Catégorie : <span>2 *** LES AUTEURS ***</span>

Auteur : Hunermann, Père Guillaume | Ouvrage : Les Tables de Moïse .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Les commandements de Dieu racontés aux enfants du catéchisme : tu ne voleras pas« Aujourd’­hui vous allez faire une rédac­tion », dit le maître en classe de Sixième. « Pre­nez vos cahiers et écri­vez : Ce que je ferais si j’é­tais millionnaire. »

Oh ! pour une fois, c’é­tait un sujet for­mi­dable, et les enfants se mirent au tra­vail avec enthou­siasme. Les plumes grin­çaient avec zèle sur le papier, et çà et là, un gar­çon ou une fillette rêvait, le bout du porte-plume entre les dents, avant de conti­nuer. Comme c’é­tait inté­res­sant de décrire ce qu’on entre­pren­drait si, par hasard, on gagnait un mil­lion à la loterie.

À la fin du cours, le pro­fes­seur ramas­sa les cahiers. Ren­tré chez lui, il allu­ma sa pipe et com­men­ça à lire. Ceci, c’é­tait la rédac­tion de Roger, un joyeux petit gar­çon à la bouche et aux yeux rieurs, et qui pre­nait la vie du bon côté.

« Si j’a­vais un mil­lion », écri­vait le gar­çon, « je m’a­chè­te­rais un magni­fique cha­let sur les bords du lac des Quatre-Can­tons et une auto grande comme un camion de démé­na­ge­ment. Il me fau­drait éga­le­ment un yacht de luxe avec un moteur. Je sillon­ne­rais alors le lac du matin au soir, comme une flèche, et les gens nageant dans l’eau, seraient épou­van­tés quand je m’a­mu­se­rais à les frô­ler. Par mau­vais temps, je pren­drais place dans ma voi­ture du ton­nerre et je par­cour­rais à cent à l’heure, tous les can­tons, et tous les gens me regar­de­raient et diraient : c’est Roger, le mil­lion­naire. Voi­là qui serait chic ! Comme j’ai­me­rais être millionnaire ! »

amour immodéré des biens terrestresLe pro­fes­seur fer­ma le cahier avec un sou­rire, sai­sit le sui­vant qui appar­te­nait au gros Jeannot.

« Si j’é­tais mil­lion­naire, j’é­pou­se­rais la cui­si­nière de l’hô­tel de la Rose, parce qu’elle cui­sine comme pas une. Il fau­drait qu’elle me serve chaque jour mes mets pré­fé­rés, du veau froid, en entrée, un grand plat de nouilles au gruyère, de l’oie rôtie et des fraises à la crème fouet­tée. Si je rece­vais cela tous les jours, je serais content. Je n’au­rais pas d’autre désir. Ah ! si, il me fau­drait encore, bien enten­du, une glace aux fruits chaque jour. »

« Quel affreux gour­mand », mur­mu­ra le pro­fes­seur, en sou­riant. Puis, il prit le devoir de Rosette, qui avait ten­dance à être coquette.

« Si j’a­vais un mil­lion », y lisait-on, « je m’a­chè­te­rais les plus beaux vête­ments, comme on en voit au ciné­ma. Je chan­ge­rais de robe trois fois par jour, avec l’aide d’une femme de chambre, tou­jours comme dans les films. Et puis, je ferais moi-même du ciné­ma, natu­rel­le­ment, parce que, quand on a beau­coup d’argent, on arrive à ce que l’on veut. Je joue­rais les plus beaux rôles, et les gens diraient : c’est la mil­lion­naire, voyez comme elle joue mer­veilleu­se­ment bien. »

Auteur : Douglas Viscomte, Patricia | Ouvrage : Les amis des Saints .

Temps de lec­ture : 12 minutes

, Doc­teur de l’É­glise, né en 1542 à Fon­ti­ve­ros (pro­vince de Cas­tille) mort le 14 décembre 1591 à Ube­da (pro­vince d’Andalousie).

Si l’on veut gra­vir une haute cime pour voir le soleil se lever sur un monde étin­ce­lant de pure­té, il faut se déles­ter de tout ce qui encombre ; à ce prix seule­ment, on pour­ra atteindre le som­met. C’est le che­min spi­ri­tuel que nous trace saint Jean de la Croix ; il fau­dra pas­ser des nuits pour arri­ver à la lumière. Sui­vons donc notre saint dans son ascen­sion vers le som­met du Mont . Les quelques étapes de sa vie que nous évo­que­rons vont nous le permettre.

