Et maintenant une histoire ! Posts

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 9 minutes

VI

UNE heure pas­sa ain­si, puis une autre. Jeanne s’ap­pli­quait aujourd’­hui à faire toute chose avec plus de soin que d’habitude.

Ne dési­rait-elle pas offrir son zèle en pour l’in­con­nu « perdu » ? 

Appor­ter son petit tri­but aux Saints, c’é­tait la meilleure pré­pa­ra­tion pour la fête du lendemain. 

Et il y avait tant à faire dans la mai­son et au jardin. 

Au jar­din, il fal­lait bien s’oc­cu­per un peu de ses frères. Ils étaient en train de construire dans le sable une grande forteresse.

— Qui sera sei­gneur de la for­te­resse ? Et Jeanne, qui sera-t-elle ? 

Pen­chés tous trois au-des­sus de leur châ­teau fort minus­cule, ils avaient l’air de géants. 

Jeanne prit le rôle de la bergère. 

— Quel est le Dau­phin ? Fran­çois ou Bernard ? 

Ce n’é­tait pas une simple bergère. 

Un mor­ceau de car­ton rem­pla­ça le bou­clier. La voi­là prête au com­bat, prête à don­ner sa vie. 

Que le Dau­phin espère. Elle chas­se­ra l’en­ne­mi hors des frontières. 

— Je me confie à Dieu, dit Jeanne en se dres­sant devant Bernard. 

— C’est bien, ma Pâque­rette du Para­dis, dit le Dau­phin en lui remet­tant l’étendard… 

Papa, à son retour de l’hô­pi­tal trou­va ses enfants en plein jeu. 

Il s’ar­rê­ta un ins­tant et les embras­sa d’un tendre regard.

VII

IL ne pou­vait pas encore être ques­tion de pré­pa­rer le repas à la maison. 

C’é­tait midi. 

On déci­da d’al­ler au restaurant. 

Papa ouvrit son journal. 

— Va cher­cher , dit papa à Jeanne en posant une main cares­sante sur sa tête. 

Jeanne se pres­sa pour mon­ter l’escalier. 

Au pre­mier on ne per­ce­vait aucun bruit. Les chambres atten­daient déjà toutes prêtes. Par la fenêtre don­nant sur l’es­ca­lier on voyait un car­ré de ciel. Le jour était doux comme un jour d’adieu.

Jeanne mon­ta au second étage et, péné­trant dans la pre­mière pièce, elle trou­va sa mère.

C’é­tait une petite chambre car­rée, toute blanche, amé­na­gée en chapelle.

Jeanne trouve maman en prière

Sur un tapis bleu il y avait contre le mur une table un peu sur­éle­vée et cou­verte d’une nappe bro­dée. Au-des­sus se trou­vait une croix d’i­voire, que Jeanne connais­sait depuis tou­jours. Au-des­sous deux vases étaient gar­nis de fleurs. 

Maman se tenait à genoux devant le cru­ci­fix, le visage plon­gé dans les mains. 

Jeanne regret­ta que papa ne fût pas là avec elles. 

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Première Partie

I

DU bal­con du deuxième étage les enfants regar­daient dans la rue. 

Le mou­ve­ment y régnait déjà mal­gré l’heure matinale. 

Les enfants fixaient avi­de­ment le grand camion arrê­té devant la maison. 

C’é­tait un camion de démé­na­ge­ment avec une porte à l’arrière. 

Des hommes en blouse bleue débou­chaient sans cesse de la porte cochère avec des meubles qu’ils trans­por­taient, à deux ou à quatre, sur leurs épaules, pour les pla­cer dans le camion.

Ain­si dis­pa­rais­sait tout ce que les enfants connais­saient si bien. 

Jus­qu’i­ci ils avaient tou­jours vu les meubles comme sou­dés à leur place. 

Il n’en était plus ainsi. 

Le buf­fet, déta­ché du mur, était trans­por­té comme un bles­sé ou un mort. 

Le pia­no à queue qui le sui­vait était enfon­cé avec effort dans les pro­fon­deurs du camion. 

Les chaises avaient des ailes. 

Chaque objet enfin chan­geait aujourd’­hui d’as­pect, à la lumière du jour, dans la rue. 

N’é­taient-ils pas des­ti­nés à un éclai­rage estom­pé, der­rière les rideaux ? 

Ils parais­saient main­te­nant désem­pa­rés, livrés au jeu du destin… 

Au bal­con l’aî­né des gar­çons, Ber­nard, trou­vait que la place de Fran­çois était la meilleure, tan­dis que celui-ci sou­te­nait le contraire. 

