Catégorie : <span>Et maintenant une histoire II</span>

| Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

La dis­cus­sion avait l’air sérieuse entre Pierre et Solange, ce soir-là. Que com­plo­taient-ils donc en ren­trant de l’école ?

Chapeau de la sainte Catherine, Catherinette« Demain, c’est la «  », disait Solange. Suzy m’a mon­tré le qu’elle a fait pour Jeanne. Il est très beau. C’est une cas­se­role en soie rose, avec des ciseaux fen­dus aux extré­mi­tés de la queue et un mètre de ruban pour nouer sous le menton.

— Crois-tu que Jeanne sera contente de la fête de demain ? Depuis quelque temps elle est si triste. Je me demande pourquoi ?

— Eh bien ! moi, je crois avoir com­pris. Te sou­viens-tu du jour où Madame Dubuis est venue à la maison ?

— Il y a un mois. Oui, eh bien ?

— Quand je suis ren­trée à l’é­cole, Jeanne avait les yeux rouges. Elle venait de pleu­rer. Depuis ce jour-là, elle est triste.

— Com­ment Madame Dubuis, si bonne, a‑t-elle pu lui faire de la peine ?

— Je vais te dire quelque chose ; mais tu ne le répé­te­ras pas. Tu le promets ?

— Comme si les gar­çons étaient des bavards ! Enfin, puisque tu le veux, je promets. »

Solange s’ap­pro­cha plus près, comme si elle crai­gnait d’être entendue.

« Tu connais Georges ?

— Le fils de Madame Dubuis ? Bien sûr, il n’y en a pas deux comme lui pour fabri­quer des sif­flets de châtaignier.

— Eh bien ! je crois que Madame Dubuis venait chez nous pour deman­der à Jeanne si elle vou­lait être la femme de Georges.

— Oh ! ce serait chic ! Et tu crois que Jeanne a dit non ?

Auteur : Mainé, Marie-Colette | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 14 minutes

Ce soir-là, les hommes s’é­taient endor­mis, fati­gués du jour pas­sé, acca­blés par une vie sans lumière…

La nuit était calme, belle, recueillie… comme en attente.

Un drame se pré­pa­rait ! Un drame ? Simple inci­dent pour quelques-uns qui pour­tant s’en iraient aux quatre coins du monde réveiller tous les hommes de la terre… un inci­dent qui se réper­cu­te­rait à tra­vers les âges jus­qu’à la fin des temps !

Ce soir-là, les étoiles s’é­taient allu­mées comme d’ha­bi­tude, et les hommes s’é­taient endormis…

Pas tous, cependant !…

* * *

Récit de la Passion pour le catéchisme : Judas vend Jésus pour 30 deniersJérusalem, 12 Nizan (mars-avril), 20 heures.

Une salle sombre, mal éclai­rée par la trem­blo­tante lueur d’une lampe à huile… La flamme qui danse allume des points d’or aux vête­ments des hommes qui dis­cutent. Leurs yeux luisent, perçants…

Les voix se répondent, chu­cho­tantes, lourdes de menaces…

« Oui, ce soir, je sais où « Il » sera… C’est le moment : venez « Le » prendre…

— Mais… nous ne « Le » connais­sons pas ; il fau­drait… un signe.

— Facile !… Je L’embrasserai. Alors ?… Com­bien me donnez-vous ? »

Le silence est pesant… Un son clair le rompt ; une main jette des pièces. L’argent tinte sur le marbre… Une fois… Deux fois… Trois fois… Trente fois…

Une autre main, avide, ramasse la somme.

« Mer­ci.… tout à l’heure ! »

* * *

Pour les enfants du caté : La Passion  du Christ - La Priere au jardin des oliviersDans l’oliveraie de la colline.

Le ruis­seau coule de roc en roc avec un bruit de soie qui se déchire… Sur le pont, quelques hommes s’a­vancent, par­lant dou­ce­ment entre eux… Pas­sé le Cédron, le groupe remonte la pente de la col­line oppo­sée ; bien­tôt, les pro­me­neurs atteignent une oliveraie.

Les vieux arbres tor­dus entre­mêlent leurs branches. Dans l’ombre, on dirait des diables guet­tant leur proie.

« Res­tez ici, je vais un peu plus loin, avec Pierre, Jacques et Jean… »

Le groupe, dimi­nué, s’en­fonce sous les troncs noueux la lune est levée, et sur le ciel clair se découpe l’é­norme sil­houette du temple. Comme elle semble menaçante !

