Le Seigneur les chassa du Paradis et mit à l’entrée des Chérubins armés d’une épée de feu, pour les empêcher d’aller à l’arbre de vie.
Étiquette : <span>Péché originel</span>
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II
Colette est seule. Quelle chance ! Bruno l’aborde en grand mystère. Il souffle tout bas :
— Je crois que je connais toute l’histoire d’Adam et d’Ève ; mais je voudrais la savoir mieux, pour faire fâcher Nicole. C’est drôle, tu sais, de la mettre en colère ; si je la fais taper du pied, c’est encore plus drôle ! Alors, je viens pour savoir tout, avant elle, Tate.
— Méchant taquin ! Sais-tu que ce n’est pas gentil du tout ? Que dirais-tu si Nicole te faisait enrager aussi ?
— Oh ! fait Bruno avec une moue placide, j’enrage jamais, moi. Quand Nicole m’ennuie, je m’en vais, et alors elle reste toute seule avec son enragement.
— Mais, pour ma part, je n’ai aucune envie de faire de la peine à Nicole, qui ne le mérite pas, et si tu ne vas pas la chercher, je ne raconterai rien du tout.
Bruno regarde Colette. C’est clair, Tate ne cédera pas ; alors silencieusement, comme un vieux monsieur qui sait ce qu’il a à faire, Bruno, à pas comptés, va chercher sa sœur.
Elle arrive d’un pied sur l’autre, se jette au cou de Colette, comme si elle ne l’avait pas vue depuis huit jours, et chantonne :
— Tu es une Tate chérie, qui raconte les plus belles histoires du monde ! On s’est arrêté au paradis terrestre, quand le Bon Dieu avait créé Adam et Ève, alors, après, dis vite, vite ! Qu’est-ce qui est arrivé ?
— Attends un peu. Laissons Adam et Ève dans ce Paradis terrestre, où nous les retrouverons tout à l’heure… Te souviens-tu, Nicole, qu’avant de créer les hommes sur la terre, Dieu avait créé les anges. Dieu leur donna-t-il un corps comme à Adam ?
— Non, non, non, riposte tout d’un trait la petite fille, qui a peur du savoir de Bruno. Ils n’ont pas de corps, ce sont de purs esprits.
— Très bien ! Maintenant, dites-moi, tous les anges sont-ils restés fidèle au Bon Dieu ?
Cette fois Bruno met son pouce dans sa bouche, comme quand il était bébé. C’est le signe certain d’une complète ignorance.
Nicole, au contraire, a pris un petit air suffisant :
— Lucifer, le plus beau des anges, a été un grand orgueilleux, Tate. Il a refusé d’obéir au Bon Dieu et beaucoup d’autres anges sont devenus mauvais comme lui et l’ont suivi dans sa révolte.
— Tu sais leur terrible punition ?
— Oui. Le Bon Dieu les a pour toujours précipités dans l’enfer.
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Chapitre VI
Toute la maison sut bientôt quelles étaient ces idées merveilleuses, splendides, car Colette, les cheveux au vent, expliquait à haute et intelligible voix :
— Je parie que tu n’as pensé à rien, Bernard, ni les autres non plus : que vous avez cru qu’on allait baptiser Nono, comme sa petite sœur, in extremis, comme dit maman…
— Qu’est-ce qui te prend ? riposte Bernard légèrement ahuri… mais jamais de la vie ! Nono recevra le baptême à l’église, en grande pompe.
— Et vous savez tous, bien entendu, continue Colette de son petit air moqueur, ce que signifient toutes les cérémonies dont M. le curé accompagnera le baptême ?…
Silence gêné.
Mais Bernard se ressaisit vite.
— Et toi, tu es au courant, sans doute ?
— Pas du tout, seulement je l’avoue, voilà, et je voulais vous le faire avouer, ce qui n’est pas si facile ! Alors, si vous n’êtes pas plus au courant que moi, soyons sérieux.
Tu seras parrain, Bernard, et moi marraine. Il s’agit de comprendre pour de bon ce que nous allons faire. Je propose une répétition générale à l’église, sous les ordres de M. le curé.
— Après tout, petite peste, tu n’as pas tout à fait tort, mais alors, préviens ma tante, prenons nos sabots, et en route.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Les garçons filent comme des flèches, car la route est couverte de verglas. Ils glissent, adroits et souples, sur le sol gelé.
Annie et Colette, plus calmes, se tiennent par le bras, esquissent quelques courtes glissades et, finalement, règlent leur allure pour ne pas tomber.
C’est à la porte même de l’église qu’on trouve M. le curé, très occupé des préparatifs de la crèche.
— Oh ! que vous tombez bien, mes enfants ! Vous allez piquer mes sapins, construire la grotte en papier rocher, etc…, etc. Que veniez-vous faire ?
— Apprendre comment on baptise, monsieur le curé.
— En voilà une idée ! C’est toi, Bernard, qui as ces velléités de séminariste ?
— Non, monsieur le curé, c’est moi.
— Toi !… Colette ?…
— Oui, oui, oui, ponctue Colette, et je vais vous expliquer pourquoi, monsieur le curé, et vous direz : Elle a raison, cette petite !
— Pas possible ? Voyons un peu ces explications.
Il faut croire qu’elles sont convaincantes, car le vieux prêtre accorde tout ce qu’on veut et pénètre avec la jeunesse sous le porche de l’église.
Après une courte et fervente adoration, M. le curé appelle Pierrot.
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C’était à Bethléem à la pointe du jour. L’étoile venait de disparaître, le dernier pèlerin avait quitté l’étable, la Vierge avait bordé la paille, l’Enfant allait dormir enfin. Mais dort-on la nuit de Noël ?…
Doucement la porte s’ouvrit, poussée, eût-on dit, par un souffle plus que par une main, et une femme parut sur le seuil, couverte de haillons, si vieille et si ridée que, dans son visage couleur de terre, sa bouche semblait n’être qu’une ride de plus.
En la voyant, Marie prit peur,
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Cinquante-quatre degrés à l’ombre ! Une vraie fournaise.
Pourtant le Père continue la leçon. Quel mal, pour faire entrer quelque chose dans ces petites caboches toujours si dures et qui, ce soir, sont dodelinantes sur les maigres épaules qui les portent.
Le missionnaire module sa voix savamment : de grands éclats succèdent à des paroles à peine murmurées… Il marche, gesticule, s’arrête, repart.
En vain. Les petits yeux des enfants se ferment malgré eux, et de temps à autre une petite tête roule sur le dossier du banc où elle s’immobilise, vaincue par la chaleur et le sommeil.
Allons, ce n’est pas encore aujourd’hui que le catéchisme entrera sérieusement dans les jeunes et rebelles mémoires. Que faire pour soutenir l’attention de ces fils de la brousse ? Ah ! une histoire. Mais puisque c’est l’heure des choses sérieuses, ce sera une histoire vraie… Ne sont-elles pas les meilleures ?
Et le Père de conter celle de la Création : Dieu appelant au bonheur, avec Adam et Ève, tous les hommes… mettant à ce don une seule condition : que chacun se préoccupe du bonheur des autres avant de se préoccuper du sien propre.
Le missionnaire a trouvé, pour dépeindre ce grand bonheur très pur du Paradis terrestre, des mots qui font image, des mots bien adaptés à son jeune auditoire qui peu à peu s’éveille et s’intéresse…
« Ah ! ce Paradis terrestre, comme on devait y être bien. Oui. Seulement il y a eu le serpent. »
Le serpent.
A ce mot, Jébu qui dormait comme un bienheureux a sursauté. « Ejo », le serpent, c’est