En bas, dans la rue, se pour­sui­vait le démé­na­ge­ment de leur mai­son, de la mai­son qui les avait vus naître et grandir.

Les enfants suivent le déménagement de leur maison

C’é­tait un jour enso­leillé et doux, vigile de la .

— Les choses s’ar­rangent ain­si, — disait la veille, alors que les meubles étaient encore à leurs places, sur les par­quets dépouillés des tapis, que les fenêtres étaient déjà sans rideaux et que les murs s’é­ta­laient tris­te­ment avec des taches claires à l’emplacement des tableaux, — le démé­na­ge­ment tombe jus­te­ment pen­dant la vigile de la Tous­saint ; confions donc notre nou­velle demeure à l’in­ter­ces­sion de tous les Saints. 

Le démé­na­ge­ment avait l’air d’un voyage ; on ne chan­geait cepen­dant pas de quartier. 

Jeanne, à qui maman avait mon­tré déjà la nou­velle habi­ta­tion, était obli­gée d’en refaire à plu­sieurs reprises la des­crip­tion. Les gar­çons la tour­men­taient de leurs questions. 

— Toute la mai­son sera donc à nous ! s’é­criaient-ils avec joie. 

Et puis de nouveau :

— Com­ment est-ce ? Com­ment est-ce ? dis, Jeanne ! 

— De la rue, — répon­dait-elle, — la mai­son res­semble à toutes les autres, mais, en entrant par la porte cochère, dans la cour, on aper­çoit tout au fond à l’é­cart, un peu sur la droite, notre vil­la avec ses deux étages et un petit jar­din qui l’entoure. 

La cadette, très calme, demanda : 

— Y a‑t-il des pommes de terre dans l’enclos ? 

Rien n’é­tait capable de chan­ger son humeur impas­sible et son bon appétit. 

Elle regar­dait de son air tran­quille char­ger les meubles, fer­mer le camion et démar­rer le lourd véhi­cule tiré par quatre chevaux.

II

APRÈS le départ du camion, les enfants se mirent à cou­rir à tra­vers les pièces vides et pleines d’échos. 

Maman avait les yeux rougis. 

Auteur : Vaultier, Roger | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 9 minutes

epuis des siècles, les culti­va­teurs des dif­fé­rentes pro­vinces de France invoquent un cer­tain nombre de bien­heu­reux, aux spé­cia­li­tés bien défi­nies, pour la pro­tec­tion et la pros­pé­ri­té de leur , de leur basse-cour et de leurs domes­tiques. Ces dévo­tions assez par­ti­cu­lières, mais fort tou­chantes, donnent lieu à des cou­tumes pit­to­resques, dont nous dési­rons aujourd’­hui pré­sen­ter quelques exemples à nos lecteurs.

Dans le Nord de la France, à Dom­pierre, le pèle­ri­nage de est en renom depuis des siècles. Le jour de l’As­cen­sion, vers 1890, envi­ron six mille per­sonnes se ren­daient dans cette petite loca­li­té, située non loin d’A­vesnes. Dès l’aube, une foule de fer­miers obs­truaient les rues du vil­lage. Cha­cun était por­teur d’une baguette de cou­drier dont l’é­corce avait été décou­pée en spi­rale avec le plus grand soin. Ils fai­saient trois fois le tour de l’é­glise en l’hon­neur, disait-on, de la sainte Tri­ni­té — en réa­li­té, pour suivre une tra­di­tion nul­le­ment chré­tienne. Puis, après avoir tra­ver­sé le haut de la grande nef, ils tou­chaient de leur brin de bois toute la super­fi­cie de la sta­tue du bon saint Etton, de la plante des pieds au som­met de la tête, et conti­nuaient leur marche. Le troi­sième périple ache­vé, ils se fai­saient ins­crire à la confré­rie, se fai­saient dire l’é­van­gile du jour et allaient, d’un pas allègre, trem­per leur brin­dille dans l’eau mira­cu­leuse de la fon­taine voi­sine. Au retour de leur pieux voyage, leur pre­mier soin était de se rendre dans leurs étables et de pro­me­ner sur le dos de leurs bêtes la baguette bénite afin d’ob­te­nir qu’elles fussent pré­ser­vées des acci­dents et des maladies.

