Charité
Je me suis engagé à ne faire connaître ni le nom ni le pays de la petite héroïne de ce récit. Je puis toutefois certifier qu’il est absolument vrai. C’était en septembre 1899. Étant brancardier à l’hôpital des Sept-Douleurs, à Lourdes, je venais de lever de sa voiturette une pauvre enfant de 14 ans paralysée des deux jambes et du bras droit. Elle avait assisté à la procession du Saint-Sacrement et, avec toutes les précautions possibles, je l’avais transportée à nouveau sur son lit. J’allais m’éloigner pour m’occuper d’autres malades lorsque, de sa main encore valide, Louise, c’était le nom de la jeune infirme, me fit signe de m’asseoir près d’elle.
— « Pas maintenant, répondis-je ; je n’ai pas le temps ! »
L’enfant renouvela son geste :
— « Si, asseyez-vous là, je veux ! »
La pauvre petite m’avait dit cela d’un ton à la fois si énergique et si suppliant qu’il ne me restait plus qu’à obéir ! C’est ce que je fis…
« Voyons, lui dis-je, parlez vite. Je suis très pressé !
— Oui, mais tout bas. Je ne voudrais pas que les autres m’entendent ! »
Je m’approchai plus près du lit et Louise me murmura à l’oreille :
— « J’ai fait une promesse à la Sainte Vierge si elle m’accordait une grande faveur.
— Ah ! Et alors ?
— Eh ! bien, elle m’a exaucée !
— Vous vous sentez mieux ? repris-je étonné.
— Oh ! non… Je n’ai rien demandé pour moi, répondit l’infirme.
— Alors, quelle grâce avez-vous obtenue ?





Josepho a douze ans et a été baptisé voici une semaine. Le Père l’a donné en exemple à ses compagnons de classe, car il sait son catéchisme sur le bout du doigt C’est d’ailleurs pourquoi il porte aujourd’hui autour du cou un chapelet plus beau que celui de ses camarades. Personne cependant ne le jalouse, car tous savent que c’est une récompense méritée et que par ailleurs Josepho est le plus aimable garçon de l’école. Hier encore, il est parti avec deux maigres poulets pour acheter des remèdes à sa bonne maman qui est très malade. Josepho l’aime tellement !
« Je me trouvais au Havre un soir de Noël ; il faisait très froid. Les deux lieutenants de la « Provence » et moi avions soupé tard et lentement, pour abréger autant que possible la longueur de la soirée. Tous les trois, anciens élèves des jésuites, tous les trois fanatiques des traditions, nous aurions renoncé à nos galons plutôt qu’à la Messe de minuit, à laquelle les marins ont si rarement l’occasion d’assister. Désœuvrés comme des officiers qui ne sont pas « de quart », nous décrétâmes d’aller faire un bridge au café Tortoni pour passer le temps et attendre minuit.
