Catégorie : <span>2 *** LES AUTEURS ***</span>

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 6 minutes

histoire pour les enfants - accident dans un cerisierIl y avait du soleil plein le ciel, des chants d’oi­seaux plein le ver­ger. Et Jean-Paul chan­tait aus­si sa joie de vivre en cueillant à plein panier les cerises ruti­lantes du beau cerisier…

Sou­dain, un cra­que­ment, un double cri : Jean-Paul tom­bait du ceri­sier sur la terre dure, et sa mère accou­rait, épouvantée.

Ce fut aus­si­tôt un grand affai­re­ment : bran­card, coups de télé­phone, méde­cin… Et le ter­rible diag­nos­tic, cou­rant de bouche en bouche : « Il est per­du… il ne lui reste plus qu’une heure à vivre… »

Pâle sur son lit, souf­frant atro­ce­ment, Jean-Paul sent bien lui aus­si que sa vie s’en va. Alors il appelle sa maman :

— Je vais mou­rir, dit-il dou­ce­ment, mais il ne fau­dra pas pleu­rer : je vais au ciel.

Puis il ajoute :

— Les copains du « caté » vont sûre­ment venir avec Mon­sieur le Curé. Dis, tu les lais­se­ras entrer ?

Les parents de Jean-Paul ne sont pas « gens à curé », comme ils disent. Mais refu­se­raient-ils une der­nière joie à leur enfant ?

Jean-Paul, lui, attend. Car au caté­chisme, le jour où ils ont ensemble décou­vert que la est une mer­veilleuse pro­ces­sion de la terre au ciel, ils s’é­taient pro­mis d’être tous avec le prêtre autour du pre­mier qui partirait…

* * *

« Toc-toc !… »

C’est un rap­pel d’es­pé­rance dans la mai­son bru­ta­le­ment éprou­vée. Les gens qui ne savent pas, pleurent et fris­sonnent parce que la mort est là. Mais les cinq gars à la porte de Jean-Paul savent, eux, qu’ils apportent joie et paix : pour venir, ils ont mis leurs beaux habits, comme pour une fête, une fête grave, bien sûr, et dou­lou­reuse à leur cœur ému mais tout de même la fête de tout le ciel qui va venir au-devant de Jean-Paul, et ses amis seront là, comme pour une noce.

D’a­bord, le prêtre est entré seul, pour don­ner la der­nière .

Les forces de Jean-Paul s’é­coulent très vite. Sous le par­don de Dieu, il a fer­mé les yeux. Il les rouvre seule­ment pour remer­cier d’un regard ses cama­rades qui entrent.

Auteur : Vray, Domi­nique | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 8 minutes

« Tes réfé­rences, garçon ? »

Pour la dixième fois, Paul se heurte à cette demande. Pour la dixième fois, il répond sourdement :

« Je n’en ai pas.

— Quoi ! Tu n’as jamais tra­vaillé, à ton âge ? Quel âge au fait ?

— Vingt ans.

— Et tu n’as pas honte d’être res­té à fai­néan­ter jus­qu’à ce jour ?

— …

— Ah ! Ah ! Je vois ce que c’est ! Tu as déjà tra­vaillé ! Mais tu n’as pas de réfé­rences ! Tu n’es qu’un vaurien…

— …

— Allons ouste, je n’ai pas de temps à perdre avec toi. »

usineDur et gla­cé, l’employeur lui claque au nez le por­tillon du gui­chet d’embauche. Et pour la dixième fois aus­si, Paul se retrouve dans la rue, sous une petite pluie fine et froide qui détrempe tout et laisse des mares sur les pavés glissants.

« Tu n’as pas honte ? »

Les mots du gui­che­tier le pour­suivent, le mar­tèlent, l’ac­cablent. Sa grande taille se courbe un peu plus. On dirait un vieillard, ce gar­çon de vingt ans !

Honte ? Ah ! s’il savait !

Mais ne sait-il pas ce gui­che­tier ? Ne savent-ils pas tous ces gens qui le frôlent, ser­rés dans un imper­méable ou rata­ti­nés sous un para­pluie ? La « chose » doit appa­raître sur son front rouge et dans sa démarche qui hésite, et même dans ce bru­tal sur­saut qui le redresse comme pour défier le juge­ment du monde. La pluie le cingle, et la dure­té du monde.

