Chapitre VI
Toute la maison sut bientôt quelles étaient ces idées merveilleuses, splendides, car Colette, les cheveux au vent, expliquait à haute et intelligible voix :
— Je parie que tu n’as pensé à rien, Bernard, ni les autres non plus : que vous avez cru qu’on allait baptiser Nono, comme sa petite sœur, in extremis, comme dit maman…
— Qu’est-ce qui te prend ? riposte Bernard légèrement ahuri… mais jamais de la vie ! Nono recevra le baptême à l’église, en grande pompe.
— Et vous savez tous, bien entendu, continue Colette de son petit air moqueur, ce que signifient toutes les cérémonies dont M. le curé accompagnera le baptême ?…
Silence gêné.
Mais Bernard se ressaisit vite.
— Et toi, tu es au courant, sans doute ?
— Pas du tout, seulement je l’avoue, voilà, et je voulais vous le faire avouer, ce qui n’est pas si facile ! Alors, si vous n’êtes pas plus au courant que moi, soyons sérieux.
Tu seras parrain, Bernard, et moi marraine. Il s’agit de comprendre pour de bon ce que nous allons faire. Je propose une répétition générale à l’église, sous les ordres de M. le curé.
— Après tout, petite peste, tu n’as pas tout à fait tort, mais alors, préviens ma tante, prenons nos sabots, et en route.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Les garçons filent comme des flèches, car la route est couverte de verglas. Ils glissent, adroits et souples, sur le sol gelé.
Annie et Colette, plus calmes, se tiennent par le bras, esquissent quelques courtes glissades et, finalement, règlent leur allure pour ne pas tomber.
C’est à la porte même de l’église qu’on trouve M. le curé, très occupé des préparatifs de la crèche.
— Oh ! que vous tombez bien, mes enfants ! Vous allez piquer mes sapins, construire la grotte en papier rocher, etc…, etc. Que veniez-vous faire ?
— Apprendre comment on baptise, monsieur le curé.
— En voilà une idée ! C’est toi, Bernard, qui as ces velléités de séminariste ?
— Non, monsieur le curé, c’est moi.
— Toi !… Colette ?…
— Oui, oui, oui, ponctue Colette, et je vais vous expliquer pourquoi, monsieur le curé, et vous direz : Elle a raison, cette petite !
— Pas possible ? Voyons un peu ces explications.
Il faut croire qu’elles sont convaincantes, car le vieux prêtre accorde tout ce qu’on veut et pénètre avec la jeunesse sous le porche de l’église.
Après une courte et fervente adoration, M. le curé appelle Pierrot.