Temps de lecture : 2 minutesUn homme était riche. Ses greniers étant trop petits, il en fit construire de plus grands. Après quoi, il s’écria : « Maintenant que j’ai de grands biens en réserve pour beaucoup d’années, je n’ai plus qu’à boire et à faire bonne chère ! » Mais Dieu lui dit : « Insensé, cette nuit même…
Étiquette : <span>Mort</span>
Seule vivante en nous la douleur, la douleur être jailli de nous, plus vivante que nous,
Mais image de Dieu, image de sa grâce,
Et Dieu même dans notre chair…
Dieu rongeant notre chair,
Comme sa grâce ronge l’âme.Le corps même a bu le Vin Nouveau, a bu l’Esprit.
Voici les possédés de Dieu, les corps fous comme des âmes, les corps dévorés de joie, torches de joie, grésillantes résines, les corps si pleins de Dieu qu’ils éclatent !
Quand il eut écrit ces lignes, Georges Le Noir se reposa.
Et de fait, il avait besoin de se reposer.
Il devait se reposer.
Rien ne coûte tant que le travail intellectuel ! O Forts, qui coltinez, marchant à petits pas, des tonnes et des tonnes ; laboureurs aux mains calleuses, qui poussez la charrue et la tenez droite au sillon ; forgerons, qui levez la masse énorme au-dessus de l’enclume, parmi le jaillissement des étincelles blanches, vous ignorez l’effort et sa fatigue, vous ne savez rien du vrai travail !
Georges Le Noir avait mérité quelques minutes de repos.
Les soldats du vieux temps gagnaient, par une bonne heure de marche, une « pause » de cinq minutes. Les modernes poètes, après dix vers alignés, s’octroient la cigarette amie, la reposante cigarette.
Georges Le Noir en cueillit une dans une boîte en étain repoussé, où gisaient ses Sultanes ; il la flamba, pour ne pas dire : il l’alluma, ce qui serait trop vulgaire, et s’en vint à sa fenêtre pour mêler à l’air frais du matin la fumée odorante qu’il venait d’aspirer.
Il était content de lui.
Quel calme dans ce coin perdu du cinquième arrondissement. La rue Mouffetard est à deux pas, mais la rue Tournefort l’ignore et la dédaigne, et toute l’agitation populaire ne saurait troubler la paix des heureux habitants du quartier des Bénédictines du Saint-Sacrement. De sa fenêtre, Le Noir a vue sur leur jardin, où, en ce matin de mai, tous les lilas sont en fleurs. Des ramiers passent en vol rapide et gagnent le Luxembourg. Les rumeurs du Paris des affaires montent à peine jusqu’à cette île paisible du Panthéon. Une balayeuse automobile passe, qu’on entend crisser sur l’asphalte. La fraîcheur saisit Georges Le Noir. Il s’emmitoufle dans son pyjama épais, ferme la fenêtre et revient à son bureau. Se tapotant les dents du bout de son stylo, il relit avec le sourire la page qu’il vient d’achever, et comme l’inspiration ne l’a pas quitté, après avoir redit trois fois le dernier vers…
Les corps si pleins de Dieu qu’ils éclatent !
il continue d’écrire.
La sainte communion secourt admirablement les âmes du purgatoire. Le vénérable Louis de Blois rapporte dans un de ses livres, qu’un dévot serviteur de Dieu fut visité par une âme du purgatoire, qui lui fit voir tout ce qu’elle souffrait. Elle était punie pour avoir reçu la sainte communion avec tiédeur. En punition, Dieu lui avait ménagé le supplice d’un feu dévorant, qui la consumait. « Je vous conjure donc, dit-elle, vous qui avez été mon ami, de communier pour moi avec toute la ferveur dont vous êtes capable ; j’espère que cela suffira pour ma délivrance ». Celui-ci s’empressa de le faire. L’âme lui apparut de nouveau, brillante d’un incomparable éclat, heureuse et pleine de reconnaissance. « Enfin, lui dit-elle, grâce à vous, je vois donc face à face mon adorable Maître », et elle s’envola au ciel. Saint Bonaventure dit que la charité devrait nous porter à communier pour les défunts, parce qu’il n’y a rien de plus efficace pour leur repos éternel. Prions donc sans cesse pour eux et ils nous rendront au centuple le bien que nous leur aurons fait.
