consta­ter, on retrouve des ins­crip­tions, qui ont per­mis de recon­naître les corps des mar­tyrs. A côté de celles qui dési­gnent les mar­tyrs, on en a retrou­vé beau­coup d’autres appar­te­nant à toute la socié­té chré­tienne d’a­lors. Détail tou­chant : ici ou là, l’es­clave est enter­ré dans la cha­pelle patri­cienne, près de ses maîtres.

Et puis, venez voir ces pein­tures si inté­res­santes. Vous ne les com­pren­drez pas toutes, parce qu’elles sont sym­bo­liques. Il s’a­gis­sait de dérou­ter les païens, alors on pre­nait des signes convenus.

Ici, ce pois­son tra­ver­sé par un tri­dent, c’est le sym­bole du Christ mou­rant sur la Croix, et cet autre pois­son qui nage, por­tant sur son dos une coupe pleine de pains, c’est l’i­mage de l’Eu­cha­ris­tie. Là, ces bre­bis grou­pées autour de cet homme, ce sont les Apôtres, figu­rés aux pieds de Notre Sei­gneur. De loin en loin, nous allons ren­con­trer des pein­tures de la Sainte Vierge.

Quand on étu­die sérieu­se­ment ces vieilles fresques, on éprouve une grande joie à consta­ter que les pre­miers chré­tiens croyaient tout ce que nous croyons, ado­raient les mêmes mys­tères, par­ti­ci­paient aux mêmes sacrements.

Aus­si, bien des conver­sions ont eu lieu, même en ces der­nières années, sur ces tombes où repo­sèrent jadis les corps des mar­tyrs. Il y en a de par­ti­cu­liè­re­ment popu­laires, et, à ce pro­pos, avez-vous remar­qué, en entrant pour assis­ter à la Messe ce matin, la sta­tue de Sainte Cécile ?

Colette s’est appro­chée du Père H. pour demander :

— Est-ce que c’est cette sta­tue toute blanche qui repré­sente une jolie, jolie sainte, cou­chée comme si elle était morte ?

— C’est cela même. Elle est en effet repré­sen­tée dans l’at­ti­tude où elle mou­rut, si simple, si belle aus­si, là même où son corps fut dépo­sé après son martyre.

— Pour­quoi l’a­vait-on tuée ?

— Parce qu’a­près avoir conver­ti son époux et son beau-frère, elle eut encore le cou­rage de les sou­te­nir pen­dant leurs mar­tyres et de les ense­ve­lir après leur mort.

Histoire de l'Église pour les jeunes - Sainte Cecile devant son juge
« Ta puis­sance est sem­blable à une peau de bête enflée, que la pointe d’une aiguille dégonfle facilement. »

Le juge l’en­voya cher­cher pour l’o­bli­ger à sacri­fier aux idoles. Il est racon­té de sainte Cécile que, « ni par crainte de mort ni par amour de vie, elle ne céda aux menaces du tyran ; elle lui dit même : « Ta puis­sance est sem­blable à une peau de bête enflée que la pointe d’une aiguille dégonfle facilement. »

« Après avoir subi plu­sieurs tor­tures, elle fut déca­pi­tée. Le bour­reau ne par­vint point à lui tran­cher la tète. Elle sur­vé­cut trois jours, ne ces­sant de confir­mer et de for­ti­fier les chré­tiens dans la Foi. »

— C’est beau ! dit Colette.

— Oui, n’est-ce pas ? Mais ce n’est pas tout. Sui­vez-moi, main­te­nant, vers cette autre par­tie des Cata­combes, assez éloi­gnée d’i­ci et qui porte le nom de Saint-Sébas­tien. En nous y ren­dant, rap­pe­lons-nous, si vous vou­lez, ce qu’on raconte à pro­pos de cet admi­rable saint.

« Il était né à Nar­bonne, en Gaule. Les empe­reurs Dio­clé­tien et Maxi­mien l’a­vaient en grand hon­neur, car il tenait la prin­ci­pale digni­té de la pre­mière cohorte.

« Dio­clé­tien, ayant connu, par la rumeur publique, que Sébas­tien était depuis long­temps chré­tien secret, entra en grande fureur. Il le convo­qua devant lui et le taxa d’in­gra­ti­tude ; mais le saint répon­dit que, comme chré­tien, il avait tou­jours prié pour le salut de l’empire et de ses empe­reurs. Sur cette réponse, on le condui­sit au milieu d’un champ ; et ayant été pla­cé contre une colonne, Sébas­tien fut cri­blé de flèches. »

Cepen­dant, la nuit sui­vante, une femme s’a­per­çut qu’il vivait encore. Elle le cacha, le soi­gna et le guérit.

Histoire de l'Église au caté - martyre de saint Sébastien
Sébas­tien fut cri­blé de flèches.

A peine remis, Sébas­tien alla se pré­sen­ter aux empe­reurs pour leur repro­cher leurs per­sé­cu­tions. L’empereur fit assom­mer l’hé­roïque offi­cier. Les chré­tiens l’ont enter­ré aux Cata­combes aux pieds des apôtres, car les corps de saint Pierre et de saint Paul res­tèrent quelque temps en ces lieux mêmes, ain­si que l’a prou­vé une récente décou­verte. Venez, nous allons étu­dier ensemble ces grands souvenirs.

La visite se pro­longe sans qu’on s’en aper­çoive, lorsque, tout à coup, Ber­na­dette est frap­pée par l’ex­pres­sion de fatigue qui cerne les yeux de sa mère. Elle s’en émeut. Maman répond souriante :

— Consul­tez donc vos montres ? Nous ne déjeu­ne­rons pas avant 13 h 1/​2, selon votre lan­gage moderne.