La nuit obscure et le miracle de la Vierge et du puit

L’âme du futur saint, enfant, vivait dans l’in­ti­mi­té de Dieu, de la Sainte Vierge, des anges et des saints. Une aven­ture qu’il raconte lui-même fut sans doute l’oc­ca­sion du pre­mier pas de sa longue ascension.

Le petit Jean jouait avec ses cama­rades (enfant « il se com­por­tait comme un ange » disait de lui sa mère, il était vif et plein d’en­train), le groupe s’est appro­ché d’un minus­cule étang aux eaux bour­beuses et s’a­muse à y jeter des bouts de bois. On crie, on rit, et cha­cun cherche à reti­rer son bâton. Mais les bords sont glis­sants et Jean, empor­té par son ardeur, tombe dans l’eau. Il s’en­fonce et l’on ne voit plus que sa tête.

Les petits cama­rades poussent des hur­le­ments, mais voi­ci Jean qui lève la tête : il voit au-des­sus de lui une très belle dame qui lui tend ses mains « jolies et bien tournées ».

Petit, dit-elle, donne-moi la main et je te sortirai.

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 14 minutes

Celui dont il va être main­te­nant ques­tion n’est pas un saint. L’his­toire l’a presque oublié ; rares sont les livres où les éco­liers pour­raient lire sa vie exem­plaire. L’É­glise n’a pas consi­dé­ré que ses ver­tus fussent suf­fi­santes pour le pla­cer sur les autels. Pour­tant, par ses longues souf­frances héroï­que­ment sup­por­tées, par son éner­gie à rem­plir, mal­gré tout, ses devoirs, par sa tran­quilli­té en face de la mort ne méri­te­rait-il pas d’être pla­cé, non loin de saint Louis, dans la belle gale­rie de ces princes du Moyen Age qui sur­ent être de grands rois en demeu­rant de grands chré­tiens ? Et quand vous aurez lu ce que fut sa brève exis­tence tra­gique, sans doute pen­se­rez-vous que Celui qui connaît le plus pro­fond des cœurs et pèse au juste poids les actions des hommes, l’au­ra accueilli dans son amour, au Paradis…

* * *

Baudouin IV sur le champ de bataille CroisadeIl se nom­mait Bau­douin. Il avait treize ans lorsque son père mou­rut, le puis­sant Amau­ry, de , qui tant avait lut­té vaillam­ment contre l’in­fi­dèle, et mené jus­qu’en Égypte l’of­fen­sive des armées franques. C’é­tait un bel enfant, remar­qua­ble­ment doué ; char­mant de corps et de visage, prompt et ouvert, aus­si habile aux exer­cices phy­siques qu’ap­pli­qué à ceux de l’in­tel­li­gence. Son esprit était vif, sa mémoire excel­lente et, dès son plus jeune âge, il avait com­pris com­bien il est utile, pour un prince, d’être très culti­vé. En même temps, cava­lier émé­rite, aus­si habile à mon­ter, sans selle, un fou­gueux petit che­val arabe qu’à mener un lourd des­trier de Bou­logne, capa­ra­çon­né de fer, aus­si expert en la chasse au fau­con qu’à la nage dans les eaux du lac de Tibé­riade. Vrai­ment, un magni­fique garçon.

Depuis son plus jeune âge, son pré­cep­teur, Mes­sire Guillaume de Tyr, qui écri­vait alors un énorme livre sur l’his­toire des Croi­sades, lui en avait racon­té tous les évé­ne­ments ; Bau­douin n’i­gno­rait rien de la gloire de ses ancêtres, ni des condi­tions où était né le royaume dont il héri­te­rait un jour. Et l’en­fant, quand il che­vau­chait à tra­vers la cam­pagne de la Terre Sainte aimait à évo­quer l’é­po­pée de ces hommes admi­rables qu’a­vaient été les pre­miers croisés.

Ce n’é­tait pas à lui qu’il eût fal­lu apprendre com­ment, pour déli­vrer de l’oc­cu­pa­tion des Turcs musul­mans le Saint-Sépulcre où dor­mit, après la cru­ci­fixion, le corps de Notre-Sei­gneur, le grand Pape Urbain II, en 1095, dans la cathé­drale de Cler­mont-Fer­rand en France, avait appe­lé le monde à la et com­ment, aus­si­tôt, des mil­liers d’as­sis­tants avaient fixé sur leur man­teau une croix d’é­toffe rouge en jurant de par­tir pour la Pales­tine ! Ce n’é­tait pas à lui qu’il eût fal­lu apprendre les noms des glo­rieux chefs qui avaient mené à la vic­toire la pre­mière croi­sade ; Gode­froy de Bouillon, le par­fait che­va­lier du Christ ; Hugues de Ver­man­dois, frère du roi de France ; Robert Cour­te­heuse, duc de Nor­man­die ; et les ducs de Sicile et les comtes de Tou­louse, et les évêques, et les légats du Pape, tous éga­le­ment pieux, tous éga­le­ment croyants.

