L’office s’achève.
Drapés dans leur chape de bure noire, les moines alternent paisiblement les versets sacrés. Pourtant, au fond de la chapelle, une étrange distraction a clos les lèvres du prieur : il soupire longuement en regardant sur la muraille une grande étendue de plâtre blanc qui tranche sur les décorations environnantes. Tout autour de la nef, d’exquises fresques rappellent les épisodes de la vie du Christ ; une seule manque, importante cependant : la Nativité.
Encore une fois, le prieur soupire ; le frère imagier, le bon frère Norbert, est mort voici plusieurs mois laissant son œuvre inachevée. Le prieur est en grand souci : qui donc terminera la décoration de l’abbaye ?… Noël est proche (dans huit jours à peine) et le mur reste blanc. Maintenant, il faut s’y résigner, pas un maître imagier ne serait capable de travailler si promptement…
Certes, de nombreux peintres se sont présentés, mais leurs esquisses n’ont pas satisfait le vieil abbé. Il voudrait plus beau, plus simple, plus vrai !… Il voudrait un artiste qui peigne avec son cœur et sa foi. Point ne s’en présentant, force est au moine de laisser la tache livide déparer la chapelle.
***
Deux par deux, les moines longent le cloître. Soudain, des coups sourds ébranlent le portail, un frère se détache de la file, va pousser le verrou. Par l’huis entr’ouvert, une silhouette chancelante se glisse, et vient tomber aux pieds du prieur…
« Pitié !… Sauvez-moi !… »