Étiquette : <span>Vie de Notre Seigneur</span>

| Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 13 minutes

La Belle histoire de Jésus - jeune fille

Elle avait qua­torze ans, elle était brune, très brune avec de longs che­veux ; elle vivait très heu­reuse chez elle, entre son papa et sa maman, dans une petite ville toute blanche, plan­tée au bord d’un grand lac trans­pa­rent sous un ciel très bleu.

Cela se pas­sait il y a très, très long­temps, dans un pays d’Orient.

Les bour­geons com­men­çaient à écla­ter un peu par­tout et, de mai­son en mai­son, on s’ai­dait, on s’ac­ti­vait pour pré­pa­rer le grand voyage que fai­saient chaque année tous les habi­tants du pays vers la Grande Ville… Depuis deux ans déjà, la petite fille était de la partie.

***

Enfin, le départ arrive. Ce matin-là, tous les enfants sont dans la rue : les aînés, leur balu­chon sous le bras, courent par­tout. Les papas rem­plissent les sacs de pro­vi­sions, les mamans confient une fois encore les petits, qui sont accro­chés à leurs jupes, aux grand-mères et aux grands-pères trop âgés pour faire la route…

Toute la jour­née, on marche sous le soleil. À midi, on s’est seule­ment arrê­té deux heures pour « cas­ser la croûte » à l’ombre de grands pal­miers, sous les­quels on a dor­mi pour reprendre des forces. Puis la cara­vane s’est remise à marcher…

Le soir tombe. Dans un endroit très calme, on a déci­dé de pas­ser la nuit. Les enfants, fati­gués, se serrent contre leurs parents. Tout le monde s’as­sied ; on déballe les pro­vi­sions, on par­tage, on échange. Puis les hommes allument de grands feux, et, autour de la flamme, on écoute le récit de belles his­toires que le plus âgés des hommes, un vieillard à barbe blanche, raconte longuement.

***

récit sur la Passion du Christ - vue de Jérusalem

Au soir de sa troi­sième jour­née de voyage, la petite fille s’ar­rête brus­que­ment au détour du che­min et désigne l’ho­ri­zon : la grande ville, toute blanche, se détache sur le ciel rouge du soleil couchant…

Et c’est là que la nuit se passe… Au petit matin, la cara­vane se remet en route au rythme des tra­di­tion­nels chants de marche.

Tout à coup, un arrêt : au loin, à la porte de la ville, on entend crier… C’est un bruit de foule, comme une mani­fes­ta­tion. À mesure qu’on approche, on dis­tingue en effet toute une masse de gens bran­dis­sant de grandes branches de pal­miers, et hur­lant : « Vivat ! » Cela aug­mente de plus en plus, et la petite fille, se fau­fi­lant à tra­vers les hommes et les femmes qui encombrent la route, arrive à voir, assis sur un petit âne gris, un homme… Douze de ses amis l’en­tourent, essayant de faire la police, d’empêcher la foule en délire de l’étouffer…

Auteur : Herbé | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Histoire missionnaire - Saint Françoic-Xavier baptisant des indigènes

La grande salle des fêtes du col­lège de N… tenu aux Indes par les Pères jésuites, était ce soir-là pleine à cra­quer. On y pas­sait un film pas­sion­nant et, si la salle elle-même se trou­vait plon­gée dans l’obs­cu­ri­té, il éma­nait assez de clar­té de l’é­cran pour qu’on puisse à la longue dis­cer­ner les visages, tous ten­dus vers le même point, et y lire le reflet des sen­ti­ments qui fai­saient battre le cœur des col­lé­giens. Il y avait là tous les élèves catho­liques du col­lège et eux seuls, car, dans ce pays mys­té­rieux aux castes farouches, les grandes familles hin­doues ne confiaient leurs enfants aux Pères qu’à la condi­tion expresse qu’il ne leur serait jamais par­lé de reli­gion… Et le film pro­je­té aujourd’­hui au col­lège met­tait magni­fi­que­ment en scène la Jésus-Christ.