Les pay­sans visi­taient aus­si le sanc­tuaire de Bien­vil­lers-au-Bois où ce saint, peu connu dans l’his­toire, était éga­le­ment prié ; ils chan­taient un long can­tique dont voi­ci un extrait :

Vaches, che­vaux et bre­bis,
Par­tout ce saint est notre appui,
De loin comme de près,
Il peut par­tout nous pré­ser­ver …

Saint Etton protecteur du bétail

Un autre pas­sage de ce pieux poème nous dévoile les buts de ce pèlerinage :

À Bien­vil­lers-au-Bois,
Vil­lage du quar­tier d’Ar­ras,
Là où est saint Etton,
Pro­tec­teur de tous ces can­tons,
Un nombre de gens vont infi­ni­ment (sic)
En dévo­tion ser­vir saint Etton,
Offrant leur cœur à Dieu,
Au nom de ce saint glo­rieux,
D’a­pai­ser les fléaux
Qui règnent sur les animaux …

| Ouvrage : Les Veillées des Chaumières .

Temps de lec­ture : 19 minutes

Midi… l’heure de la soupe, la trêve d’un ins­tant, dans le labeur de la jour­née chaude… 

Quit­tant la selle et le bat­toir, le bord de la rivière où, dans l’eau cou­rante, se mirent les libel­lules coquettes ; où, sur les rameux qui ondoient à la brise, se balancent les calo­somes aux élytres rouges et mor­do­rées ; où dans les cou­lées du soleil, sous les aulnes, se pour­chassent les éphé­mères, usant en des cycles ver­ti­gi­neux leur fra­gile exis­tence d’un jour, les lavan­dières de Jos­se­lin se sont assises à l’ombre pour prendre leur repas. 

Au bruit des voix se mêlent le cli­que­tis des cuillères d’é­tain heur­tant les écuelles de grès : cha­cune des femmes a, près d’elle, son panier de pro­vi­sions, appor­té soit par quelque fillette aux che­veux ébou­rif­fée sous la coiffe, soit par quelque petit gars jouf­flu, les­quels en atten­dant que la mère, la sœur, l’aïeule ait fini de man­ger, baignent leurs pieds nus dans la tié­deur de l’eau, ou s’é­battent par­mi les joncs et les saules de la rive. 

Quelques piqueurs de Rohan, leurs chiens cou­plés en laisse à leur poi­gnet, sont debout près du groupe des lavan­dières et jasent avec elles. 

Les jeunes, avec des sou­rires de malice et de coquet­te­rie, baissent les yeux et montrent toutes leurs dents en cro­quant les cerises de leur dessert. 

Les vieilles, sans perdre une bou­chée de leur dîner, médisent ou calom­nient, sour­noises, malignes, cou­lant en des­sous des regards de dépit vers celles dont les joues fraîches, l’œil brillant, le naïf éta­lage de vani­té satis­faite, semblent la conti­nuelle moque­rie de leur décrépitude. 

Et de ces riva­li­tés fémi­nines, de ces com­bats sans mer­ci à coups d’é­pingles, les gens de Rohan, que cela diver­tit énor­mé­ment, rient à gorge déployée. 

— Cette Jean­nie !… grom­me­lait aigre­ment une mégère au teint de brique, brû­lé moins encore par le tuile et le soleil que par le feu inté­rieur d’i­vresses à peu près habi­tuelles ; vous ver­rez que le bal la tue­ra. Si c’est une vie cela !… Hier, qui était dimanche, — un jour saint ! — elle a dan­sé jus­qu’a­près minuit comme une per­due… Aus­si, en lavant son linge, il n’y a qu’un ins­tant, dor­mait-elle tout debout. 

— À la voir si réveillée, on ne le dirait pas, Mathie Pen­ker ; et com­ment croire qu’elle se tue à dan­ser quand la voi­là aus­si fraîche que ses bigar­reaux ? — répli­qua Taquin, un piqueur qui pre­nait plai­sir à exci­ter la maligne colère de la vieille Mathie. 

Celle-ci lui jeta un coup d’œil furibond.

— Je ne l’at­taque pas pour cela, le grand Louis, fit-elle en haus­sant les épaules. Il n’y a pas besoin de mettre tant d’ar­deur à la défendre. 

À l’autre extré­mi­té du groupe deux mères, dont cha­cune avait pris fait et cause pour sa pro­gé­ni­ture dans une bagarre d’en­fants, se dis­pu­taient, s’in­vec­ti­vant à qui mieux mieux et mena­çant de pas­ser bien­tôt des gros­siers pro­pos aux horions. 

Jeune fille aux cerises

Au centre on débla­té­rait contre l’or­gueil des châ­te­lains ; la coquette Jean­nie criait bien haut que ce n’é­tait pas juste qu’elle n’eût que des cotillons de futaine, quand les demoi­selles nobles éta­laient robes de velours et de bro­cart comme des saintes Vierges, et assu­rait qu’elle por­te­rait aus­si bien qu’elles jupes à traîne, cor­sets de satin et escof­fions perlés… 

Tout à coup une voix d’une dou­ceur étrange dont le timbre clair domi­na le tumulte des aigres paroles, des inter­pel­la­tions et des rires, fit brus­que­ment retour­ner toutes les têtes. 

