Parmi les fêtes chrétiennes, Noël avait toutes les préférences de saint François [d’Assise] (il n’est pas le seul) ! Ce jour, qui nous a donné le Sauveur, ne pouvait à ses yeux apporter assez de joie aux créatures, même à leur corps, ce « Frère Âne » qu’il traitait si mal d’ordinaire. Une année que Noël tombait un vendredi, les frères délibéraient pour savoir si l’on ferait maigre ce jour-là. François proteste : « Ne parlez pas de vendredi ni de maigre [1] un jour pareil, le jour où l’Enfant-Dieu est né. Je voudrais qu’en ce jour les murs mêmes puissent manger de la viande, ou du moins qu’on les frotte de graisse puisqu’ils ne peuvent manger ».
Il demandait aux riches de régaler les pauvres en l’honneur de la fête et de donner aux bœufs et aux ânes, compagnons de Jésus dans l’étable, double ration d’avoine et de foin. — « Si je connaissais l’Empereur, disait-il encore, je le supplierais de faire une loi ordonnant de semer du grain sur les routes pour le régal des petits oiseaux, et surtout de nos sœurs les Alouettes. » Ces alouettes, qui montent si haut dans le ciel en chantant, devaient lui rappeler les anges de Bethléem.
Bref, notre saint aimait tant Noël que, trois ans avant sa mort, lui vint à ce sujet une belle idée. Il fait appeler Messire Jean, noble riche, instruit et chrétien plus fervent encore. — « Rends-toi à Greccio si tu le veux bien, lui dit-il ; nous y célébrerons la prochaine fête du Seigneur. Pars dès maintenant et occupe-toi des préparatifs que je vais t’indiquer… »
Ici, nous ne trahirons pas le secret que, longuement, François confie à l’oreille de Jean. Celui-ci accepte aussitôt et se met en route.
La grande Nuit arrive. On a convoqué les Frères de plusieurs couvents des environs et le peuple se presse, nombreux, avec des torches et des cierges. Tous sont fort intrigués : il y aura une surprise, paraît-il. Le lieu, déjà, étonne. Une messe de minuit en plein bois, dans une grotte, une cabane ? Un frère rassure les scrupuleux : la permission de dresser cet « autel portatif » — comme nous dirions — a été obtenue de Rome. Elle était alors très rarement donnée, mais le Pape vénérait beaucoup Frère François.
- [1] Faire maigre est se priver de viande, par pénitence, le vendredi et certains jours de l’Avent et du Cueille ou les veilles de grandes fêtes. L’Église a adouci ce commandement, mais beaucoup de fidèles continuent à l’observer ; c’est tout de même une bien petite privation !↩