La sainte communion secourt admirablement les âmes du purgatoire. Le vénérable Louis de Blois rapporte dans un de ses livres, qu’un dévot serviteur de Dieu fut visité par une âme du purgatoire, qui lui fit voir tout ce qu’elle souffrait. Elle était punie pour avoir reçu la sainte communion avec tiédeur. En punition, Dieu lui avait ménagé le supplice d’un feu dévorant, qui la consumait. « Je vous conjure donc, dit-elle, vous qui avez été mon ami, de communier pour moi avec toute la ferveur dont vous êtes capable ; j’espère que cela suffira pour ma délivrance ». Celui-ci s’empressa de le faire. L’âme lui apparut de nouveau, brillante d’un incomparable éclat, heureuse et pleine de reconnaissance. « Enfin, lui dit-elle, grâce à vous, je vois donc face à face mon adorable Maître », et elle s’envola au ciel. Saint Bonaventure dit que la charité devrait nous porter à communier pour les défunts, parce qu’il n’y a rien de plus efficace pour leur repos éternel. Prions donc sans cesse pour eux et ils nous rendront au centuple le bien que nous leur aurons fait.
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On le refusa parce qu’il était illettré et ignorant
S’il est un saint dont les esprits forts se soient moqués et se moquent encore, c’est assurément saint Joseph de Cupertino.
Un pauvre franciscain qui pendant quarante ans, étonne l’Italie par ses miracles, s’élève chaque jour dans les airs comme la colombe par l’effet de l’Amour divin, et cela sous Louis XIV, il n’y a donc pas si longtemps ; quel affront pour tous ceux qui au nom de la science refusent de croire au miracle.
Renvoyé du couvent à cause de son incapacité
Joseph-Marie Desa naquit le 17 juin 1603, à Cupertino, petite ville du Royaume de Naples, d’une humble famille de menuisiers ; il vint au monde dans une étable comme Notre-Seigneur, tous les biens des parents ayant été vendus par nécessité. Dès son jeune âge, Joseph se plaisait uniquement dans les églises, et, chez lui, devant un petit autel où il récitait souvent le rosaire et les litanies de la Sainte Vierge. C’est à peine si on parvint à lui apprendre à lire et à écrire. Il connut cependant l’école de la souffrance : tout jeune, son corps se couvrit d’ulcères répugnants et il ne fut guéri que par l’intervention de la Sainte Vierge sous le vocable de Notre Dame des Grâces.
À dix-sept ans, il se présente chez les frères Mineurs Conventuels, où on le refuse parce qu’il est illettré et ignorant. Il rentre chez les Capucins, mais là toujours ravi en Dieu, il se montre complètement impropre à l’accomplissement de ses nouveaux devoirs : ses mains naturellement maladroites brisent tout ce qu’elles touchent ; en mettant du bois sur le feu, il fait tomber toutes les casseroles, prend du pain bis pour du pain blanc ; bref, il montre une telle incapacité qu’au bout de neuf mois, il est renvoyé du couvent.
Il doit retourner chez sa mère qui vit dans la misère et qui lui dit en guise d’accueil : « Il ne nous reste qu’à mourir de faim. » Cependant, à force de démarches, on parvient à l’introduire chez les frères Mineurs Conventuels de Santa Marta de Grotella pour soigner la mule du couvent.
Invoqué par les étudiants, la veille de leur examen
Les nouveaux supérieurs de Joseph ne tardèrent pas à remarquer l’humilité et l’obéissance de leur nouvelle recrue. Ils décident de l’admettre aux saints ordres. Mais pour arriver au diaconat, il est indispensable de subir un examen et notre saint a toujours du mal à lire et à écrire. Il réussit à force de patience et de persévérance à traduire un Évangile, un seul, celui où sont écrites ces paroles en l’honneur de Marie « Bienheureux le sein qui t’a porté ». Arrive le jour de l’examen ; Joseph est interrogé par l’évêque de Nardo. Il est un peu inquiet quoique confiant dans la Sainte Vierge car il a fait tout ce qu’il a pu pour réussir et elle ne l’abandonnera pas. En effet, voici que le sort tombe sur le seul Évangile que Joseph connaisse, il est reçu et le 4 mars 1628, ordonné prêtre. Depuis ce jour, saint Joseph de Cupertino est invoqué par les étudiants qui sont à la veille de subir leur examen afin que Dieu leur donne le succès mérité par leur travail.
