Catégorie : <span>Et maintenant une histoire II</span>

Auteur : Mainé, Marie-Colette | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 4 minutes

Invitation à lire la vie des saints - sainte Catherine d'Alexandrie - Raffaello SantiDans , sur les bords de la Médi­ter­ra­née orien­tale, gran­dit la Cathe­rine, douée d’une vive intel­li­gence et d’une mer­veilleuse beau­té, mais dont le cœur est rem­pli d’orgueil.

À la mort du roi, la reine Sabi­nelle, sa mère, l’emmène en Armé­nie où Cathe­rine devient une ado­les­cente tou­jours plus belle, tou­jours plus savante, tou­jours plus orgueilleuse aus­si. Bien­tôt, les demandes en se suc­cèdent, mais tou­jours elles sont sui­vies d’in­va­riables refus. L’é­poux que l’on pro­pose à la jeune fille n’est jamais assez beau, jamais assez savant.

*

Or, un jour, la reine Sabi­nelle emmène Cathe­rine vers un vieil ermite nom­mé Ananias.
« Eh bien ! déclare celui-ci, à mon tour, j’ai un brillant par­ti à te proposer. »
Très intri­guée, la jeune fille écoute, puis lève vers le vieillard des yeux rem­plis de hardiesse :
« Avant de m’en­ga­ger envers ce jeune homme, je veux le voir.
– Mon enfant, sache seule­ment que la plus belle créa­ture est vile devant lui.
– Qu’im­porte, je veux le voir absolument.
– Soit, répond Ana­nias. Cette nuit donc, reste dans ta chambre et invoque la Vierge Marie, Mère de Dieu. »

*

Cathe­rine, bou­le­ver­sée, rentre chez elle. Bien­tôt, le soir tombe, jetant sur toute chose le silence, le recueillement.

D’une main trem­blante, la jeune fille allume les flam­beaux et les lampes.
« Je veux que mon visi­teur ait un accueil vrai­ment digne ; je veux que tout rayonne et brille ; je veux être moi-même magni­fique… d’ailleurs, ne le suis-je pas déjà ? »

Puis elle se met à genoux. Son cœur bat très fort, car elle essaie de croire en Dieu, de croire à ce qu’en réa­li­té elle n’a jamais cru vraiment.

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Temps de lec­ture : 5 minutes

Le ciel est bas et gris. Bien­tôt, novembre sera là, et les grands arbres, déjà, perdent leur che­ve­lure d’or.

Cinq heures sonnent len­te­ment au clo­cher de l’é­glise. La porte de l’é­cole s’est ouverte ; on entend les rires des fillettes, clairs et joyeux en cette soi­rée d’au­tomne. Quelques bavar­dages encore… puis tout le monde se dis­perse ; les unes vont à la lai­te­rie, les autres rentrent vite chez elles où les attendent quelques leçons à apprendre.

Récit de France pour les enfants - Croix pour mort à la guerreDans un petit groupe d’é­co­lières qui prennent ensemble le che­min du retour, Lucette s’a­vance avec ses amies Renée et Marie-Thé­rèse, dont les yeux rieurs et les joues rouges comme des pêches, contrastent avec son petit visage pâle où deux grands yeux gris semblent, aujourd’­hui, plus tristes qu’à l’habitude.

Et, tan­dis que les sou­liers claquent gaî­ment sur les pavés, on parle de choses sérieuses.

« Ils seront sûre­ment en fleurs pour la , dit Renée, tu as vu, avant-hier, comme les bou­tons étaient larges ? Eh bien, ils ont encore gros­si et ils vont être dorés, je crois, avec le des­sous des pétales rouge, comme ceux de Madame Gou­net, qui m’a don­né les bou­tures. Ven­dre­di, j’i­rai arran­ger les tombes avec Maman ; et toi, que feras-tu ?

- Oh ! moi… » et les yeux tristes deviennent plus sombres encore.

« Zut ! se dit Marie-Thé­rèse, Renée a gaffé ».

***

Aujourd’­hui, c’est jeu­di, et Lucette, un sac au bras, s’en va légère sur la route. Madame Bouf­fet, une cou­sine chez qui sa mère l’a lais­sée en repar­tant à Lyon, l’a envoyée faire une course dans un vil­lage dis­tant de trois kilomètres.

Et l’en­fant, seule sur la grand-route, songe à cet autre­fois où elle était une petite fille heu­reuse, entre son papa et sa maman. Hélas ! son cher papa est mort quelque part en Alle­magne, il y a plu­sieurs années déjà ! Sa maman n’a pas pu l’emmener avec elle dans la grande ville où, depuis deux ans, elle a été obli­gée de se mettre à tra­vailler, et où il est si dif­fi­cile de se loger.

