Qu’en penses-tu, Michel ?
– Qu’en dis-tu, Nicolas ?
– Parle aussi, toi, Luc… »
Parler ?… Souvent, la chose est aisée aux trois garçons. Aujourd’hui, elle leur semble terriblement difficile : ils voudraient exprimer des choses… des choses qui ne sont pas faciles à dire. Alors, ils se taisent ; ils réfléchissent et concluent seulement :
« Il faut que ça finisse ! »
***
De mémoire d’homme, il y eût des frottements durs entre les Têtembois-de-la-ville et les Têtembois-de-la-terre. Ceux de la ville éclaboussaient les cousins paysans de leurs toilettes et de leur argent, de leur fin parler, de leur confort et de leur mépris pour cette allure de rustauds endimanchés qu’ils promenaient sur les trottoirs de la ville, les jours de marché. Ceux de la terre se moquaient un brin des cousins citadins qui ne distinguaient pas une poule d’un coq, et pour un peu de boue poussaient des cris de pintade effarouchée ; surtout, ils ne leur pardonnaient pas de compter pour abêtissant leur rude labeur, et de les tenir pour rustres, parce qu’ils n’avaient point appris à débiter joliment des inutilités et des menteries. À chaque rencontre, cela faisait des étincelles ; aussi, les rencontres s’espacèrent de plus en plus : hier, on en était à l’échange d’une carte au jour de l’an…
Mais le chômage survint, et se compliqua de la maladie, chez les Têtembois-de-la-ville, qui se firent « tout miel » avec les Têtembois-de-la-terre : « Cousin par-ci… Cousine par-là… Comment allez-vous ?… Quelle joie de vous revoir !… Dites donc ?… le petit a besoin de grand air et de bonne nourriture ; nous avions pensé que, peut-être… »
Les Têtembois-de-la-terre suivaient le manège d’un œil amusé. Tiens ! tiens ! Ça sert donc à quelque chose, ces paysans ? On échangea des mots acides ; et cela finit très mal.
Mais Luc, Michel et Nicolas Têtembois-de-la-terre se demandent par quel bout cet esprit « revanchard » peut bien s’accorder avec la Loi de Jésus qui dit de s’aimer tous comme des frères. Et, ne trouvant vraiment pas, ils concluent :
« Il faut que ça finisse ! »
Mais comment faire finir « ça » ?
***
« Où donc sont les gamins ?
– Dans la chambre, à déménager la crèche.
– Déménager la crèche ? C’est pas