Des coups violents contre la porte. Des hommes armés qui crient d’une voix furieuse : « Ouvrez ! ouvrez tout de suite ! » Est-on revenu au temps des origines du Christianisme, à l’époque des Persécutions, lorsque les gardes des empereurs romains faisaient la chasse aux baptisés ? Non. On est en France, en l’année 1793, c’est-à-dire au plein de la tragique période de la Révolution. Il y a plus de trois ans qu’à Paris le peuple révolté s’est emparé de la Bastille, et certains disent qu’une nouvelle époque de l’histoire a commencé ce jour-là. Il y a quelques mois que, dans la douleur ou la stupeur de la nation, le roi Louis XVI a gravi les marches de la guillotine et que le bourreau a montré à la foule sa tête ruisselante de sang.
— Ouvrez ! ouvrez donc ou nous enfonçons la porte ! Dans combien de villes de France, jusque dans les plus petits villages, de telles scènes ne se reproduisent-elles pas ? Combien de familles sont ainsi réveillées en sursaut, et combien se retrouveront, une heure plus tard, père, mère, grands-parents, enfants, serviteurs, entassés dans la cellule d’une prison, attendant de comparaître devant le Tribunal révolutionnaire qui les jugera et qui, peut-être,très souvent, trop souvent même, condamnera maints des membres à monter, eux aussi, les degrés de la sinistre machine qu’a inventée le docteur Guillotin ?
Quels crimes ont-ils commis ? Que leur reproche-t-on ? Bien souvent celui-ci : d’avoir caché des prêtres. C’est que, depuis deux ans, la Révolution fait la chasse au clergé. Pourquoi ? Parce que ses chefs ont la haine du Christianisme et veulent l’arracher du sol de la vieille France. Dans maints endroits, des équipes de furieux se sont ruées sur les églises les plus vénérables, les cathédrales les plus magnifiques, ont brisé les têtes des statues, parfois même entrepris de démolir pierre par pierre les nefs. Les prêtres sont traqués, ou plutôt sont traqués tous ceux d’entre eux qui ont refusé de prêter serment au gouvernement sacrilège, ce que le Saint Père le Pape a défendu. Comment vivent-ils donc, ces malheureux que toute la police pourchasse ? En se terrant, en se cachant sans cesse. Le passeport qu’il faut désormais pour voyager en France, ils ne l’ont pas. Aucun moyen pour eux de gagner leur vie. Seule peut les sauver la charité courageuse de quelques familles catholiques acceptant de les abriter en secret, mais, pour ces chrétiens, c’est, s’ils sont pris, la prison, le procès, la mort presque à coup sûr : abriter un prêtre « réfractaire » est un crime aux yeux de la loi.
Tout cela, d’innombrables enfants catholiques de France le savent. Il n’est famille chrétienne où les garçons et les filles n’aient entendu parler de ces événements tragiques, et des dangers qu’eux aussi peuvent courir.
Dans leurs jeunes âmes, l’héroïsme des enfants sublimes des premiers siècles de l’Église est revenu. Innombrables aussi sont, parmi eux, ceux qui sont résolus à tout braver, à exposer leur vie pour demeurer fidèles à la foi de leur baptême. Des enfants, qui n’étaient pas des saints, des enfants comme tous les autres, ont, au cours de cette douloureuse période qu’on appelle la Terreur, été les dignes descendants des Martyrs. Imaginons deux d’entre eux ; regardons les faire : leur exemple ne sera point perdu.
* * *
— Ouvrez, ouvrez tout de suite !…
Les cris et les coups ont réveillé Jacques et Jeanne, dans les deux petites chambres voisines qu’ils occupent, au second étage de la maison paternelle. L’un et l’autre ont couru à la fenêtre, ont jeté un coup d’œil dans la rue et, immédiatement, ils ont compris. Ils ont reconnu les bonnets rouges, les longs pantalons tombant sur les galoches, les piques et les fusils. Et ils savent, sans qu’on ait besoin de le leur expliquer, pourquoi tous ces hommes sont là.
