Étiquette : <span>Mission</span>

Auteur : Smith | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Paul était un pauvre Cafre chré­tien de la des Pères de Marian­hill, au Natal. Son grand désir eût été de deve­nir un jour, mais Paul ne pos­sé­dait pas les soixante livres ster­ling requises à Marian­hill pour payer ses trois ans de .

Il se mit au tra­vail. Il fut d’a­bord ber­ger, mais son gain suf­fi­sait à peine à son entretien.

Au soir d’une pénible jour­née, il était assis à l’ombre, lors­qu’il aper­çut une anti­lope assoif­fée se diri­geant vers son arbre. A la vue d’un homme, le pauvre ani­mal s’ar­rê­ta. Paul en eut pitié et lui céda la place.

lecture pour les enfants et leurs parents - antilope africaineL’an­ti­lope parut com­prendre ce geste de bon­té. Elle se traî­na jus­qu’au pied de l’arbre et s’y cou­cha pour attendre la pluie… ou la mort.

Paul ne dor­mit pas cette nuit-là.

Il lui sem­blait tou­jours voir l’an­ti­lope alté­rée et pan­te­lante se traî­nant en chan­ce­lant vers son arbre et s’af­fais­sant comme une masse.

« N’est-ce pas là, se disait-il, l’i­mage du genre humain, qui, n’en pou­vant plus de soif et de faim, court vers l’ pour trou­ver enfin le repos à l’ombre de son feuillage ? »

Ah ! si seule­ment il pou­vait vite deve­nir prêtre ! Quel bon­heur il aurait de plan­ter par­mi les siens, chez son peuple à lui – trou­peau errant et alté­ré – la croix, arbre du salut !

Être prêtre ! Com­bien de temps encore aura-t-il à pei­ner pour amas­ser tout l’argent nécessaire ?

La nuit entière, Paul se ber­ça de son beau rêve ; et quand, vers l’au­rore, ses pau­pières fati­guées se fer­mèrent pour dor­mir enfin quelques ins­tants, sa réso­lu­tion était prise.

Il irait à , aux mines d’or, où tant d’autres trouvent de l’argent pour 

| Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Ascension

Bali dresse l’o­reille : un bruit connu l’a aler­té : le « nia­ma-mail » n’est pas loin…

Récit d'Afrique - pardon - Africain à la sagaieTapi dans les racines aériennes d’un palé­tu­vier, le souffle rete­nu, l’o­reille ten­due, l’œil fure­teur, le Noir guette…

« Ah !… Bali a vu nia­ma-mail ! Bali cou­rir appe­ler tous les hommes du vil­lage, et tous ensemble tue­ront le niama-mail »

Un der­nier regard à l’hip­po­po­tame qui s’é­bat dans le fleuve, incons­cient du dan­ger, et le grand noir s’en­fonce à souples fou­lées dans la forêt.

Mais, au fait, pour­quoi mobi­li­ser tout le vil­lage pour tuer le nia­ma-mail ?… Bali s’im­mo­bi­lise… touche son front… hésite… puis se redresse, et rit de toutes ses dents blanches.

« Bali, pas besoin des autres pour tuer nia­ma-mail. Bali prendre ses sagaies, et retour­ner au fleuve ; et ceux du vil­lage joue­ront du tam-tam pour Bali qui aura tué tout seul le nia­ma-mail ; et tous diront : Bali est plus grand chas­seur que Mako ».

Dix minutes plus tard, l’homme est à l’af­fût, le regard tour­né vers la masse grise de l’hip­po­po­tame qui se baigne et lance des fusées d’eau. Tout à l’heure, la bête vien­dra man­ger sur la rive ; Bali connaît ses mœurs. Patiem­ment, il l’attend…

Un des meilleurs chas­seurs indi­gènes, ce Bali. Son seul rival est Mako, aus­si habile que lui à lan­cer la sagaie. Mais Mako n’a jamais atta­qué seul un hip­po­po­tame. Tan­dis que lui, Bali, va tuer celui-ci…

