Catégorie : <span>Par un groupe de pères et de mères de familles</span>

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Histoire Sainte illustrée .

Temps de lec­ture : 8 minutes

PROLOGUE

Regarde, tante Colette, regarde ! Il des­cend ! le voi­là ! Papa est dedans, l’oncle Ber­nard aus­si ! Sûr, sûr… je te dis, c’est l’Oiseau-Bleu !

Histoire Sainte illustrée pour les enfants - Bernard et Colette en Avion
Il des­cend ! le voilà !

Devant un petit homme soli­de­ment bâti, qui peut avoir cinq ans et demi et s’é­trangle d’é­mo­tion, un bel avion bleu pâle, der­nier modèle, évo­lue en effet à cin­quante mètres de là, cher­chant sa place pour atterrir.

« Tante Colette » accourt et, der­rière elle, petit Pierre, qui entraîne de toutes ses forces une fillette brune et menue : sa nièce.

Faut-il encore dire petit Pierre ? Il en serait cer­tai­ne­ment furieux. Quand on est revê­tu de la digni­té d’oncle, il semble bien qu’on soit un homme ! Mon­sieur Pierre — mal­gré ses dix ans — en est très persuadé.

Mais enfin, d’où lui viennent ces neveux jusque-là incon­nus ? Vous sou­vient-il d’une pre­mière ren­contre déjà loin­taine avec Ber­nard, Colette et Cie ? [1] En ce temps-là, ces impor­tants per­son­nages n’é­taient que des bébés, appre­nant leur catéchisme.

  1. [1] Voir : Caté­chisme illus­tré. Récits évan­gé­liques illus­trés. Petite His­toire de l’É­glise illus­trée. À la Décou­verte de la Litur­gie. — Col­lec­tion Ber­nard et Colette. – MAME.
Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 18 minutes

∼∼ XXVIII ∼∼

C’est le der­nier soir. Tante Jeanne, Annie, Ber­nard partent demain matin ; la vie va reprendre, régu­lière, stu­dieuse, dans la petite mai­son claire, jus­qu’à l’é­poque redou­tée du retour à Beyrouth.

Après dîner, pour trou­ver un peu de fraî­cheur, la jeu­nesse se trans­porte aux abords du petit bois. Pas un souffle d’air, mais l’ombre est douce ; entre les troncs d’arbres, filtrent encore les rayons lumi­neux du soleil cou­chant. Ils courent, dorant une branche, rou­gis­sant le sol, dis­pa­rais­sant ici, se retrou­vant là… Le groupe les suit des yeux. Ces filets de soleil, prêts à s’é­teindre, font son­ger à tant de jours heu­reux qui main­te­nant sont pas­sés. Un peu de tris­tesse enva­his­sante gagne les enfants, mais aucun ne veut l’avouer.

Dans le silence, une voix bien connue résonne :

— Ber­nard, Colette, seriez-vous, comme la femme de Loth, chan­gés en sta­tue de sel ?

Du coup, tout le monde a retrou­vé son aplomb, et l’on accueille cha­leu­reu­se­ment le vieil ami des bons et des mau­vais jours. Autour de lui, le cercle se reforme.

— Cau­sons, mon­sieur le Curé, cau­sons, dit Ber­nard. C’est le der­nier soir. Qu’al­lez-vous nous dire ?

— J’ai tra­vaillé pour vous tan­tôt. Je ne vou­lais pas que vous vous sépa­riez sans une étude finale de cette His­toire de l’É­glise, que vous avez si bien sui­vie, et dont l’é­poque contem­po­raine est fer­tile en évé­ne­ments d’importance.

— Oui, mais que vou­lez-vous nous expli­quer, en une heure, mon­sieur le Curé, quand il s’a­git de tout le der­nier siècle ?

— Je ne vous expli­que­rai rien du tout. En revanche, j’ai la pré­ten­tion de pen­ser que j’é­veille­rai votre curio­si­té, au point de vous don­ner à tous le désir de reve­nir sérieu­se­ment sur ces ques­tions. Votre père est là pour les reprendre quelque jour avec vous.

Les Zouaves Pontificaux défendent le pape
Les Zouaves Pontificaux

— Il nous l’a pro­mis, dit Colette.