Il se répé­tait sou­vent les phrases que son maître Guillaume lui avait lues, où il racon­tait com­ment les croi­sés, exté­nués, déci­més, presque à bout de cou­rage, étaient arri­vés en juin 1099 devant Jéru­sa­lem, la ville Sainte entre toutes.… « Lors­qu’ils enten­dirent que cette ville était Jéru­sa­lem, lors, ils com­men­cèrent à pleu­rer d’é­mo­tion. Tous se mirent à genoux et ren­dirent grâces à Dieu, parce qu’ils tou­chaient au but de leur pèle­ri­nage, et qu’ils allaient entrer dans cette ville que tant aima Notre-Sei­gneur durant qu’il vivait, homme, pour sau­ver les hommes. C’é­tait grande émo­tion de voir et d’ouïr leurs larmes et leurs san­glots. Et lors­qu’ils furent appro­chés des murailles, en vue des tours de la cité, ils levèrent les mains au ciel dans une fer­vente prière, puis se mirent pieds nus, par humi­li­té de cœur, et bai­sèrent la terre qu’a­vait fou­lée Jésus. »

C’é­tait de leurs efforts, de leurs sacri­fices, qu’é­tait né ce royaume, le beau royaume chré­tien de Pales­tine, dont Bau­douin aurait la charge. Il pen­sait aux puis­sants châ­teaux, qu’on appe­lait les kraks, copiés des châ­teaux forts de France ou de Bel­gique, qui sur­veillaient tous les pas­sages par où le aurait pu atta­quer de nou­veau. Il pen­sait aus­si aux solides milices des Che­va­liers moines, les Tem­pliers, les Hos­pi­ta­liers, qui consa­craient toute leur exis­tence à défendre la Terre Sainte contre les Turcs. Avec de tels hommes, avec de telles for­te­resses, qu’a­vait-on à craindre ? Et lui, Bau­douin, deve­nu à la mort de son père Bau­douin IV, il savait bien que, Dieu aidant, il com­bat­trait de toutes ses forces pour la sau­ve­garde du Sépulcre, la défense de son royaume et la sûre­té de tous les chré­tiens en Orient. Fidèle ! Il serait fidèle ! Et il pen­sait qu’un magni­fique ave­nir s’ou­vrait devant lui.

Auteur : Berthon, Maurice | Ouvrage : Lorsque les saints de France étaient petits garçons .

Temps de lec­ture : 24 minutes

L'enfance de Saint Jean-François Régis naquit le 31 jan­vier 1597 à Font­cou­verte, à égale dis­tance de Nar­bonne et de Car­cas­sonne. Font­cou­verte, Fon­taine cou­verte, source cachée, est une place forte de modèle réduit : trente mai­sons pro­té­gées par un châ­te­let appar­te­nant au sei­gneur abbé de La Grasse.

Aujourd’­hui, c’est saint Jean-Fran­çois Régis qui pro­tège Font­cou­verte et la pré­cieuse source est décou­verte : le vil­lage allait don­ner nais­sance à un saint !

Jean de Régis, père du bébé, a noté sur son livre de rai­son, d’une belle écri­ture mou­lée par la plume d’oie : « L’an mil-cinq-cent-nonante-sept, le der­nier jour de jan­vier, un diven­drès (dies vene­ris : ven­dre­di) es nas­qut notre enfant, Jean-Fran­çois. Et fut par­rin noble Fran­cis de Turin, dit de Brè­tés, sei­gneur et baron de Péchei­riq, la mar­rine damoi­selle Clare Daban, famé à mon frère Régis. »

C’est là l’acte de nais­sance du Saint. Jean-Fran­çois Régis naquit le même jour à la vie de l’âme, puisque son père ajou­ta sur son livre de famille : « Et fut bap­ti­sé à l’é­glise de Font­cou­verte. » Encore un saint qui a été bap­ti­sé le jour même de sa nais­sance. Remar­quons le fait, sans pré­tendre cepen­dant en tirer une conclu­sion caté­go­rique, car, à cette époque, pré­sen­ter un enfant du jour au bap­tême était une pieuse cou­tume géné­ra­le­ment obser­vée dans les familles catholiques.