La porte de communication s’ouvre entre les deux chambres, Jeanne surgit, saisit son frère par le bras.
— Tu as entendu ? Tu les as vus ?
— Oui, qu’allons-nous faire ? Si nous montions sur le toit ? Ils ne nous trouveraient pas.
— Jacques ! tu veux te sauver ?… Tu ne penses pas au Père ? Il n’a peut-être pas entendu, lui. Il va être pris. C’est lui certainement qu’on recherche.
— Oui, tu as raison. Il faut le prévenir.
— Et papa, et maman, et grand père ?…
Mais Jacques, maintenant, est décidé :
— Il faut aller prévenir le Père. C’est plus important.
Depuis plus de six mois, il est caché là, dans la petite pièce mansardée que le haut toit dissimule. Jamais il n’est sorti ni dans la rue ni dans le jardin. Personne n’a pu le voir. Qui donc a su sa présence ? Ces gens-là ont vraiment des mouchards partout ! Et, depuis six mois, le Père a célébré, chaque matin, sa messe, tout simplement sur une table, dans une salle écartée. Il a consacré les hosties, comme s’il avait été à l’autel de son église, et toute la famille a, malgré les défenses officielles, continué à recevoir régulièrement la sainte communion.
Celui dont il va être maintenant question n’est pas un saint. L’histoire l’a presque oublié ; rares sont les livres où les écoliers pourraient lire sa vie exemplaire. L’Église n’a pas considéré que ses vertus fussent suffisantes pour le placer sur les autels. Pourtant, par ses longues souffrances héroïquement supportées, par son énergie à remplir, malgré tout, ses devoirs, par sa tranquillité en face de la mort ne mériterait-il pas d’être placé, non loin de saint Louis, dans la belle galerie de ces princes du Moyen Age qui surent être de grands rois en demeurant de grands chrétiens ? Et quand vous aurez lu ce que fut sa brève existence tragique, sans doute penserez-vous que Celui qui connaît le plus profond des cœurs et pèse au juste poids les actions des hommes, l’aura accueilli dans son amour, au Paradis…
* * *
Il se nommait Baudouin. Il avait treize ans lorsque son père mourut, le puissant Amaury, roi de Jérusalem, qui tant avait lutté vaillamment contre l’infidèle, et mené jusqu’en Égypte l’offensive des armées franques. C’était un bel enfant, remarquablement doué ; charmant de corps et de visage, prompt et ouvert, aussi habile aux exercices physiques qu’appliqué à ceux de l’intelligence. Son esprit était vif, sa mémoire excellente et, dès son plus jeune âge, il avait compris combien il est utile, pour un prince, d’être très cultivé. En même temps, cavalier émérite, aussi habile à monter, sans selle, un fougueux petit cheval arabe qu’à mener un lourd destrier de Boulogne, caparaçonné de fer, aussi expert en la chasse au faucon qu’à la nage dans les eaux du lac de Tibériade. Vraiment, un magnifique garçon.
Depuis son plus jeune âge, son précepteur, Messire Guillaume de Tyr, qui écrivait alors un énorme livre sur l’histoire des Croisades, lui en avait raconté tous les événements ; Baudouin n’ignorait rien de la gloire de ses ancêtres, ni des conditions où était né le royaume dont il hériterait un jour. Et l’enfant, quand il chevauchait à travers la campagne de la Terre Sainte aimait à évoquer l’épopée de ces hommes admirables qu’avaient été les premiers croisés.
Ce n’était pas à lui qu’il eût fallu apprendre comment, pour délivrer de l’occupation des Turcs musulmans le Saint-Sépulcre où dormit, après la crucifixion, le corps de Notre-Seigneur, le grand Pape Urbain II, en 1095, dans la cathédrale de Clermont-Ferrand en France, avait appelé le monde à la croisade et comment, aussitôt, des milliers d’assistants avaient fixé sur leur manteau une croix d’étoffe rouge en jurant de partir pour la Palestine ! Ce n’était pas à lui qu’il eût fallu apprendre les noms des glorieux chefs qui avaient mené à la victoire la première croisade ; Godefroy de Bouillon, le parfait chevalier du Christ ; Hugues de Vermandois, frère du roi de France ; Robert Courteheuse, duc de Normandie ; et les ducs de Sicile et les comtes de Toulouse, et les évêques, et les légats du Pape, tous également pieux, tous également croyants.
