Introduction : L’Église de la Pentecôte

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 12 minutes

∼∼ I ∼∼

— Allo ! Colette, cette leçon est-elle finie, oui ou non ? Je meurs de faim et le goû­ter attend.

Ins­tan­ta­né­ment, dans la grande baie ouverte, une tête blonde appa­raît. Elle se penche au-des­sus des touffes de fleurs grim­pantes, aux­quelles se mêlent ses che­veux bou­clés, pour répondre à Jean :

— Voi­là ! Voi­là ! Je descends.

Et c’est ain­si que nous retrou­vons nos amis[1].

Depuis trois ans, Colette et sa famille habitent Bey­routh. Au bout de la pre­mière année, tante Jeanne, Ber­nard, Annie ont rega­gné la France, lais­sant Yvon à Rome, au Sémi­naire Français.

Alors, Colette et Jean ont com­men­cé à trou­ver le temps long. Ber­na­dette, très occu­pée à aider maman au ménage, n’a guère de loi­sirs, Pier­rot est encore bien petit, et les enfants qu’on trouve au col­lège et à la pen­sion dif­fèrent un peu des amis de France.

Les études sont deve­nues de plus en plus sérieuses, jus­qu’au jour où il est per­mis d’en­vi­sa­ger un retour en France, avec un congé de six mois pour papa.

Cet espoir met de la joie dans l’air, et c’est en gam­ba­dant d’un pied sur l’autre que Colette rejoint son frère pour goû­ter, à l’ombre de la vérandah.

Tout en beur­rant sa tar­tine, elle demande : Pour­quoi Maria­nick n’est-elle pas là avec Pierrot ?

— Parce que mon­sieur Pierre a goû­té d’a­vance ; Ber­na­dette l’a emme­né pro­me­ner. Il n’a pas d’é­tude le jeu­di, lui !

— Écoute, pour le moment la tienne est finie. De quoi te plains-tu ?

Histoire de l'Église pour les enfants du catéchisme
Pour­quoi Maria­nick n’est-elle pas là avec Pierrot ?

— D’autre chose ! De ce que les semaines ont l’air d’être de quinze jours au lieu de sept, depuis que papa parle de ren­trer en France.

— Quelle blague ! jamais le temps n’a pas­sé si vite, au contraire. On fait des pro­jets magni­fiques pour le voyage. Ce sera splendide !

— Sans comp­ter, pré­cise Jean avec impor­tance, que nous devons nous arrê­ter à Rome, et peut-être voir le Pape ; ça n’ar­rive pas à tout le monde, tu sais, ces affaires là !

— Non. Seule­ment, entre nous, nous ne sommes pas très fer­rés sur toutes les par­ties du voyage. En Pales­tine, on sui­vait Notre Sei­gneur par­tout. Tu savais, moi aus­si, le nom de presque toutes les villes de l’É­van­gile. Tan­dis que main­te­nant, nous nous arrê­te­rons dans des endroits dont j’i­gnore même l’exis­tence. Et ça ne sera pas drôle du tout.

Jean ne peut s’empêcher de consta­ter qu’il y a du vrai dans ces réflexions pes­si­mistes. Il est son­geur, un peu ennuyé aussi…

— Hé bien ! fait Colette impa­tiente, tu ne réponds rien ?

— Je cherche un moyen.

— Un moyen ! pourquoi ?

— Pour faire un voyage intéressant.

— Dis-le alors.

— Oh ! ces filles ! riposte Jean d’un ton pro­tec­teur, ça ne sau­ra jamais consen­tir à réflé­chir. Donne-moi donc au moins le temps d’a­jus­ter deux idées. Puis, sur un ton de confi­dence : Pour moi, voi­là ce qu’il faut faire : apprendre à fond notre His­toire de l’. Je la sais très mal, toi pas du tout. Il n’y a qu’à s’y mettre.

— Quel rap­port cela peut-il avoir avec notre voyage, mon pauvre Jean ?