Sa bra­vade ne dure qu’un ins­tant ; ses épaules retombent, lasses de por­ter sa honte. Et pour­tant, il faut la traî­ner encore. Il le sait bien, il n’est qu’un vau­rien. L’autre le lui a jeté au visage comme une gifle, et il n’a pu lui crier : « Tu mens ».

Auteur : Reggie, Marie | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 8 minutes

[1]

À l’ombre des monts Atlas, juste à l’en­droit où ils se ren­contrent avec les flots bleus, Sal­sa naquit. Certes, l’é­vé­ne­ment pas­sa bien inaper­çu dans la grande ville ; la tri­bu ber­bère elle-même n’y prê­ta pas grande atten­tion ; seule la maman, pen­chée sur le petit être qui venait d’ou­vrir ses yeux sur le monde, cher­chait à per­cer le mys­tère de cette vie com­men­çante : que devien­drait Sal­sa ? que ferait-elle ?

* * *

Ruine de la basilique Sainte Salsa à Tipiasa

Nous sommes aux pre­miers siècles du chris­tia­nisme. Après de nom­breuses per­sé­cu­tions, une ère de paix règne enfin ; les apôtres du Christ par­courent le pays en tous sens, prê­chant et ensei­gnant à tous la dou­ceur de la loi de cha­ri­té. Peu à peu, les temples ont été délais­sés, les faux dieux aban­don­nés, et main­te­nant tout cela s’a­mon­celle en un immense tas de ruines ; le culte de l’Em­pe­reur lui-même a été aban­don­né. À de rares excep­tions près, la popu­la­tion ne vou­lait rendre hom­mage qu’au seul vrai Roi du monde le Christ Jésus.

Mais si les yeux se por­taient sur les monts qui entou­raient la cité, ils pou­vaient encore y voir un temple éle­vé à la gloire d’un dra­gon d’or qui comp­tait, au sein des tri­bus ber­bères de la ville, de nom­breux ser­vi­teurs, par­mi les­quels se pla­çaient les parents de la petite Salsa.

* * *

  1. [1] Pre­mier com­man­de­ment : Un seul Dieu tu aime­ras et ado­re­ras par­fai­te­ment.
Auteur : Falaise, Claude | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Fred jeta un coup d’œil à la pen­du­lette du tableau de bord. La grande aiguille allait pas­ser sur la petite, à la verticale.

— Minuit, dans un ins­tant ! Je ne suis pas en avance !

Le jeune homme appuya sur l’ac­cé­lé­ra­teur, la voi­ture fit un bond en avant, cepen­dant que les aiguilles dan­saient fol­le­ment sur le cadran du compteur.

140 kilomètres/​heure, 142… 145…

Il n’y eut pas de 146… Seule­ment une embar­dée ter­rible, un choc, une masse inerte sur la route.

Les freins avaient à peine fini de cris­ser que, de nou­veau, Fred écra­sait du pied la pédale qui à nou­veau le pro­pul­sait à toute vitesse.

Un ins­tant, il avait sen­ti avec force qu’il lui fal­lait s’ar­rê­ter ; que rien d’autre n’é­tait à faire ; que celui qu’il avait ren­ver­sé — un vieillard autant qu’il avait pu en juger — n’é­tait peut-être que bles­sé ; qu’un secours immé­diat pour­rait en ce cas le sauver…

Mais Fred, en même temps que la sil­houette du pas­sant é, avait main­te­nant devant l’es­prit cet autre drame qui l’at­ten­dait, lui :

— J’ai eu tort d’emprunter la voi­ture de grand-mère sans son auto­ri­sa­tion. Elle devait renou­ve­ler son assu­rance ces jours-ci. L’a­vait-elle fait ? Ou bien, ne sor­tait-elle plus parce qu’elle n’é­tait pas en règle ? S’il en est ain­si, je suis perdu.

140… 145… 146…

Fred n’i­ra jamais assez vite, pense-t-il, pour fuir cette ter­rible res­pon­sa­bi­li­té qu’il laisse der­rière lui, sur la Natio­nale où gît un homme bles­sé, ensanglanté.

149 kilomètres/​heure !…

Non,

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 19 minutes

vint au monde le 22 juillet 1647, dans le vil­lage de Vérosvres, au hameau de Lhau­te­cour, dio­cèse d’Au­tun. Elle fut bap­ti­sée en l’é­glise de Vérosvres dont son oncle Antoine Ala­coque, qui fut son par­rain, était alors curé. Son père, Claude Ala­coque, « notaire royal », y habi­tait une pro­prié­té com­po­sée d’une ferme et d’un grand pavillon. C’est là que se pas­sa l’en­fance de Mar­gue­rite, à part, vers l’âge de quatre ans, un long séjour chez sa mar­raine, au châ­teau de Corcheval.