— J’en étais sûr. Donc, repor­tons-nous aux der­niers jours de la Révo­lu­tion. L’his­toire de France vous a appris com­ment Bona­parte, l’ayant mâtée, s’en est ser­vi pour deve­nir le chef du gou­ver­ne­ment appe­lé Consu­lat, puis empe­reur sous le nom de Napo­léon. Je vous ai dit qu’il avait com­pris la néces­si­té de rendre la paix à l’É­glise de France en signant avec le Pape Pie VII un concor­dat. Mais vers la fin de son règne, il eut d’in­justes pré­ten­tions et le Pape Pie VII refu­sa d’y céder. Alors le Saint-Père fut emme­né de Rome à Savone, puis trans­por­té à Fon­tai­ne­bleau « avec une bar­bare pré­ci­pi­ta­tion ». Il y endu­ra de ter­ribles souf­frances morales.

Peu après, la puis­sance de Napo­léon flé­chit. En 1814, Pie VII rentre à Rome triom­phant. Selon le mot pro­non­cé autre­fois par saint Augus­tin : « Le lion est vain­cu en com­bat­tant, l’a­gneau a vain­cu en souffrant. »

Cet admi­rable Pie VII, si doux et si fort, sera le seul de tous les sou­ve­rains d’Eu­rope à par­ler en faveur de Napo­léon, pri­son­nier un peu plus tard à Sainte-Hélène.

Sous la Res­tau­ra­tion en 1817, c’est lui qui conclut des accords avec le roi de France, Louis XVIII, remon­té sur le trône de ses pères ; en 1821, il condamne de nou­veau la Franc-Maçon­ne­rie ; en 1823, il meurt pai­si­ble­ment, répé­tant ces deux mots, qui sans doute résu­maient pour lui les plus grandes épreuves de sa vie : « Savone, Fontainebleau ! »

— C’est déses­pé­rant, dit le petit André… Je me rends à peine compte de ce dont vous par­lez, mon­sieur le Curé.

— Ne te désole pas, mon petit homme, tu res­te­ras ici et tu ver­ras comme je t’ap­pren­drai bien ton his­toire ; déjà, tu retien­dras bien des choses, j’en suis cer­tain, par­mi les noms et les faits que je cite ce soir.

Ain­si, il faut savoir que le roi Louis XVIII a, par un décret, don­né aux évêques le droit de fon­der des petits sémi­naires. C’est dans plu­sieurs de ces ins­ti­tu­tions, alors diri­gées par les Jésuites, que toute une élite va s’ins­truire. Cette élite don­ne­ra à l’É­glise et à la France des prêtres et aus­si des chefs de famille de pre­mier ordre.

Car la lutte n’est pas finie. La vague de sang est pas­sée, mais les prin­cipes révo­lu­tion­naires demeurent dans les idées ; il faut les com­battre. Les Papes Léon XII, Pie VIII, Gré­goire XVI entre­prennent cou­ra­geu­se­ment la lutte contre le libé­ra­lisme révolutionnaire.

— Oh ! dit Colette, qu’est-ce que c’est encore que cette affaire-là ?

— Grave affaire, en effet, reprend en riant le bon Curé : c’est une manière fausse de com­prendre la liber­té. Il m’est impos­sible, mes enfants, de faire sai­sir aux plus jeunes, et en quelques minutes, l’ex­pli­ca­tion d’une erreur assez com­pli­quée. Je vous dirai seule­ment ceci : « Lâchez des mou­tons et des loups dans un bois, et dites-leur qu’ils sont libres de s’ar­ran­ger entre eux, que vous res­pec­tez trop leur liber­té pour inter­ve­nir en faveur des uns ou des autres. » Qu’est-ce qui arrivera ?

— Eh ! tiens ! les mou­tons seront dévo­rés par les loups !

— Conclu­sion : il n’est jamais per­mis d’ac­cor­der une même liber­té aux mau­vais et aux bons, à l’er­reur et à la véri­té. Per­sonne n’a ce droit, pas même l’É­tat. Il est donc faux de dire que l’É­tat doit don­ner une pro­tec­tion égale aux francs-maçons et aux catho­liques, aux mau­vaises écoles et aux bonnes, etc., etc., pas plus qu’il n’est per­mis à votre père de vous lais­ser libres de prendre du poi­son, si vous le pré­fé­rez fol­le­ment à la saine nour­ri­ture familiale.

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∼∼ XXVII ∼∼

La chère vieille mai­son est retrou­vée. Quelles délices ! Toutes les fenêtres sont ouvertes au soleil ; les petites filles s’es­soufflent à entas­ser dans les armoires le conte­nu des malles.

