Série : <span>La belle aventure de Catherine</span>

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 11 minutes

Elle est si petite qu’on la remarque à peine. 

Elle est si com­mune qu’on n’en fait pas cas. 

Elle est si impor­tante qu’à la nais­sance de bébé tout le monde se pré­ci­pite pour lui en mettre une, au cou… 

Voyez comme il louche, d’un petit air intri­gué, pour prendre pos­ses­sion de cette plaque en métal plus ou moins précieux !

Vous l’a­vez bien devi­né : il s’a­git de la médaille, dite « mira­cu­leuse », puisque la Sainte Vierge s’en sert pour faire des prodiges. 

Cela date de loin ! Cent-trente ans bien­tôt est un bel âge et la médaille que vous por­tez a fait ses preuves, sa renom­mée monte en flèche. Il n’y a pas de coin dans le monde tout entier où l’on ne la connaisse. Des mil­liers de lettres rap­portent chaque jour de nou­velles grâces, obte­nues par son entre­mise. Gué­ri­sons, conver­sions, sau­ve­tages en pleine mer, dans les airs, en mon­tagne, opé­ra­tions réus­sies, exa­mens pas­sés, dif­fi­cul­tés réso­lues… Cent gros volumes ne suf­fi­raient pas pour enre­gis­trer tant de mer­veilles. La médaille est par­tout à l’hon­neur. Com­ment expli­quer sa vertu ?

Ce serait une grande erreur de croire que cette humble plaque pos­sède un pou­voir magique comme la baguette enchan­tée ou la lampe d’A­la­din dans les contes de fées ! La médaille n’est pas un fétiche, mais un signe. Atten­tion : ce que je vais vous dire est capital ! 

Com­ment recon­naît-on la natio­na­li­té d’un sol­dat ? À son uni­forme, à ses galons, à son équi­pe­ment, à son dra­peau, par­fois à son panache. Les autos sont clas­sées selon leurs marques. Les avions arborent bien en vue leur signa­le­ment. Je connais des gar­çons mieux au cou­rant de la fabri­ca­tion des réac­teurs que de l’his­toire de France ! Lors­qu’on leur demande : « À quoi les recon­nais­sez-vous ? » ils répondent sans tré­bu­cher : « À telles enseignes ». 

La Sainte Vierge est Reine de l’U­ni­vers, donc NOTRE Reine. Cepen­dant, comme Dieu, Elle res­pecte notre liber­té. Si nous lui ouvrons la porte, Elle entre, si nous ver­rouillons l’en­trée de nos cœurs, Elle reste dehors. Pour obte­nir son secours, nous devons en quelque sorte lui don­ner des droits sur nous. Or, une médaille est comme un insigne mili­taire. En la por­tant, je m’en­rôle au ser­vice de Notre-Dame, je deviens son petit sol­dat. C’est un signe d’al­liance et de dépen­dance. Ma porte est grande ouverte et Notre-Dame PEUT agir. 

Connais­sez-vous le pre­mier miracle de Jésus à Cana en Gali­lée ? Sup­po­sons un ins­tant que les ser­vi­teurs aient faits la sourde oreille aux paroles de Marie : « FAITES CE QU’IL VOUS DIRA ». S’ils n’a­vaient pas rem­pli d’eau les urnes en pierre, cette eau n’au­rait pu être trans­for­mée en vin ! 

Et pour­tant le geste de ces ser­vi­teurs était banal. Qui de vous n’a pui­sé de l’eau avec une cruche, un gobe­let ou un autre réci­pient ? Encore fal­lait-il le faire, ce geste de tous les jours, pour que Jésus opé­rât son pre­mier miracle. 

La médaille que je porte est une réponse per­ma­nente à l’in­vi­ta­tion de Notre-Dame : « FAITES CE QU’IL VOUS DIRA ». 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Un matin d’oc­tobre, en 1815, papa réveille ses petits en pleurant. 

— Venez vite dire adieu à votre mère ! dit-il. 

Zoé s’ar­rête sur le seuil, toute inter­dite. Maman ne bouge pas, on dirait qu’elle dort ! De grands cierges solen­nels l’en­tourent, ses mains jointes tiennent un cha­pe­let, elle semble sou­rire au milieu des fleurs que l’on apporte par brassées. 

Puis elle s’en va, lais­sant un grand vide dans le cœur de ceux qui l’aiment. Zoé souffre, mais garde le silence. Il y a tant de cha­grin tout autour, les yeux rou­gis de papa lui font tel­le­ment mal, qu’elle n’ose se plaindre. Les voi­sines hochent la tête : « Elle est trop petite pour comprendre ». 