— Tu as une vraie tête d’oi­seau-mouche, Colette ; tu demandes quel rap­port entre l’His­toire de l’É­glise et le voyage de retour ? Mais nous allons pas­ser où les apôtres ont prê­ché, ont été mar­ty­ri­sés. Nous irons peut-être à Constan­ti­nople, à Rome, et ce ne seront que sou­ve­nirs reli­gieux de tous les siècles, depuis la fon­da­tion de l’É­glise,… alors ?

— Ah ! fait Colette, mi-convaincue.

Mais Jean continue :

— Conclu­sion, je vais cher­cher papa, je lui explique notre affaire, je lui demande les bou­quins néces­saires, et ce soir on s’y met.

Jean est déjà par­ti dans la direc­tion du bureau de son père, que Colette songe encore, un peu effrayée, à ce que peut bien deman­der de temps l’é­tude de cette longue Histoire.

Ce même soir après dîner, on se réunit dans le jardin.

La brise de mer, pas­sant sur les grands mas­sifs de lis, apporte leur par­fum. C’est une heure délicieuse.

Cha­cun s’as­sied autour des petites tables turques, où mère et filles posent leurs ouvrages. Papa arrive à son tour, un gros livre sous le bras.

— Tiens, Jean, la voi­là ton His­toire de l’Église.

Et, se tour­nant vers Colette : Veux-tu l’ap­prendre aus­si, avec ton frère ?

Colette, mutine, regarde Jean malicieusement :

— J’ai­me­rais mieux un autre pro­fes­seur. Il croi­ra tout savoir d’a­vance et n’au­ra pas de patience.

— Et moi, made­moi­selle, serais-je un pro­fes­seur à votre goût ?

— Mer­veilleux, papa ! mer­veilleux ! Je sau­rai tout en trois jours !

— Met­tons trois semaines, pour ce qui concerne les périodes les plus impor­tantes. Ins­tal­lez-vous ici tous les deux et conten­tez-vous, pour ce soir, de par­cou­rir ce volume. Les gra­vures sont très frap­pantes. Demain nous com­men­ce­rons pour de bon.

Mais, le len­de­main, les pro­jets vont se trou­ver bouleversés.

Au matin, Colette et Jean sont à l’é­tude ; leur petit frère met leur patience à rude épreuve.

— Je t’en prie, Pier­rot, sois sage. Si tu conti­nues à faire ce tapage, jamais nous ne vien­drons à bout de nos pro­blèmes, Jean et moi.

— Aus­si, pour­quoi tu mets tous ces numé­ros sur ton cahier, Colette ? Y en a trop. Je m’ennuie.

— Tiens-toi tran­quille dix minutes ; après, je joue­rai avec toi.

Mais dix minutes, c’est un siècle quand on n’a pas tout à fait cinq ans. Par une manœuvre silen­cieuse, Pier­rot tourne autour de la table ; Colette a le nez bais­sé sur une règle de trois et Jean est aux prises avec son algèbre. Notre petit homme découvre l’en­crier, il y trempe le bout d’une règle, et avec cette plume nou­veau modèle se met à imi­ter les chiffres de sa sœur sur le des­sus d’un beau cahier tout neuf.

Histoire de l'Église pour les jeunes
Notre petit homme découvre l’encrier.

Éton­nés de ne plus l’en­tendre, les deux aînés relèvent la tête… Horreur !…

Inutile de décrire la suite ; il a fal­lu laver l’é­cri­vain, chan­ger son tablier. Quand Colette le ramène par la main, mi-rieur, mi-contrit, elle dit à son frère :

— Lais­sons l’a­rith­mé­tique et les maths jus­qu’au retour de maman. Tant que nous aurons la garde de ce petit, nous ne pou­vons faire nos problèmes.

Jean grogne, agacé :

— Il faut pour­tant que nous travaillions.

— Oui, mais pre­nons autre chose.