On voit pas­ser Ber­nard, Jean, André affu­blés d’im­menses tabliers, bran­dis­sant des têtes de loups des­ti­nées à don­ner la chasse à toutes les arai­gnées du pays ! Mais le tablier du petit scout, mal­gré des com­bi­nai­sons savantes, est tel­le­ment long, qu’il marche des­sus et tombe, la tête la pre­mière, dans un vieux coffre à bois ! Ce sont des rires qui n’en finissent plus. La pous­sière vole dans tous les sens ; sous pré­texte de cirer, Ber­nard danse éper­du­ment sur le dal­lage, en chan­tant une tyro­lienne apprise en Ita­lie. Le tapage est infernal.

Maman appelle sa fille aînée :

— Ber­na­dette, l’ar­ri­vée ne vaut pas mieux que le départ ! Emmène-moi cette jeu­nesse au pres­by­tère. M. le Curé sera si content,… et nous, à tel point déli­vrés de ces gar­ne­ments et de leurs ran­ge­ments invraisemblables !

Le curé explique aux enfants l'histoire de l'égliseQuelques ins­tants plus tard, la cloche fêlée de la cure branle à toute volée, et le vieux prêtre aler­té accourt, tout rajeu­ni par la joie, au-devant de ses bruyants paroissiens…

Les jours passent comme des songes. Tout est un bon­heur nou­veau. Colette s’ex­ta­sie sur les petits pous­sins éclos au pou­lailler ou bien, avec Annie, arrose à pro­fu­sion les fleurs de son jar­din, quitte à rafraî­chir en même temps ses bas et ses sou­liers. De temps en temps, la bande joyeuse accom­pagne le vieux Curé chez quelque malade éloi­gné. Che­min fai­sant, on lui conte ce qu’on a vu là-bas, en Pales­tine, à Rome, et com­ment, en cours de route, voyages et excur­sions ont per­mis d’é­tu­dier un peu les grandes lignes de l’His­toire de l’Église.

Un soir, pour repo­ser leur vieil ami, après une longue ran­don­née dans les che­mins creux, Ber­nard pro­pose une halte à l’ombre d’un talus, tout rose de bruyère. Les pieds dans la mousse, cha­cun s’as­sied confortablement.

Autour d’un champ d’a­joncs tout proche, de vieilles souches de chênes semblent mon­ter la garde. M. le Curé les contemple lon­gue­ment, puis, tout à coup :

— Mes enfants, vou­lez-vous que nous redi­sions une vieille his­toire, comme pour com­plé­ter ce que vous avez appris ? C’est l’his­toire de dou­leur et de sang, dont les sou­ve­nirs jaillissent dans ma mémoire, en regar­dant ce champ d’a­joncs entou­ré de chênes.

Colette et les petits poussins.
Colette et les petits poussins.

J’ai 80 ans. Mon grand-père a vu la Révo­lu­tion fran­çaise de 1789. Vous en savez les phases prin­ci­pales, peut-être n’a­vez-vous jamais réflé­chi à ceci : « Cette révo­lu­tion était faite dans les esprits depuis long­temps. Pré­pa­rée par la réforme, com­men­cée par la phi­lo­so­phie incré­dule et la cor­rup­tion des mœurs, elle exis­tait en prin­cipe, dès que ces causes suc­ces­sives eurent détruit, dans les masses, le res­pect de l’au­to­ri­té, non plus seule­ment auto­ri­té reli­gieuse, mais auto­ri­té poli­tique et sociale. »

Je crois voir dans tes yeux, Colette, que je m’ex­plique trop savam­ment pour toi…

— Non, mon­sieur le Curé, j’ai com­pris tout de même, vous vou­lez dire que toutes ces vilaines gens qui ont men­ti pen­dant long­temps, comme Luther et Vol­taire, sont arri­vés à trom­per beau­coup de monde. Alors, comme on ne vou­lait plus obéir au Bon Dieu, on refu­sait aus­si d’o­béir au Pape, qui com­man­dait à Rome en son nom, et au roi, qui com­man­dait en France.