Un jour la ser­vante entre sans bruit, ayant sur le seuil quit­té ses sabots, et s’ar­rête pétrifiée.

La sage Zoé est en train d’es­ca­la­der le buf­fet ! Pour voler des frian­dises ? Nen­ni ! La voi­ci qui se hausse sur les pointes des pieds pour mieux étreindre la sta­tue de la Sainte Vierge. La tête blot­tie contre son coeur, d’une voix gon­flée de larmes, elle murmure :

« C’est vous, main­te­nant, qui serez ma Mère » !

La ser­vante se retire dou­ce­ment, émue jus­qu’aux larmes. 

Ah, si tous les orphe­lins savaient qu’ils ont au ciel la plus tendre des mamans ! 

Zoé le sait. À par­tir de ce jour les liens qui l’u­nissent à la Sainte Vierge deviennent plus étroits. Naï­ve­ment, elle lui conte ses joies, ses peines et dépose à ses pieds des gerbes de cha­pe­lets. Car elle prie comme elle res­pire, tout simplement. 

Catherine prend la statue de la Vierge Marie et dit : C'est vous, maintenant, qui serez ma Mère

Son ins­truc­tion laisse plus à dési­rer. L’é­cole des filles est à trois kilo­mètres de la mai­son, trop loin pour ses petites jambes. Après la mort de Mme Labou­ré, sa tante Mar­gue­rite l’emmène chez elle, mais n’a guère le temps de lui don­ner des leçons. Lors­qu’à douze ans Zoé retour­ne­ra à Fain pour sa pre­mière com­mu­nion, elle ne sau­ra guère lire ni écrire. Toute sa vie, elle fera des fautes d’orthographe… 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Tonine a vingt ans. Zoé en a vingt-deux. Un soir, elle prend son cou­rage à deux mains : 

— Papa, je veux me faire religieuse ! 

Pierre Labou­ré devient rouge comme une écre­visse, mais tâche de se maîtriser. 

Il bourre sa pipe, l’al­lume et déclare d’un ton sans réplique : 

— J’ai don­né une fille aux bonnes sœurs : je ne leur don­ne­rai pas la deuxième. 

Zoé a de qui tenir ! Ce qu’elle veut, elle le veut bien. Elle ne pro­teste pas, mais cette brusque flamme dans ses yeux prouve bien qu’elle est tou­chée au vif. Com­ment faire pour lui chan­ger les idées ? 

— Tout d’a­bord, pense le père, il faut la sor­tir d’i­ci. Ne vit-elle pas, depuis des années, comme une nonne cloî­trée ? Ni bals, ni dis­trac­tions et Dieu sait ce que le brave Dom Mamert lui a four­ré dans la tête ! Il fau­drait qu’elle voie du beau monde, qu’elle se frotte à la socié­té, qu’elle s’a­muse ! Pour cela, il n’y a pas comme Paris. Au fait, mon Charles y tient un res­tau­rant ? Çà y est, j’ai trou­vé. Dans un an, cette brave Zoé ne pen­se­ra plus au couvent. 

Aus­si­tôt, il prend sa plume et adresse une mis­sive à Charles Labou­ré, res­tau­ra­teur, au fau­bourg de Notre-Dame de Bonne-Nou­velle. L’af­faire est conclue en un tour­ne­main et Zoé mise en face d’un fait accom­pli. Elle n’a qu’à faire son balu­chon et partir.

Tonine pleure à chaudes larmes : « Si du moins tu par­tais au couvent pour être heu­reuse, mais dans ce grand Paris, que deviendras-tu » ? 

Catherine est envoyé à Paris - Tonine pleure

Servante à Paris

Zoé étouffe ses san­glots et monte dans la dili­gence. C’est la pre­mière fois qu’elle part toute seule, pour un si long voyage. À l’autre bout son frère l’at­tend… rien que son frère ? Chaque jour la rap­proche du plus beau des ren­dez-vous, mais elle l’i­gnore et chan­celle sous le poids de l’épreuve. 

Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Et main­te­nant, cédons-lui la parole, en cor­ri­geant sim­ple­ment les fautes d’or­tho­graphe… qui fourmillent. 

« Vient la fête de Saint Vincent. La veille, notre bonne Mère Marthe nous fit une ins­truc­tion sur la dévo­tion à la Sainte Vierge, ce qui m’a don­né un si grand désir de la voir que je me suis cou­chée avec cette pen­sée… Enfin, je me suis endormie. 