Oui, Lucette est seule… bien seule. Sans doute, Madame Bouf­fet est très bonne et la petite fille a de gen­tilles amies comme, Renée et Marie-Thé­rèse, mais ce n’est pas le chaud foyer, la douce mai­son… et le petit cœur tendre se serre.

Mais, qu’est-ce que cela ? Là, sur le rebord de la route, il y a une petite croix de bois, à moi­tié tom­bée. Lucette se penche, et lit cette simple phrase : « Un sol­dat de chez nous, mort pour la patrie, priez pour lui ! »
Alors, les deux petites mains se joignent pour une fer­vente prière. Puis, après un signe de croix, l’en­fant reprend sa route, mais len­te­ment une idée nou­velle germe dans sa jeune tête.

Auteur : Mesnil, Luc | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Histoire à raconter aux jeunes - La ToussaintVidi tur­bam magnam… Vidi tur­bam… Vidi…

Et le bré­viaire tom­ba des mains de Mon­sieur le Curé empor­té par le sommeil…

Le tic-tac de la pen­dule fut cou­vert par les onze coups qui mar­quaient qu’un jour nou­veau allait bien­tôt com­men­cer. Puis, plus rien que la res­pi­ra­tion régu­lière du brave prêtre, vain­cu par la fatigue…

***

La jour­née avait été par­ti­cu­liè­re­ment pénible. Levé, comme chaque jour, à 5 heures 1/​2 pour assu­rer la pre­mière messe, il n’a­vait pas encore eu une seule minute de détente. Après la messe et le déjeu­ner, pris debout, il avait fal­lu cou­rir à l’hô­pi­tal pour confes­ser les malades ; puis enter­re­ment à 9 heures, caté­chisme à l’é­cole des filles, visite des malades…

Le repas de midi pris “sur le pouce“ et ren­dez-vous avec l’élec­tri­cien dans la salle du patro­nage. Puis caté­chisme à l’é­cole libre et confes­sion des gar­çons jus­qu’à 4 heures. A 4 heures : réunion des pre­miers com­mu­niants de la paroisse. De 5 à 7 heures : pré­sence au confes­sion­nal. A 8 heures : cercle d’é­tudes et “patro“.

Et il était presque 11 heures lorsque Mon­sieur le Curé ren­tra au pres­by­tère, avec son bré­viaire à dire et son ser­mon à pré­pa­rer pour le lendemain…

« Vous vous tue­rez, gémit la vieille Cathe­rine, sa ser­vante, lors­qu’elle le vit ren­trer. Pre­nez au moins ce lait de poule que je vous ai préparé. »

Le prêtre englou­tit le conte­nu de son bol, sans même prendre le temps de dégus­ter, puis gagna rapi­de­ment sa chambre.

« Mer­ci, Cathe­rine. Vous êtes une bien bonne fille. Dieu vous le rendra. »

Mais la fatigue était plus forte que tout. Et Mon­sieur le Curé, la tête pen­chée sur son bureau, dans la douce cha­leur de la lampe élec­trique, venait de suc­com­ber au sommeil.

***

La pen­dule fai­sait tic-tac… tic-tac …, un chat miau­lait sur le toit voi­sin, au loin le sif­flet du der­nier train per­çait le silence de la nuit. La ville, la petite ville som­brait dans les ténèbres. Demain, avant le lever du jour, les trois cloches lan­ce­raient leur joyeux appel. Déjà, la sœur sacris­tine avait pré­pa­ré les beaux orne­ments blancs, ten­du la nappe de pure batiste, et pla­cé de gros chry­san­thèmes rouges entre les chan­de­liers du maître-autel…

De sa voix toni­truante, le chantre lan­ce­rait les pre­mières notes de l’In­troït : Gau­dea­mus omnes in Domi­no… Réjouis­sons-nous, c’est la fête de tous ceux qui peuplent le Para­dis, les connus mar­qués au calen­drier et les incon­nus dont, j’es­père, nous serons un jour…

Et Mon­sieur le Curé, en cette veille de fête, n’a pu ter­mi­ner ni Vêpres, ni Matines qu’il lui fau­dra reprendre tout à l’heure. Il dort au milieu des papiers épars sur la table, à côté de sa biblio­thèque mal ran­gée parce que tous les grands gar­çons viennent s’y ravi­tailler, près du divan sur lequel il ne repose que quelques heures chaque nuit.