Tiens, par exemple, si tu vou­lais ne pas être taquin, nous repas­se­rions ensemble les pre­mières pages de l’His­toire de l’É­glise, que nous savons tout de même presque par cœur. Ce serait de l’a­vance pour papa, et puis Pier­rot écou­te­ra cer­tai­ne­ment et nous aurons la paix.

— Vas‑y. Récite, je t’ar­rê­te­rai si tu te trompes.

— A moins que tu ne deviennes muet d’ad­mi­ra­tion devant ma science. Je com­mence : Aus­si­tôt après l’As­cen­sion, les Apôtres et les dis­ciples, entou­rant la Sainte Vierge, sont ren­trés à Jérusalem.

— Où habi­taient-ils, Colette ?

Sans avoir l’air d’en­tendre, Colette continue :

Ils se réunis­saient sur­tout au , là où Jésus avait célé­bré la Cène, puis leur était appa­ru le jour de Pâques et le dimanche suivant.

En tous cas, après l’As­cen­sion, c’est au Cénacle qu’ils s’en­ferment parce qu’ils ont peur.

As-tu quel­que­fois com­pris, Jean, com­ment ils pou­vaient avoir peur, puisque la Sainte Vierge était avec eux ?

— C’est vrai, j’a­voue hum­ble­ment que je n’a­vais jamais pen­sé à cela.

— Moi, j’y pense très sou­vent. Ils priaient tous ensemble avec la Sainte Vierge et ça devait être déli­cieux ; ne crois-tu pas que de temps en temps le pauvre allait s’a­ge­nouiller près de Marie en pleu­rant ? Il ne pou­vait pas se par­don­ner d’a­voir renié Notre Sei­gneur. Ima­gine ce que la Sainte Vierge devait lui dire : Ne pleure plus ; désor­mais tu vas te dévouer pour Jésus de toutes tes forces, et tu l’ai­me­ras mieux qu’a­vant, jus­qu’à don­ner ta vie pour lui. Seule­ment, ils n’é­taient plus que onze apôtres. Je ne sais pas si on a rem­pla­cé Judas ?

— Bien sûr que oui ; jus­te­ment, au Cénacle, les Apôtres réunis ont choi­si Mathias pour prendre la place de Judas.

— Qui était Mathias ?

— Un dis­ciple de Notre Sei­gneur… Je te rends la parole.

— Oh ! tu sais, je la pren­drai bien toute seule.

Pen­dant dix jours, les Apôtres ont prié ain­si tous ensemble, la Sainte Vierge au milieu d’eux ; quand, le dixième jour, un vent très fort rem­plit toute la mai­son. Et puis, le grand miracle se pro­duit. Les Apôtres voient paraître comme des langues de feu qui se posent sur cha­cun d’eux. En même temps, ils se sentent tout chan­gés. Dans leur cœur c’est aus­si comme du feu. Ils aiment le Bon Dieu tel­le­ment fort, qu’ils sont déci­dés à par­ler par­tout de Notre Sei­gneur, à le faire aimer comme ils l’aiment ; ils n’ont plus peur de rien, parce qu’ils viennent de rece­voir d’une manière extra­or­di­naire la troi­sième per­sonne de la Sainte Tri­ni­té, le Saint Esprit. Il était venu comme Jésus l’a­vait promis.

— Ce n’est pas mal tout de même, déclare Jean, tu es assez « calée ». Mais main­te­nant qu’est-il arri­vé après la  ?

Colette ouvre en vain ses grands yeux bleus, comme si elle vou­lait les obli­ger à voir dans le loin­tain Jéru­sa­lem, le Cénacle, les Apôtres et à leur deman­der la réponse. Elle ne vient pas.

— Je t’at­ten­dais là, fait Jean triom­phant. Main­te­nant, c’est mon tour :

A cette époque, beau­coup de Juifs étaient réunis à Jéru­sa­lem. Ils appar­te­naient à des pays très dif­fé­rents et ne par­laient pas la même langue. Ils enten­dirent fort bien le vent qui avait pas­sé d’une manière si éton­nante ; ils se pré­ci­pi­tèrent hors des maisons.