« À onze heures et demi du soir, je m’en­tends appe­lée par mon nom : « Ma sœur Labou­ré ! Ma sœur Labou­ré » M’é­veillant, je regar­dai du côté d’où venait la voix qui était du côté du pas­sage. Je tire le rideau : je vois un enfant habillé de blanc, âgé à peu près de quatre à cinq ans, qui me dit : « Venez à la Cha­pelle, la Sainte Vierge vous attend » ! Aus­si­tôt la pen­sée me vient : « Mais on va m’en­tendre » ! Cet enfant me répond : « Soyez tran­quille, il est onze heures et demi, tout le monde dort bien, venez, je vous attends » ! 

Soeur Catherine Labouré est menée par son petite ange gardien jusqu'à la chapelle de la rue du Bac

« Je me suis dépê­chée de m’ha­biller et je me suis diri­gée du côté de cet enfant qui était res­té debout, sans avan­cer plus loin que la tête de mon lit. Il m’a sui­vie ou plu­tôt je l’ai sui­vi, tou­jours sur ma gauche, par­tout où il pas­sait. Les lumières étaient allu­mées par­tout où nous pas­sions, ce qui m’é­ton­nait beau­coup ; je fus bien plus sur­prise lorsque je suis entrée à la cha­pelle. La porte s’est ouverte à peine l’en­fant l’a­vait tou­chée du bout du doigt. Mais ma sur­prise a été encore bien plus com­plète, quand j’ai vu tous les cierges et flam­beaux allu­més, ce qui me rap­pe­lait la Messe de minuit. Cepen­dant, je ne voyais pas la Sainte Vierge. 

« L’en­fant me condui­sit dans le sanc­tuaire, à côté du fau­teuil de M. le Direc­teur, et là, je me suis mise à genoux, et l’en­fant est res­té debout tout le temps. Comme je trou­vais le temps long, je regar­dais si les veilleuses (les sœurs dési­gnées pour veiller la nuit) ne pas­saient pas par la tribune.

« Enfin l’heure est arri­vée. L’en­fant me pré­vient. Il me dit : « Voi­ci la Sainte Vierge, La voi­ci » ! J’en­tends comme un bruit, comme le frou-frou d’une robe de soie qui venait du côté de la tri­bune. L’en­fant qui était là me dit : « Voi­ci la Sainte Vierge ! ». Regar­dant la Sainte Vierge, je n’ai fait qu’un bond auprès d’elle, à genoux, sur les marches de l’au­tel, les mains appuyées sur les genoux de la Sainte Vierge. 

Sainte Catherine au pied de la Vierge Marie dans la chapelle.
Auteur : Winowska, Maria | Ouvrage : La belle aventure de Catherine - La médaille miraculeuse .

Temps de lec­ture : 11 minutes

Nous voi­ci donc à la veille du pre­mier dimanche de l’Avent, à la cha­pelle de la rue du Bac. Il est 18 h 30. Les bataillons du Père Vincent défilent en ordre, prennent place. Per­due dans leur nombre, notre petite Novice. 

C’est le grand silence, le cœur à cœur avec Dieu. Per­sonne, sauf les anges, n’est dans le secret de sœur Cathe­rine. Les yeux grands ouverts, elle regarde, elle voit … Mais lais­sons-lui donc la parole !

« Il m’a sem­blé entendre du bruit du côté de la tri­bune. J’ai aper­çu la Sainte Vierge à la hau­teur du tableau de Saint Joseph. Elle était debout, habillée de blanc, une robe en soie blanche aurore, manches plates, un voile blanc qui lui des­cen­dait jus­qu’en bas ; par-des­sous son voile, j’ai aper­çu ses che­veux en ban­deaux ; par-des­sus une den­telle à peu près de trois cen­ti­mètres de hau­teur, sans fronces, c’est-à-dire légè­re­ment appuyée sur les cheveux… 

à la chapelle de la rue du Bac. Les bataillons du Père Vincent défilent en ordre.

(Fille d’Ève, comme elle campe bien le moindre détail de la toi­lette céleste !) 

« La figure était assez décou­verte. Les pieds appuyés sur une boule. Elle tenait une boule dans ses mains, à la hau­teur de l’es­to­mac, d’une manière très aisée, les yeux éle­vés vers le ciel. Sa figure était de toute beau­té, je ne pour­rai la dépeindre…