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∼∼ XXVI ∼∼

Dans le com­par­ti­ment, en gare de Paray, un prêtre est mon­té. Vêtu de la redin­gote courte, le col romain dépas­sant le col noir, il est aisé de recon­naître en lui un voya­geur d’outre-mer ; cepen­dant il parle cor­rec­te­ment le fran­çais. Ber­nard a tôt fait de trou­ver l’oc­ca­sion de lui rendre un léger ser­vice, de lui dire quelques mots, et d’ap­prendre que ce jeune prêtre est Canadien.

Bien­tôt c’est une conver­sa­tion géné­rale et des plus mou­ve­men­tées ; les gar­çons posent ques­tions sur ques­tions sur le Cana­da, aux­quelles répond très aima­ble­ment leur interlocuteur.

Il explique : Vous le savez, l’A­mé­rique a été décou­verte en 1492 par Chris­tophe Colomb, mais ce sont des pêcheurs bre­tons et nor­mands qui touchent les terres du nord et viennent à Rouen, en 1520, vendre leurs pêches « faites ès-par­ties de la terre Neuve »…

Histoire des missions du nouveau monde : un chef iroquois
Un chef iro­quois du Canada.

Bien­tôt Fran­çois Ier enver­ra Jacques Car­tier au Cana­da. L’hé­roïque marin fera trois voyages ; il laisse là-bas une Croix, dres­sée près du for­tin où il a pas­sé l’hi­ver. La France ne prend pos­ses­sion d’une terre que pour la don­ner à Dieu.

— Et puis, Père ?

— Et puis, Samuel Cham­plain débarque à son tour, en 1603. Il est émer­veillé par le fleuve Saint-Laurent, et il écrit : « Faire fleu­rir les lis de France, le long du grand fleuve, et y por­ter en même temps la bonne nou­velle de l’É­van­gile, c’est mon rêve. »

Il le réa­li­sa dans toute la mesure du pos­sible, car il par­vint à mener de front explo­ra­tion, conquête et colonisation.

Des Fran­cis­cains, des Car­mé­lites et bien d’autres reli­gieux et reli­gieuses avaient aus­si pas­sé l’At­lan­tique, pour le salut des Cana­diens. Cepen­dant les Jésuites semblent plus par­ti­cu­liè­re­ment des­ti­nés à cette conquête apos­to­lique, que leur a confiée le roi Hen­ri IV. Quand, après de rudes vicis­si­tudes, ils reviennent et s’en­gagent en 1626, avec le Père de Bré­beuf, dans le pays des Hurons, Cham­plain écrit à ceux-ci : « Ce sont nos pères, nous les aimons plus que nos enfants et plus que nous-mêmes… Ils ne recherchent ni vos terres ni vos four­rures. Ils veulent vous ensei­gner le che­min qui conduit au Maître de la Vie. Voi­là pour­quoi ils ont quit­té leur pays, leurs biens et leurs familles. »

— Quel a été l’ac­cueil des Hurons, Père ?

— Meilleur que celui des Iro­quois, dont l’a­troce cruau­té a fait tant de mar­tyrs. Le Père Jean de Bré­beuf et ses com­pa­gnons péné­traient inlas­sa­ble­ment de tri­bu en tri­bu. Ils décri­vaient ain­si leurs menus : « On mélan­geait ordi­nai­re­ment les intes­tins de petits pois­sons à notre farine de blé d’Inde, pour l’assaisonner. »

— Quelle hor­reur ! En voi­là un piment ! s’é­crient les garçons.

— Écou­tez encore.

— « Dedans leurs cabanes (celles des sau­vages) vous y trou­ve­rez l’i­mage de l’en­fer en minia­ture, ne voyant ordi­nai­re­ment pas autre chose que du feu, de la fumée et de chaque cos­té des corps noirs et à demi rôtis, entas­sés pêle-mêle avec les chiens, qu’ils consi­dèrent comme aus­si chers que les enfants de la mai­son, etc… »

— Mais, Père, c’est épouvantable !

— Atten­dez. Les Iro­quois sont par­ta­gés entre l’ad­mi­ra­tion et la haine pour ces étran­gers qui pénètrent chez eux. La haine domine bien­tôt et les mis­sion­naires vont être mar­ty­ri­sés. Atta­ché au poteau, le Père de Bré­beuf ne cesse de prê­cher « tan­dis qu’on le pique avec des alènes rou­gies au feu, qu’on le brûle avec des char­bons embra­sés, qu’on lui met au cou un col­lier de haches ardentes…

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15 aout, l'Assomption, récit de la consécration de la France
Le vœu de Louis XIII à Notre-Dame de France.