— Ils ne virent pas les langues de feu ?

— Non, mais ils ren­con­trèrent les apôtres qui par­laient de Notre Sei­gneur, et cha­cun d’eux les enten­dait s’ex­pri­mer dans sa propre langue.

— C’est merveilleux.

— Je pense bien que c’est mer­veilleux et bien plus que tu ne peux le devi­ner. Car saint Pierre se met à expli­quer à ces Juifs la vie et la mort de Jésus et du coup il en conver­tit 3000.

— Et les jours d’après ?

— Ce fut plus beau encore. Saint Pierre gué­rit un boi­teux à la porte du Temple. Il explique à la foule accou­rue : « C’est Jésus, que vous avez cru­ci­fié, qui nous accorde de pareils miracles. » Alors, des cen­taines de gens se conver­tissent à leur tour. Tu penses si les prêtres juifs en appre­nant cela, sont deve­nus furieux.

Ils ont fait arrê­ter les apôtres et les ont mena­cés de tout, s’ils ne ces­saient pas de par­ler de Notre Sei­gneur ; mais du coup les apôtres n’a­vaient plus peur. Ils ont répon­du qu’ils pré­fé­raient la mort. Ils ont dit cette parole magni­fique : « Il faut obéir à Dieu plu­tôt qu’aux hommes. »

Début de l'histoire de l'Église raconté aux enfants
Saint Pierre se met à expli­quer à ces Juifs la vie et la mort de Jésus.

— Alors qu’ont fait les Juifs ?

Ils ont empri­son­né les apôtres. Désor­mais c’est toute l’His­toire de l’É­glise qui se fonde sur leurs souf­frances, leurs paroles, le témoi­gnage de leur sang. Mais regarde, notre élo­quence a endor­mi Pier­rot. Va le dire à maman. Il ronfle.

Colette sort en cou­rant selon sa louable habi­tude ; elle se heurte à Maria­nick, qu’elle ren­verse à moi­tié. La bonne vieille a son air des jours de bataille, la coiffe légè­re­ment sur l’o­reille ; à n’en pas dou­ter, elle vient d’ap­prendre une grande nou­velle. Colette ne s’y méprend pas.

— J’ai failli te jeter par terre, Maria­nick ; que venais-tu nous raconter ?

— Ah ! ma petiote, quelle affaire ! les hommes n’en font jamais d’autres ! Voi­là ton père qui nous arrive comme un grain sur le golfe du Mor­bi­han, au moment qu’on y pense le moins, puis qui nous dit : — Faites les malles ; dans huit jours faut être par­tis. C’est comme quand on est venus, on n’a seule­ment pas eu le temps de se retourner !

Mais Colette ne répond même pas. D’un bond elle a gagné la chambre de sa mère et crie :

— Est-ce vrai, maman ? est-ce vrai ? On part dans huit jours ?

— Du calme, répond la voix pai­sible de Ber­na­dette. Tu vas ameu­ter les voi­sins ; maman n’est pas ren­trée, mais il est exact que tous nos pro­jets sont chan­gés. Plu­tôt que de prendre un bateau quel­conque, papa a pu s’ar­ran­ger avec le retour d’un pèle­ri­nage, mais cela l’o­blige à hâter beau­coup le départ.

En une seconde, les hour­ras de Colette ont réveillé Pier­rot, aver­ti Jean, et ache­vé d’a­hu­rir Maria­nick, qui s’en va répétant :

— C’est‑y pos­sible ! Ma Doué ! ma Doué !


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Saint Paul, le pro­pa­ga­teur de l’Évangile »
  1. [1] Voir Caté­chisme illus­tré, Marne 1931 ; Récits évan­gé­liques illus­trés, Marne 1933.

    NDLR : sur ce site, nous avons déjà ren­con­tré ces jeunes amis dans À la décou­verte de la litu­gie

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