Récit d'Afrique pour les ado - hippopotame sortant de l'eauIl assure une sagaie dans sa main, car le monstre se rap­proche ; on dis­tingue à pré­sent ses formes mas­sives : le mufle car­ré, les courtes oreilles… Il vient à la rive… L’ins­tant est tra­gique ; le cœur de Bali s’ar­rête qua­si de battre ; mais sa main, len­te­ment, silen­cieu­se­ment, pointe la sagaie vers l’é­norme bête qui émerge, ruis­se­lante, de l’eau glauque…

« Mako lui-même n’o­se­rait l’at­ta­quer seul. Mais Bali ose­ra, lui. Et la tri­bu sau­ra que Bali est le roi des chasseurs. »

Tran­quille, la bête prend pied.

Bali rampe dans les hautes herbes, sans un effleu­re­ment, sans même faire trem­bler une tige grêle.

Il n’a pas peur.

Il est sûr de lui.

À bonne dis­tance, il se redresse, souple et silencieux.

Auteur : Clairval, Cécile | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Récit Mission Catholique Mapeera-Nabulaga - 1881 (Ouganda)

Cin­quante-quatre degrés à l’ombre ! Une vraie fournaise.

Pour­tant le Père conti­nue la leçon. Quel mal, pour faire entrer quelque chose dans ces petites caboches tou­jours si dures et qui, ce soir, sont dode­li­nantes sur les maigres épaules qui les portent.

Le mis­sion­naire module sa voix savam­ment : de grands éclats suc­cèdent à des paroles à peine mur­mu­rées… Il marche, ges­ti­cule, s’ar­rête, repart.

En vain. Les petits yeux des enfants se ferment mal­gré eux, et de temps à autre une petite tête roule sur le dos­sier du banc où elle s’im­mo­bi­lise, vain­cue par la cha­leur et le sommeil.

Allons, ce n’est pas encore aujourd’­hui que le caté­chisme entre­ra sérieu­se­ment dans les jeunes et rebelles mémoires. Que faire pour sou­te­nir l’at­ten­tion de ces fils de la brousse ? Ah ! une his­toire. Mais puisque c’est l’heure des choses sérieuses, ce sera une his­toire vraie… Ne sont-elles pas les meilleures ?

Et le Père de conter celle de la Créa­tion : Dieu appe­lant au bon­heur, avec Adam et Ève, tous les hommes… met­tant à ce don une seule condi­tion : que cha­cun se pré­oc­cupe du bon­heur des autres avant de se pré­oc­cu­per du sien propre.
Le mis­sion­naire a trou­vé, pour dépeindre ce grand bon­heur très pur du Para­dis ter­restre, des mots qui font image, des mots bien adap­tés à son jeune audi­toire qui peu à peu s’é­veille et s’intéresse…

« Ah ! ce Para­dis ter­restre, comme on devait y être bien. Oui. Seule­ment il y a eu le serpent. »

Le ser­pent.

A ce mot, Jébu qui dor­mait comme un bien­heu­reux a sur­sau­té. « Ejo », le ser­pent, c’est 

Auteur : Herbé | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Histoire missionnaire - Saint Françoic-Xavier baptisant des indigènes

La grande salle des fêtes du col­lège de N… tenu aux Indes par les Pères jésuites, était ce soir-là pleine à cra­quer. On y pas­sait un film pas­sion­nant et, si la salle elle-même se trou­vait plon­gée dans l’obs­cu­ri­té, il éma­nait assez de clar­té de l’é­cran pour qu’on puisse à la longue dis­cer­ner les visages, tous ten­dus vers le même point, et y lire le reflet des sen­ti­ments qui fai­saient battre le cœur des col­lé­giens. Il y avait là tous les élèves catho­liques du col­lège et eux seuls, car, dans ce pays mys­té­rieux aux castes farouches, les grandes familles hin­doues ne confiaient leurs enfants aux Pères qu’à la condi­tion expresse qu’il ne leur serait jamais par­lé de reli­gion… Et le film pro­je­té aujourd’­hui au col­lège met­tait magni­fi­que­ment en scène la Jésus-Christ.