« Je suis triste à en mourir… »

La voix est triste, en effet, presque trem­blante ; elle supplie :

« Veillez et priez avec Moi… »

Le Maître s’é­loigne… pas loin, et s’a­bat face contre terre.

Les minutes coulent, lentes… lourdes… lourdes comme le monde.

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Ah ! ma Mère !…

— Quoi donc, ma  ? »

La jeune reli­gieuse est navrée : com­ment dire la chose à « Notre Mère » ?

« Ah ! ma Mère !… »

Jeanne Jugan, Mère superieur et fondatrice des soeurs des pauvresA son bureau, la Supé­rieure des Petites Sœurs des Pauvres s’inquiète :

« Un mal­heur est-il arri­vé, Sœur Catherine ?

— Un grand mal­heur, oui, ma Mère.

— Mais encore ?

— Bayard, ma Mère…

— Bayard ?… Qu’a-t-il fait ?

— Il est mort. »

Bayard, c’é­tait le vieux noir des Petites Sœurs. On l’at­te­lait chaque jour à la car­riole et, « fouette cocher », — Sœur Cathe­rine s’en allait de porte en porte avec son grand sac :

« Bon­jour, Madame la frui­tière ; avez-vous quelque chose pour nos chers vieux, ce matin ?

— Mais oui, ma Sœur : voi­ci trois choux. »

A côté, c’é­tait une pièce jaune ou un billet, ailleurs des pommes de terre, ou un savon à barbe ; un mor­ceau de viande chez le bou­cher, des légumes au mar­ché, du bou­din à la char­cu­te­rie… Et la car­riole, chaque midi, ren­trait pleine. Et les Petites Sœurs ravies disaient : «  est bon : nos cinq cents vieillards man­ge­ront encore demain ».

Auteur : Rougemont, Pierre | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Jour de l’An

« M’dame Michu !

— Quoi ?

— Je vous la sou­haite bonne et heureuse ! »

Bonne et sainte année 2013 ! histoire d'un jeune garçon

La concierge se retourne, bour­rue comme tou­jours, et se trouve en face de Jean Lar­cher, douze ans, la taille bien prise dans son swea­ter de laine blanche, l’œil légè­re­ment coquin sous la che­ve­lure embrous­saillée, et qui la regarde en souriant.

« Bonne et heu­reuse… bonne et heu­reuse… C’est vite dit.

— Dame, vous savez, M’dame Michu, c’est tout ce que je peux vous offrir comme étrennes moi… J’ai pas d’sous.

— Je ne t’en demande pas non plus… Seule­ment, tu me dis que tu me sou­haites une bonne et heu­reuse année… alors, ça me fait pitié, quoi ! »

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Renée s’en­gouffre dans le cou­loir sor­dide, et d’un solide coup de talon claque la porte au nez de toute cette joie de la rue pleine de gens pres­sés, riant de por­ter du bon­heur en paquets roses et bleus, qu’ils accro­che­ront tout à l’heure à un sapin fleu­ri de lumière et d’argent.

Récit pour Noël - Illuminations de Noël et des enfantsCar toute l’al­lé­gresse de est dans la rue, dans les vitrines, sur les visages et dans les cœurs ; on la devine der­rière chaque fenêtre blan­chie ; on l’a­per­çoit par chaque porte qui s’en­trouvre sur des pavés ruti­lants ou des bras­sées de houx et de gui, on la lit dans les yeux des parents qui se fau­filent mys­té­rieu­se­ment au sous-sol avec des paquets plein les bras ; elle éclate dans la démarche même des enfants qui semblent cou­rir au-devant de la jubi­la­tion… Elle est par­tout, oui, par­tout, excep­té dans son cœur à elle et dans cette pièce toute grise où elle va retrou­ver une pauvre femme – sa mère – qui tousse à n’en plus finir…

« Il n’y a que pour moi que ce n’est pas Noël !… » mur­mure-t-elle avec une atroce amer­tume qui tire ses lèvres minces et noir­cit le regard de jais dans son visage terne et mal venu.

Elle s’est tas­sée sur l’es­ca­lier, mor­dillant ses ongles tour à tour et res­sas­sant cette détresse depuis des mois enli­sée au fond de son cœur, et qui déborde tout d’un coup, à l’heure même où tant d’autres cœurs s’ouvrent, larges, au bon­heur… Elle ne pleure pas : elle rage. Elle rage de