Il se répétait souvent les phrases que son maître Guillaume lui avait lues, où il racontait comment les croisés, exténués, décimés, presque à bout de courage, étaient arrivés en juin 1099 devant Jérusalem, la ville Sainte entre toutes.… « Lorsqu’ils entendirent que cette ville était Jérusalem, lors, ils commencèrent à pleurer d’émotion. Tous se mirent à genoux et rendirent grâces à Dieu, parce qu’ils touchaient au but de leur pèlerinage, et qu’ils allaient entrer dans cette ville que tant aima Notre-Seigneur durant qu’il vivait, homme, pour sauver les hommes. C’était grande émotion de voir et d’ouïr leurs larmes et leurs sanglots. Et lorsqu’ils furent approchés des murailles, en vue des tours de la cité, ils levèrent les mains au ciel dans une fervente prière, puis se mirent pieds nus, par humilité de cœur, et baisèrent la terre qu’avait foulée Jésus. »
C’était de leurs efforts, de leurs sacrifices, qu’était né ce royaume, le beau royaume chrétien de Palestine, dont Baudouin aurait la charge. Il pensait aux puissants châteaux, qu’on appelait les kraks, copiés des châteaux forts de France ou de Belgique, qui surveillaient tous les passages par où le Musulman aurait pu attaquer de nouveau. Il pensait aussi aux solides milices des Chevaliers moines, les Templiers, les Hospitaliers, qui consacraient toute leur existence à défendre la Terre Sainte contre les Turcs. Avec de tels hommes, avec de telles forteresses, qu’avait-on à craindre ? Et lui, Baudouin, devenu à la mort de son père Baudouin IV, il savait bien que, Dieu aidant, il combattrait de toutes ses forces pour la sauvegarde du Sépulcre, la défense de son royaume et la sûreté de tous les chrétiens en Orient. Fidèle ! Il serait fidèle ! Et il pensait qu’un magnifique avenir s’ouvrait devant lui.
La campagne était toute de neige autour du bourg de Bethléem, et les cubes blancs des maisons prenaient des teintes laiteuses parmi cette surnaturelle pureté.
Le ciel bombait au-dessus, comme un grand bocal d’un bleu pâle et translucide. Il y avait dans l’air une joie paisible comme si des anges venaient d’y passer.
À la vérité, des anges l’avaient traversé la nuit précédente. Jésus étant né, cette nuit-là, dans une grotte des environs, ils avaient chanté, devant un groupe de bergers d’abord, au-dessus de la grotte ensuite, un beau chœur à plusieurs voix dont le refrain est demeuré célèbre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté. »
La nouvelle du miracle s’était répandue dans les maisons du bourg, et circulait sous le manteau, accueillie ici avec joie, là par des haussements d’épaules.
La fin de la classe du matin venait de lâcher les enfants dans les rues. Sur la placette, autour de la fontaine, beaucoup s’attardaient à bavarder, en petits groupes mystérieux et animés. La glissoire en pente luisait comme un marbre sombre, délaissée.
— Bien sûr que c’est vrai ! dit un gamin dont les yeux noirs étincelaient d’enthousiasme. Le père de Lévi doit le savoir, je suppose, puisqu’il y était !
— Mon père ne veut pas y croire, répliqua sans conviction un enfant mieux vêtu que les autres. Mon père est savant. Il doit avoir ses raisons. Mais j’aimerais mieux que ce soit vrai.
— Tiens ! intervint un troisième, pourquoi ne serait-ce pas vrai ? Ils étaient huit à aller à la grotte cette nuit, et tous racontent la même chose. Ils ont vu un ange, je vous dis, ils ont entendu le chant, ils ont vu l’Enfant et sa Mère.
— Mon père prétend que le Messie sera un Roi, objecta un autre. Alors, cet enfant pauvre ?…
— Oui, mais ces anges ? Est-ce qu’ils viennent chanter autour de notre maison, quand nous recevons un petit frère ou une petite sœur ?