Quand on fut arri­vé aux san­glants épi­sodes de la Pas­sion, le silence se fit plus grave encore dans la salle ; accro­ché à la colonne de la fla­gel­la­tion, le Christ, dépouillé de ses vête­ments et poings liés, se tor­dait de dou­leur sous les coups de fouet des bour­reaux, et cette atroce vision fas­ci­nait les jeunes gens, dont on eût dit que le souffle même s’arrêtait…
C’est alors qu’au fond de la salle, brus­que­ment, jaillit un éclat de rire qui fit sur­sau­ter tout le monde.

« Que se passe-t-il ? » inter­ro­gea rapi­de­ment à voix basse le Père André en se pen­chant vers l’un des sur­veillants, pla­cé à sa gauche.

« Je ne sais pas encore, Père, répon­dit celui-ci… Il me semble recon­naître là, près de la cabine du ciné­ma, le jeune Gopal qui paraît pris de fou-rire… Je vais voir…

- Non, lais­sez-moi faire… je vais m’oc­cu­per de Gopal. Il est dans ma classe. »

Un ins­tant plus tard, le Père André se pen­chait sur un jeune gar­çon de 11 à 12 ans qui s’ef­for­çait de maî­tri­ser un violent fou-rire.

« Gopal ! »

L’en­fant tressaillit :

« Père ?

- Que fais-tu ici ? Ce n’est pas ta place !

- C’est vrai, Père, recon­nut le petit que le ton du mis­sion­naire impres­sion­nait et rame­nait au calme, je ne suis pas de ta reli­gion ; mais j’ai vou­lu voir ce film dont mes cama­rades par­laient tant et je me suis glis­sé là tout à l’heure, sans être vu…

- Et tout cela pour te moquer d’eux, sans doute ? Pour­quoi ce rire ? »

L’en­fant leva vers le Père ses yeux noirs brillants et limpides :

« Mais, Père, est-il pos­sible qu’un homme juste puisse jamais être bat­tu comme cela ? Tu sais bien que c’est fou et c’est pour cela que j’ai ri…

- En tout cas, ton rire était bien mal pla­cé et, pour la pre­mière fois, je suis mécon­tent de toi… Viens avec moi hors de la salle. »

Conster­né de l’ef­fet pro­duit par son atti­tude et un peu penaud, Gopal sui­vit sans bruit le Père André qu’il rat­tra­pa dans la cour :

« Père, deman­da-t-il d’un ton hési­tant, es-tu tou­jours fâché contre moi ? »

Le Père André plon­gea son regard dans celui de l’en­fant hindou :

« Non, Gopal, parce que tu n’as pas com­pris la por­tée de ton atti­tude. Voyons, écoute-moi. Tu as un ami au collège ?

- Oui, Père, tu le connais bien, c’est Kittou.

Evangélisation des enfants - Flagellation par Michael Pacher

- Bien, sup­pose, Gopal, qu’un jour on soit en train de te battre ; que dirais-tu si ton ami Kit­tou se met­tait à rire devant ce spectacle ? »

Gopal fré­mit et se redres­sa avec fierté :

« Mais Père, il est impos­sible que je sois jamais bat­tu. Tu sais bien que je suis un Brahme, et per­sonne n’o­se­rait por­ter la main sur moi…

- J’ai dit, Gopal, sup­pose que cela se pro­duise. Eh bien ! sache donc que ce Jésus que tu voyais tout à l’heure bat­tu si dure­ment est mon Ami, à moi, mon plus cher et plus grand Ami, que j’aime beau­coup. A cause de cela, tu ne dois pas rire de ses souffrances…

- Alors, Père, je te demande , je ne savais pas qu’il était ton Ami… »

Le Père André fit quelques pas en silence, puis mur­mu­ra, comme se par­lant à lui-même :

« Et Lui aus­si pour­tant était un juste ; mais Il n’a pas recu­lé devant la souf­france et le déshonneur…

- Père, inter­ro­gea timi­de­ment Gopal, pour­quoi donc ne m’as-tu jamais par­lé de Lui ?