Cette consta­ta­tion oblige à brus­quer les adieux et les remer­cie­ments à l’a­dresse de l’ex­cellent Père H., pour reprendre hâti­ve­ment la route du logis.

Cepen­dant, quand vient la fin de l’a­près-midi, les sup­pli­ca­tions sont telles, que les parents consentent à des­cendre vers le Colisée.

Che­mi­nant sans hâte, les pèle­rins mettent un bon moment, avant d’at­teindre le Colisée.

Bâti par Ves­pa­sien et Titus, pour les jeux publics qui pas­sion­naient le peuple romain, l’im­mense amphi­théâtre pou­vait conte­nir 80 000 per­sonnes. Ses puis­santes murailles étaient revê­tues de marbres de toutes cou­leurs, où cha­toyait à l’aise le soleil de Rome. Main­te­nant encore, ses ruines impo­santes donnent une impres­sion d’in­com­pa­rable grandeur.

Ber­nard enve­loppe l’en­semble d’un long regard.

— Comme il est facile de revoir ce qui se pas­sait dans ce cadre ! Ces tri­bunes, où tout Rome se pres­sait dans l’é­ta­lage d’un luxe fou ; au milieu, l’empereur et ses intimes ; dans l’a­rène, à cer­tains jours, non plus les gla­dia­teurs prêts au com­bat, mais des chré­tiens désar­més. Der­rière les grilles, qui ferment les pro­fonds repaires, ména­gés ici, voyez-vous, sous les gra­dins mêmes, les bêtes fauves qui rugissent affamées.

On les lâche : tigres, lions, pan­thères. Je crois les voir bon­dir, ils vont tout dévorer.

Annie sou­pire :

— Être man­gée par des bêtes ! Je ne pour­rais jamais !

— Allons donc, répond Ber­nard far­ceur, tu ne pour­rais pas ! C’est pour­tant bien simple, il n’y a qu’a se lais­ser man­ger, voi­là tout !

Mais Yvon regarde sa sœur :

— Écoute, Annie ; pour te don­ner du cou­rage, voi­ci un joli trait tiré des Actes des Mar­tyrs. Saint Ara­tus avait été condam­né aux bêtes, mais il lui res­tait une ter­reur insur­mon­table : ô mon Dieu, priait-il, tout ce que vous vou­drez, lion, tigre, tau­reau furieux, mais pas d’ours ! Je vous en sup­plie, pas d’ours ! Or il fut jeté aux ours, des ours qui jeû­naient depuis vingt-quatre heures ! Mais les lourdes bêtes velues, après l’a­voir flai­ré, s’é­loi­gnèrent en gron­dant. Alors on lâcha un lion qui eut tôt fait, en quelques coups de dents, d’en­voyer Ara­tus au Paradis.

D’ailleurs, on vit plus d’une fois les bêtes les plus féroces se cou­cher aux pieds des mar­tyrs et les lécher. C’est ce que redou­tait le grand évêque d’An­tioche, saint Ignace, quand il sup­pliait les chré­tiens de Rome de ne pas deman­der pour lui sem­blable miracle et qu’il leur écri­vait : « Je suis le fro­ment de Jésus-Christ, je dois être mou­lu par la dent des bêtes. » Il fut exau­cé, et sa lettre reste un admi­rable chant d’a­mour au Christ. Que ce soit au Coli­sée, aux Cata­combes ou ailleurs, tous ces mar­tyrs de la pri­mi­tive Église sont à nous. On les vénère ici depuis 1700 ans. Ce sont les aînés de la famille après tout.

— Par­mi eux, déclare Ber­nard, il est per­mis d’a­voir des pré­fé­rences. Les miennes vont aux sol­dats chré­tiens. Rude métier que le leur. A côté de saint Sébas­tien, dont nous par­lions ce matin, y a‑t-il rien de plus beau que toute cette légion romaine com­man­dée par saint Mau­rice, qui se lais­sa mas­sa­crer pour avoir refu­sé de par­ti­ci­per au sacri­fice païen ?

Sacri­fier sa car­rière, quand on l’aime tant, et sa vie, au besoin, pour gar­der son âme propre, ce n’est pas tou­jours facile, et c’est de tous les temps. Der­niè­re­ment, au Maroc, j’ai appris, dans une famille amie, qu’un offi­cier de France, fait pri­son­nier par les Arabes, est mort tout comme saint Mau­rice, pour avoir refu­sé, comme lui aus­si, un geste de paganisme.

Et Ber­nard semble défier tous les païens du monde. Jean admi­ra­tif déclare :

— Tu aurais fait, ma foi, un beau sol­dat martyr. 

Un joyeux éclat de rire répond, puis Ber­nard ajoute :

— C’est plus facile à dire qu’à faire.

— Juste, dit Yvon. Mais, quand on prie, Dieu donne la force. Seule­ment, vous savez, les sol­dats de Ber­nard n’ont pas eu seuls toutes les gloires. Selon une expres­sion connue, mais très exacte, le sang des mar­tyrs cou­lait à flots, non seule­ment à Rome, mais dans les pro­vinces romaines et par­ti­cu­liè­re­ment en Gaule. — Les his­to­riens s’ac­cordent à par­ler de mil­lions de mar­tyrs dans les trois pre­miers siècles, et les Bol­lan­distes, si savants et si pré­cis, citent plus de 20 000 noms. Dans cette foule, toutes les classes, tous les âges sont confon­dus. A qui les lui demande, voyez-vous, Dieu donne, jus­qu’à l’hé­roïsme, sa grâce et son amour.


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