Le père et l’oncle du Saint tiraient quelque gloire de leur titre de « capi­taine et gen­darme de la com­pa­gnie de Mon­sei­gneur le Maré­chal de Joyeuse. » Mais il s’a­gis­sait de gens d’armes de réserve ! La foi de ces deux braves leur fai­sait un devoir de répondre immé­dia­te­ment à tout appel des chefs ligueurs pour com­battre les troupes hugue­notes. Les deux sei­gneurs de Régis étaient plu­tôt, à la véri­té, des gen­tils­hommes ter­riens, de modestes gen­tils­hommes qui ne négli­geaient point d’ai­der de leurs propres mains les quelques domes­tiques qui semaient, cou­paient, bat­taient et engran­geaient les blés, récol­taient les fruits dorés au chaud soleil de . On voyait même les deux « gens d’armes » mettre la main aux man­che­rons de la charrue.

La demeure des Régis est éloi­gnée de tout luxe, elle ne montre point les pro­por­tions d’une gen­til­hom­mière. Com­po­sée d’un rez-de-chaus­sée et d’un étage cou­vert d’un gre­nier, son seul orgueil est de ren­fer­mer deux grandes pièces de six mètres de côté, dans les­quelles les Régis reçoivent, mais bien rare­ment, les hobe­reaux du voisinage.

Rude à la guerre, rude au tra­vail de ses champs, le père de Jean-Fran­çois est cepen­dant un homme de manières douces qui ne contra­rie­rait en rien sa jeune femme, Made­leine d’Arse. Celle-ci est mal­heu­reu­se­ment de san­té si déli­cate qu’elle doit renon­cer à nour­rir elle-même son bébé, qui est son second enfant. La mar­raine, Cla­ra Daban, demande à se char­ger de son filleul. Elle lui trou­ve­ra bien une nour­rice sur ses terres. Et c’est ain­si que Jean-Fran­çois devien­dra pour long­temps « le nour­ris­son de Moux », loca­li­té proche de Fontcouverte.

Cette nour­rice est entrée dans la légende, sinon dans l’His­toire. S’é­tant absen­tée, elle retrouve le bébé sous le ber­ceau, « déve­lop­pé de ses langes, sain et gaillard ». La bonne femme, qui a eu fort peur, accuse les sor­ciers d’a­voir vou­lu du mal au fils des Régis ; elle ne peut son­ger à accu­ser le démon qui aurait cer­tai­ne­ment aimé se débar­ras­ser, dès le ber­ceau, d’un grand saint qui allait lui cau­ser un tort consi­dé­rable en lui ravis­sant des mil­liers d’âmes.

Et l’en­fant gran­dit aux côtés de son frère aîné Charles, car Made­leine d’Arse a reti­ré son fils de Moux dès qu’il a pu sup­por­ter le lait de vache. La jeune femme a une trop belle idée de l’é­du­ca­tion pour aban­don­ner la for­ma­tion de l’en­fant au seul bon vou­loir d’une nour­rice pay­sanne. La brave femme ne lui ensei­gne­rait que le bien, mais elle se serait vite trou­vée débor­dée par l’in­tel­li­gence pré­coce de Jean-Fran­çois, dont les innom­brables ques­tions ne lais­saient pas un ins­tant de répit à sa maman. C’é­tait évi­dem­ment les habi­tuels : « Maman, qu’est-ce que c’est que cela ?… Maman, ça sert à quoi, cela ?… Et pour­quoi dit-on cela ?… » Par­fois, l’en­fant ne posait pas suf­fi­sam­ment de qes­tions pour conten­ter son insa­tiable curio­si­té, puis­qu’il lui arri­vait de se for­mer un dic­tion­naire à lui, un voca­bu­laire qui attri­buait aux mots un sens qu’ils n’a­vaient point !

Pour exemple, jugeons de l’é­ton­ne­ment et de la frayeur de Made­leine d’Arse lorsque, pro­me­nant par la main son Jean-Fran­çois de cinq ans, celui-ci lui décla­ra « sau­te­lant » à son côté, joyeux :

— Ma mère, je serai damné !…

La maman s’ar­rête, regarde son fils dans ses yeux rieurs et si vifs :

— Mon petit, voyons, tu ne sais pas le sens ter­rible du mot dam­né ! Dieu te garde d’un tel malheur !…

Et, à Jean-Fran­çois très atten­tif, Made­leine d’Arse donne une leçon de caté­chisme, que l’en­fant clô­ture par cette pro­messe joyeuse :

— Alors, au Ciel ! ma mère ! au Ciel !