∼∼ XXV ∼∼

Le train file à une allure ver­ti­gi­neuse. Voi­ci Lyon, que domine la Vierge de Four­vière ; on la salue sans pou­voir s’ar­rê­ter. Il faut rou­ler long­temps encore, puis c’est Paray. Huit heures du soir. C’est ici que l’on pas­se­ra la nuit, dans un petit hôtel, juste en face de la Visitation.

Après dîner, Jean réclame toute l’his­toire des appa­ri­tions du Sacré-Cœur.

— Oui, dit son père, mais avant, réflé­chis­sez avec moi. Dans quelques jours, nous aurons repris notre vie fami­liale, qui se trou­ve­ra très char­gée pour votre mère comme pour moi, pen­dant ce rapide séjour en France. Nous n’au­rons plus le temps de cau­ser ain­si, indéfiniment.

Il faut donc que je trace à grands traits devant vous l’his­toire reli­gieuse des der­niers siècles, si vous vou­lez avoir une vue d’en­semble. Ce coup d’œil sera, j’y insiste, abso­lu­ment insuf­fi­sant. L’an pro­chain, nous en repren­drons l’é­tude à fond, sous une autre forme.

— Quel bon­heur, papa. Com­ment ferons-nous ?

— Ça c’est mon secret, Colette. En atten­dant, sui­vez-moi bien.

En 1643, le roi de France, Louis XIII, après un règne glo­rieux, est mort entre les bras de saint Vincent de Paul ; quelques années plus tôt, il avait consa­cré la France à la Sainte Vierge.

— Ce qui nous vaut encore, n’est-ce pas, mon oncle, les jolies pro­ces­sions du 15 août ?

— Par­fai­te­ment, Bernard.

À Louis XIII suc­cède Louis XIV. L’é­poque où nous sommes prend dans l’his­toire le nom de « grand siècle », avec rai­son du reste, car ce siècle est vrai­ment grand. L’é­lite de la socié­té fran­çaise est encore fon­ciè­re­ment et puis­sam­ment chré­tienne. Les esprits ont acquis une for­ma­tion morale, une clar­té lit­té­raire, dont Bos­suet, Bour­da­loue, Féne­lon, Cor­neille, Racine et tant d’autres, demeurent les témoins.

En même temps, c’est une admi­rable flo­rai­son d’œuvres. Saint Jean-Bap­tiste de La Salle fonde les Frères des Écoles chré­tiennes ; saint Jean Eudes, la congré­ga­tion de Jésus et de Marie, qu’on appelle congré­ga­tion des Eudistes. Saint Pierre Fou­rier devient l’a­pôtre de la Lor­raine, saint Fran­çois Régis celui des Cévennes, le véné­rable Père Mau­noir, de la Bre­tagne ; saint Pierre Cla­ver quitte l’Es­pagne, pour évan­gé­li­ser les nègres, se fait leur esclave pour les sau­ver ; et, c’est à Gre­nade, en Espagne aus­si, qu’ont été fon­dés les Frères de Saint-Jean de Dieu.

Mais il est dans les des­ti­nées de l’É­glise de ne pou­voir jouir de la paix. Depuis que les pro­tes­tants ont jeté sur l’Eu­rope une semence de révolte, on la voit sans cesse réap­pa­raître sous des formes dif­fé­rentes. Elle donne une vigueur nou­velle au Gal­li­ca­nisme, vieille erreur qui pré­tend mettre l’au­to­ri­té du Concile au-des­sus de celle du Pape.

Louis XIV et même plu­sieurs évêques eurent le tort de la sou­te­nir, et ce n’est qu’a­près bien des luttes regret­tables qu’ils se sont com­plè­te­ment sou­mis au Pape Inno­cent XII.

En même temps, l’hé­ré­sie va se cacher sous une autre sombre et froide erreur : le Jan­sé­nisme, qui en arrive à nier : 1° que Notre-Sei­gneur Jésus-Christ soit mort pour tous les hommes ; et 2° qu’on puisse tou­jours, avec la grâce, obser­ver la loi de Dieu.

Ber­nard hausse les épaules.

— Ce Jan­sé­nisme, l’ab­bé G… le détes­tait ; quand il nous en par­lait, c’é­tait avec un tel mépris, qu’il nous en a don­né l’horreur.