Sa mar­raine la lais­sait libre de jouer, de cou­rir dans les allées et les char­mil­les du parc. Mais, sur la ter­rasse du châ­teau, s’é­le­vait une cha­pelle, et Mar­gue­rite se fai­sait une joie d’y entrer à chaque ins­tant. Les per­sonnes char­gées de sa sur­veillance ne la trou­vaient-elles ni dans les jar­dins, ni dans la mai­son ? Elles n’a­vaient qu’à pous­ser la porte de la cha­pelle. Elles aper­ce­vaient l’en­fant, à genoux sur les dalles, ses petites mains jointes, immo­bile, les yeux fixés sur le taber­nacle où elle savait que Jésus habi­tait dans la sainte Hos­tie. Mar­gue­rite quit­tait la cha­pelle à regret quand on l’ap­pe­lait, car elle serait res­tée là des heures entières sans s’ennuyer.

Coloriage Sainte Marguerite-Marie Alacoque
De loin, assise sur une roche…

A Lhau­te­court, près de la mai­son de ses parents, se creuse un petit val­lon abri­té de chênes. Mar­gue­rite s’y plai­sait plus que par­tout ailleurs. De loin, assise sur une roche, elle aper­ce­vait l’é­glise du vil­lage, et même, à tra­vers les vitraux, le reflet de la lampe du sanc­tuaire. Elle pen­sait à Jésus et lui disait qu’elle l’aimait.
C’est chose extra­or­di­naire qu’une petite fille prie si long­temps ! D’ha­bi­tude, les enfants, après un « Notre Père » ou un « Je vous salue » se sauvent bien vite jouer. Mais le bon Dieu atti­rait le cœur de Mar­gue­rite comme avec un aimant et la vou­lait tout à lui, parce qu’il lui réser­vait une grande mission.

Aus­si, toute petite, lui fit-il com­prendre la lai­deur du péché et l’hor­reur de la moindre tache sur la blan­cheur de son âme. Très vive, très remuante, devant un caprice, une dis­pute, « l’on n’a­vait qu’à me dire, raconte Mar­gue­rite, que c’é­tait offen­ser Dieu, cela m’ar­rê­tait tout court ».

Un jour de car­na­val, alors que Mar­gue­rite avait cinq ans et son frère Chry­so­stome, sept, celui-ci déni­cha une épée et vint pro­po­ser à sa petite sœur de chan­ger d’ha­bits avec lui et de cou­rir après les fer­miers du voi­si­nage pour leur faire grand-peur. Mais Mar­gue­rite refu­sa, crai­gnant de com­mettre un péché. A l’âge de huit ans, Mar­gue­rite per­dit son père. Sa mère, acca­blée par le cha­grin, absor­bée par ses affaires à démê­ler, ses terres à sur­veiller, dut se déci­der à mettre sa petite fille en pen­sion chez les Cla­risses de Charolles.

Mar­gue­rite, si pieuse, se plut au milieu des reli­gieuses. Celles-ci, de leur côté, admi­raient cette char­mante enfant, docile, appli­quée à l’é­tude du caté­chisme. Elles virent que cette petite âme pure dési­rait ardem­ment rece­voir Notre-Sei­gneur dans la sainte Eucha­ris­tie. Aus­si, mal­gré tous les usages de ce temps, la pré­pa­rèrent-elles à faire, dès l’âge de neuf ans, sa pre­mière Com­mu­nion. Cette ren­contre avec Jésus allu­ma dans le cœur de Mar­gue­rite une flamme d’a­mour qui devait tou­jours gran­dir. A par­tir de ce moment, on la vit chan­ger. Elle, si joyeuse, si remuante dans les récréa­tions, ne sut plus s’a­mu­ser. A peine com­men­çait-elle à cou­rir, à jouer avec les autres élèves qu’il lui sem­blait qu’au fond de son cœur Notre-Sei­gneur lui rap­pe­lait qu’Il était là et l’in­ci­tait à le prier. Il lui fal­lait quit­ter les jeux, aller se cacher dans un coin des bâti­ments et s’y mettre à genoux.