Enfant, Jean-Fran­çois fai­sait déjà preuve de nom­breuses qua­li­tés de base, telles que la modes­tie, la rete­nue, la bien­séance. Mais il ne fau­drait point son­ger à trou­ver de la tris­tesse chez ce bam­bin méri­dio­nal ! Non, Jean-Fran­çois, ses heures de classe ter­mi­nées, se pré­ci­pi­tait de toute la vitesse de ses petites jambes pour jouer avec ses cama­rades sous les pla­tanes du mail de Font­cou­verte. Il était par­fois pré­cé­dé de Charles, son aîné, mais il avait la gen­tillesse d’en­traî­ner par la main ses deux petits frères, Jean et François.

Il est amu­sant de consta­ter que la maman aime­ra don­ner à nou­veau à ses deux autres enfants les mêmes pré­noms qu’à son cher Jean-Fran­çois. Autre curio­si­té : le nom de famille du saint, Régis, devien­dra un pré­nom habi­tuel, même très sou­vent don­né au bap­tême des gar­çons. Cette cou­tume est rela­ti­ve­ment rare, et on ne peut citer que quelques saints dont les noms de famille ont été ain­si trans­for­més en pré­noms usuels : sainte Jeanne de Chan­tal, saint Louis de Gon­zague, saint Fran­çois Xavier.

Et voi­ci l’âge de l’é­cole. Jean-Fran­çois fré­quen­te­ra l’é­cole du vil­lage, mêlé aux petits cama­rades, mêlé aux enfants des ser­vi­teurs de son père. Il étu­die comme les autres, mieux que les autres, et puis, brus­que­ment, moins bien que les autres.

Cet enfant pos­sé­dait une sen­si­bi­li­té extra­or­di­naire. « On pou­vait le châ­tier avec les yeux, et toutes les fautes étaient tou­jours trop punies par une mine un peu sévère. » Les parents avaient l’in­tel­li­gence de ne point abu­ser de cette faci­li­té de cor­rec­tion, mais il advint qu’un des pre­miers maîtres de l’en­fant crut pou­voir se per­mettre d’u­ser envers lui « d’un peu de rigueur ». Le résul­tat fut à ce point pitoyable que « ses parents déses­pé­raient déjà de le voir jamais capable de bonnes lettres. »

Par bon­heur, rap­portent les pre­miers his­to­riens du saint, « sa mère, qui l’é­tu­diait tous les jours, s’a­per­çut que la sévé­ri­té de son maître étouf­fait les lumières de son esprit. Elle le pria donc de chan­ger de bat­te­rie et de le conduire avec dou­ceur, ce qui lui réus­sit si heu­reu­se­ment que, se voyant cares­sé, il com­men­ça à s’é­pa­nouir en sorte qu’il appre­nait plus qu’on ne voulait ».

Jean-Fran­çois étu­diait la langue fran­çaise tout en conti­nuant à par­ler cou­ram­ment le lan­gue­do­cien avec ses parents et ses cama­rades de classe et de jeux. Peut-être était-ce la Pro­vi­dence qui pré­pa­rait ain­si le futur saint à ses mis­sions dans les mon­tagnes céve­noles, où il ne par­le­ra que le lan­gue­do­cien à ces bonnes gens, qui n’au­raient pas sai­si grand’­chose d’un ser­mon en pur fran­çais. Nous ne sommes qu’au XVIIe siècle.

Auteur : Bourron, M. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Non, il ne vou­lait pas quit­ter la mai­son pour aller là-bas, dans cette ferme comme petit . Depuis huit jours on ne par­lait que de cela.

Georges n’a­vait plus que sa maman et sa grande sœur qui était repasseuse.

Cette année, la vie deve­nant plus dif­fi­cile, la maman de Georges s’in­quié­tait pour son fils, assez déli­cat de san­té ; le doc­teur du dis­pen­saire et les infir­mières consul­tés avaient répondu :

Le prêtre, le berger des chrétiens« Il faut envoyer cet enfant à la cam­pagne. Met­tez-le petit ber­ger dans une bonne famille de culti­va­teurs, vous ver­rez comme cela lui fera du bien ; l’âme et le corps y gagneront.

Quand sa maman lui avait rap­por­té ces paroles, en venant l’at­tendre avec sa sœur à la sor­tie du patro (on était un jeu­di), Georges s’é­tait mis à pleurer :

« Non, je ne veux pas par­tir ! Tant pis si je suis , je ne veux pas être berger !

— Tu n’es pas rai­son­nable, mon petit Georges, avait dit sa sœur Mar­celle ; pense au sou­la­ge­ment que nous aurons, maman et moi, de te savoir bien nour­ri et au bon air ; tu devrais être fier de pen­ser que tu vas pou­voir nous déchar­ger et gagner ta nour­ri­ture. Tiens, voi­là jus­te­ment Mon­sieur l’Ab­bé qui passe, nous allons lui deman­der son avis.