Temps de lecture : 6 minutes
Extrême-onction
Il y avait du soleil plein le ciel, des chants d’oiseaux plein le verger. Et Jean-Paul chantait aussi sa joie de vivre en cueillant à plein panier les cerises rutilantes du beau cerisier…
Soudain, un craquement, un double cri : Jean-Paul tombait du cerisier sur la terre dure, et sa mère accourait, épouvantée.
Ce fut aussitôt un grand affairement : brancard, coups de téléphone, médecin… Et le terrible diagnostic, courant de bouche en bouche : « Il est perdu… il ne lui reste plus qu’une heure à vivre… »
Pâle sur son lit, souffrant atrocement, Jean-Paul sent bien lui aussi que sa vie s’en va. Alors il appelle sa maman :
— Je vais mourir, dit-il doucement, mais il ne faudra pas pleurer : je vais au ciel.
Puis il ajoute :
— Les copains du « caté » vont sûrement venir avec Monsieur le Curé. Dis, tu les laisseras entrer ?
Les parents de Jean-Paul ne sont pas « gens à curé », comme ils disent. Mais refuseraient-ils une dernière joie à leur enfant ?
Jean-Paul, lui, attend. Car au catéchisme, le jour où ils ont ensemble découvert que la mort est une merveilleuse procession de la terre au ciel, ils s’étaient promis d’être tous avec le prêtre autour du premier qui partirait…
* * *
« Toc-toc !… »
C’est un rappel d’espérance dans la maison brutalement éprouvée. Les gens qui ne savent pas, pleurent et frissonnent parce que la mort est là. Mais les cinq gars à la porte de Jean-Paul savent, eux, qu’ils apportent joie et paix : pour venir, ils ont mis leurs beaux habits, comme pour une fête, une fête grave, bien sûr, et douloureuse à leur cœur ému mais tout de même la fête de tout le ciel qui va venir au-devant de Jean-Paul, et ses amis seront là, comme pour une noce.
D’abord, le prêtre est entré seul, pour donner la dernière absolution.
Les forces de Jean-Paul s’écoulent très vite. Sous le pardon de Dieu, il a fermé les yeux. Il les rouvre seulement pour remercier d’un regard ses camarades qui entrent.
Temps de lecture : 5 minutes
Extrême-Onction
« Ton père va mieux ?
— Oui, il est revenu de l’hôpital. Même, il désire te voir, je venais te le dire.
— Me voir ? Moi ?…
Guilaine est intriguée. Que peut lui vouloir le père de Colette ? Elle a peur aussi de le voir encore dans le sang et avec des pansements, comme le jour de l’accident. Il y a trois semaines de cela, mais elle en est encore impressionnée.
Elle jouait à la marelle, avec Josette. Elles entendaient, sans y prendre garde, le toc-toc léger d’un marteau de couvreur sur les ardoises sonores.
— Tiens ! dit Guilaine, le père de Colette est sur le toit de votre grange.
Elles le regardèrent une minute aller et venir sur le vieux toit, arrachant ici un coussin de mousse, poussant là une ardoise…
— Brr !… je n’aimerais pas être à sa place…
— Surtout sur le bord…
Derrière elles, une voix les fit sursauter :
— S’il n’y avait que des as de votre trempe, il pleuvrait sur votre lit, je pense !
Le facteur avait entendu leurs dires et les regardait en riant. Guilaine ouvrit la bouche pour lui répondre que les fillettes ne vont pas sur les toits. Mais la phrase s’étrangla… un craquement, une effroyable dégringolade d’ardoises, un cri, figèrent tout le monde…
— Ah ! mon Dieu !…
Le couvreur n’était plus sur le toit. À sa place on voyait un grand trou… Le facteur courait à la grange. Les gens sortaient des maisons voisines…