Quand on fut arri­vé aux san­glants épi­sodes de la , le silence se fit plus grave encore dans la salle ; accro­ché à la colonne de la fla­gel­la­tion, le Christ, dépouillé de ses vête­ments et poings liés, se tor­dait de dou­leur sous les coups de fouet des bour­reaux, et cette atroce vision fas­ci­nait les jeunes gens, dont on eût dit que le souffle même s’arrêtait…
C’est alors qu’au fond de la salle, brus­que­ment, jaillit un éclat de rire qui fit sur­sau­ter tout le monde.

« Que se passe-t-il ? » inter­ro­gea rapi­de­ment à voix basse le Père André en se pen­chant vers l’un des sur­veillants, pla­cé à sa gauche.

« Je ne sais pas encore, Père, répon­dit celui-ci… Il me semble recon­naître là, près de la cabine du ciné­ma, le jeune Gopal qui paraît pris de fou-rire… Je vais voir…

- Non, lais­sez-moi faire… je vais m’oc­cu­per de Gopal. Il est dans ma classe. »

Un ins­tant plus tard, le Père André se pen­chait sur un jeune gar­çon de 11 à 12 ans qui s’ef­for­çait de maî­tri­ser un violent fou-rire.

« Gopal ! »

L’en­fant tressaillit :

« Père ?

- Que fais-tu ici ? Ce n’est pas ta place !

- C’est vrai, Père, recon­nut le petit que le ton du mis­sion­naire impres­sion­nait et rame­nait au calme, je ne suis pas de ta reli­gion ; mais j’ai vou­lu voir ce film dont mes cama­rades par­laient tant et je me suis glis­sé là tout à l’heure, sans être vu…

- Et tout cela pour te moquer d’eux, sans doute ? Pour­quoi ce rire ? »

L’en­fant leva vers le Père ses yeux noirs brillants et limpides :

« Mais, Père, est-il pos­sible qu’un homme juste puisse jamais être bat­tu comme cela ? Tu sais bien que c’est fou et c’est pour cela que j’ai ri…

- En tout cas, ton rire était bien mal pla­cé et, pour la pre­mière fois, je suis mécon­tent de toi… Viens avec moi hors de la salle. »

Conster­né de l’ef­fet pro­duit par son atti­tude et un peu penaud, Gopal sui­vit sans bruit le Père André qu’il rat­tra­pa dans la cour :

« Père, deman­da-t-il d’un ton hési­tant, es-tu tou­jours fâché contre moi ? »

Le Père André plon­gea son regard dans celui de l’en­fant hindou :

« Non, Gopal, parce que tu n’as pas com­pris la por­tée de ton atti­tude. Voyons, écoute-moi. Tu as un ami au collège ?

- Oui, Père, tu le connais bien, c’est Kittou.

Evangélisation des enfants - Flagellation par Michael Pacher

- Bien, sup­pose, Gopal, qu’un jour on soit en train de te battre ; que dirais-tu si ton ami Kit­tou se met­tait à rire devant ce spectacle ? »

Gopal fré­mit et se redres­sa avec fierté :

« Mais Père, il est impos­sible que je sois jamais bat­tu. Tu sais bien que je suis un Brahme, et per­sonne n’o­se­rait por­ter la main sur moi…

- J’ai dit, Gopal, sup­pose que cela se pro­duise. Eh bien ! sache donc que ce Jésus que tu voyais tout à l’heure bat­tu si dure­ment est mon Ami, à moi, mon plus cher et plus grand Ami, que j’aime beau­coup. A cause de cela, tu ne dois pas rire de ses souffrances…

- Alors, Père, je te demande par­don, je ne savais pas qu’il était ton Ami… »

Le Père André fit quelques pas en silence, puis mur­mu­ra, comme se par­lant à lui-même :

« Et Lui aus­si pour­tant était un juste ; mais Il n’a pas recu­lé devant la souf­france et le déshonneur…

- Père, inter­ro­gea timi­de­ment Gopal, pour­quoi donc ne m’as-tu jamais par­lé de Lui ?