Trompette, cheval de cavalerie

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Ah ! ma Mère !…

— Quoi donc, ma  ? »

La jeune reli­gieuse est navrée : com­ment dire la chose à « Notre Mère » ?

« Ah ! ma Mère !… »

Jeanne Jugan, Mère superieur et fondatrice des soeurs des pauvresA son bureau, la Supé­rieure des Petites Sœurs des Pauvres s’inquiète :

« Un mal­heur est-il arri­vé, Sœur Catherine ?

— Un grand mal­heur, oui, ma Mère.

— Mais encore ?

— Bayard, ma Mère…

— Bayard ?… Qu’a-t-il fait ?

— Il est mort. »

Bayard, c’é­tait le vieux noir des Petites Sœurs. On l’at­te­lait chaque jour à la car­riole et, « fouette cocher », — Sœur Cathe­rine s’en allait de porte en porte avec son grand sac :

« Bon­jour, Madame la frui­tière ; avez-vous quelque chose pour nos chers vieux, ce matin ?

— Mais oui, ma Sœur : voi­ci trois choux. »

A côté, c’é­tait une pièce jaune ou un billet, ailleurs des pommes de terre, ou un savon à barbe ; un mor­ceau de viande chez le bou­cher, des légumes au mar­ché, du bou­din à la char­cu­te­rie… Et la car­riole, chaque midi, ren­trait pleine. Et les Petites Sœurs ravies disaient : «  est bon : nos cinq cents vieillards man­ge­ront encore demain ».

* * *

Mois de mars : histoire de Saint Joseph - Petites soeurs de pauvres quêtant avec leur chevalCar la grande mai­son de la cha­ri­té abri­tait trois cents hommes et deux cents femmes, tous pauvres vieux qui auraient été bien mal­heu­reux si les Petites Sœurs n’a­vaient ouvert pour eux leur cœur et leur mai­son… Mais pour loger, nour­rir et habiller cinq cents vieillards qui ne sont point riches, il faut en trou­ver de l’argent, du pain, des vêtements !

Or, les Petites Sœurs n’é­taient pas plus riches que leurs cinq cents vieillards ; mais elles avaient totale confiance en le grand saint Joseph. En ouvrant l’hos­pice, elles entou­rèrent solen­nel­le­ment sa sta­tue et lui dirent :

« Grand saint, qui avez tra­vaillé toute votre vie pour nour­rir Jésus et Marie, tra­vaillez main­te­nant dans le ciel pour nour­rir nos vieux pauvres qui sont les frères aimés de Jésus. Nous avons confiance en vous »

Et voi­là…

Saint Joseph, qui est bon et puis­sant au ciel, s’ar­range mys­té­rieu­se­ment chaque jour pour que les gens de la ville emplissent la car­riole de Sœur Cathe­rine et que les chers vieux ne manquent de rien… Hier encore, Bayard en avait eu si lourd à rame­ner que la petite Sœur revint à pied par der­rière pour ne point le sur­char­ger… car Bayard aus­si était vieux…

Hélas ! Bayard, aujourd’­hui, est mort…

« Quel mal­heur, ma Mère ! sou­pire Sœur Cathe­rine. Qu’al­lons-nous faire ? »

Elle n’en sait rien du tout, la pauvre « Mère » qui a cinq cents vieux enfants en charge et si peu d’argent dedans sa bourse… Pas un franc, bien sûr, pour rache­ter un che­val !… Et, demain, plus de che­val pour traî­ner la carriole !…

« Qu’à cela ne tienne, mes filles ! dit la Mère ; nous sommes les ser­vantes des Pauvres, nous devons les ravi­tailler : par­tons à six avec de grands sacs, nous rap­por­te­rons tout au bout de nos bras. »

Ain­si firent-elles.

Mais les cinq reli­gieuses par­ties avec Sœur Cathe­rine man­quaient fort à la cui­sine, à la lin­ge­rie, à la basse-cour ou à l’infirmerie.

« Ça ne sau­rait durer, décré­ta la Mère. Allons trou­ver saint Joseph. »

Et l’on vit, à genoux sur le pavé, toutes les Petites Sœurs avec leur Mère autour de la sta­tue vénérée :

« Grand saint joseph, Bayard est mort, et nous sommes fort en peine. Mais nous avons confiance en vous. »

* * *

Ce qui se pas­sa, je ne le sais…

Histoire pour le catéchisme mois de mars - statue saint JosephMais dans le ciel, saint Joseph s’en fut assu­ré­ment vite, vite aler­ter le Bon Dieu. Lui mon­trant, tout en haut de la France, en la pointe d’Ar­dennes — car c’est une his­toire vraie, mes amis — la grande mai­son des cinq cents pauvres qui n’a­vaient plus de che­val noir, et, pas loin de là, le che­val gris d’un vieil offi­cier de cavalerie…

Le vieil offi­cier, per­clus et boi­tillant, ne mon­tait plus son che­val depuis long­temps ; mais, que vou­lez-vous, il l’ai­mait, ce vieux Trom­pette, com­pa­gnon fidèle de ses exploits mili­taires ; et ne vou­lait point s’en séparer…

« Ton­nerre de ton­nerre ! gron­dait-il dès qu’on lui par­lait de vendre son che­val. j’ai­me­rais mieux, ma foi, vendre ma femme ! »

* * *

Ce qui se pas­sa, je ne le sais, vous dis-je…

Mais, le soir même, Trom­pette et son maître étaient à la grille des Petites Sœurs.

« Bon­soir, ma Mère, dit le vieux capi­taine bour­ru pour cacher son émo­tion. Voi­là un che­val !… Ah ! ton­nerre ! Ça me fait plus que d’don­ner ma femme, pour sûr !… Mais quoi ?… il sera plus utile chez vous qu’­chez moi… »

Puis il s’en fut, vite, vite, pour que nul ne le vit pleurer.

Et la Mère Supé­rieure demeu­ra seule avec la bride de Trom­pette dans la main.

Alors, la Mère, gui­dant le che­val, fut avec lui devant le « saint Joseph » de la cour, tan­dis que les Petites Sœurs, accou­rues de par­tout aux hen­nis­se­ments de la bête, chan­taient avec leur Mère le mer­ci au grand saint qui, tou­jours, prend soin de Jésus en tous ses Pauvres.

Rose Dar­dennes.

coloriage pour le kt : saint Joseph

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