— Jolie fille vou­driez-vous, par , don­ner quelques-unes de vos cerises à mon enfant pour apai­ser sa soif ?… 

Une jeune femme, très pâle, très belle quoique vêtue misé­ra­ble­ment, por­tant sur son bras un blond ché­ru­bin, aus­si pale et aus­si beau qu’elle même, arrê­tée devant Jean­nie l’é­cer­ve­lée, lui ten­dait sa main blanche et fine comme celle d’une reine. 

— Il ne manque pas, dans le pays, de cerises à vendre, répon­dit la vani­teuse lavan­dière, allez-en ache­ter, ma mie… 

— Je n’ai pas d’argent… 

— Alors, pui­sez l’eau de la rivière où vont boire les chiens errants aus­si gueux que vous ! 

| Ouvrage : La Lettre de la Péraudière .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Pen­dant douze ans, de 1956 à 1968, au cours de nom­breux séjours à San Gio­va­ni Roton­do, nous avons eu l’a­van­tage de beau­coup appro­cher le et de par­ler avec des per­sonnes qui avaient été l’ob­jet de ses bien­faits. On ne pour­ra jamais, sans doute, tel­le­ment ils sont nom­breux, les racon­ter tous. Des livres ont déjà été écrits sur le P. Pio. Voi­ci quelques traits authen­tiques qui ne sont pas dans les livres. Ils nous ont été racon­tés par les inté­res­sés eux-mêmes. 

Les parfums du Padre Pio 

Mon­sieur D.N. de Bol­za­no pre­nait ses vacances à Rimi­ni, sur les rives de l’A­dria­tique. Sa femme, dési­reuse de le rame­ner à la pra­tique reli­gieuse, lui avait don­né à lire le livre de Maria Winos­ka Le vrai visage du Padre Pio, paru en fran­çais chez Fayard et tra­duit en ita­lien. Se pro­me­nant sur la plage, M. D.N. lisait l’ex­cellent petit livre. Sou­dain, il arrive au cha­pitre consa­cré aux par­fums du P. Pio. De nom­breuses per­sonnes affir­maient avoir sen­ti ces par­fums inex­pli­cables et déli­cieux, d’une façon inat­ten­due, soit à San Gio­van­ni Roton­do, soit ailleurs dans le monde : atten­tion sur­pre­nante du P. Pio à leur endroit. Mon­sieur D.N. par­cou­rut tous les témoi­gnages et conclut : « C’est tout de même mal­heu­reux, en plein XXe siècle, de lire de pareilles sot­tises. » Sans bar­gui­gner, il jette le livre à la mer.

Sa femme, cepen­dant, insis­ta pour qu’il la condui­sît à San Gio­va­ni Roton­do. Il finit par céder et fit en voi­ture plus de quatre cents kilomètres. 

Le vrai visage du padre Pio - Maria Winowska

À son arri­vée, seul un frère capu­cin se trou­vait devant l’é­glise. Il sai­sit le voya­geur au débar­qué : « Vou­lez-vous faire bénir votre voi­ture par le P. Pie ? Vous pas­se­rez par la porte du jar­din. » Mon­sieur D.N. accep­ta et ren­dez-vous fut pris. 

À l’heure dite, le P. Pio vint en effet, bénir la voi­ture. Mais il ne dit pas un seul mot à son chauf­feur qui s’é­ton­na fort, auprès du frère. « Si vous vou­lez par­ler au P. Pio vous n’a­vez qu’à vous confes­ser à lui. » Mon­sieur D.N. médi­ta quelque temps l’as­tu­cieuse réponse. Il finit par se déci­der et prit son tour au confes­sion­nal. Le moment venu, il s’a­ge­nouilla devant le P. Pio et fit sa . Celui-ci lui dit « Je te don­ne­rai l’ab­so­lu­tion dans trois mois, si tu reviens ! » Mon­sieur D. N. explo­sa ! mais je viens de faire plus de quatre cents kilo­mètres et ma femme m’at­tend dans l’é­glise pour com­mu­nier avec moi ! » Le Padre Pio main­tint sa déci­sion. Le ton mon­ta de part et d’autre. Fina­le­ment M. D.N. se leva et partit. 

Au comble de la fureur, il ramène sa femme à l’hô­tel, se plaint véhé­men­te­ment de l’af­front qui lui a été fait. Et la pauvre femme effon­drée se disait : « Hélas, que j’ai pei­né pour rien ! » Mon­sieur D.N. décide le dépars immé­diat et réclame la note. Un bel éclat !