Il y a de la joie dans l’air ce matin. Le soleil, levé bien avant le plus matinal des Cœurs Vaillants, étincelle dans le ciel bleu, et les oiseaux, cachés dans les grands marronniers, s’égosillent à qui mieux mieux.
Aussi, bien avant l’heure fixée pour la réunion des chefs et des seconds, le vieux pavé résonne sous les talons impatients des gars.
« Tout le monde est là ? »
Sur le seuil de son presbytère, Monsieur le Curé vient d’apparaître. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi donc a‑t-il cet air joyeux ! Tiens, il a une lettre à la main.
« On n’a presque pas attendu ce matin, fait remarquer Jacques. Extraordinaire ! »
D’habitude, Monsieur le Curé, toujours très occupé, ne vient pas si vite.
« T’as vu, Jean, murmure Claude, il a un drôle d’air, Monsieur le Curé ; sûr qu’il arrive quelque chose… »
C’est vrai, Monsieur le Curé n’a pas son air habituel ; le pli qui souvent barre son front a disparu, et dans ses yeux il y a comme de la joie ; et puis on dirait qu’il veut vite faire partager à tous le bonheur qui semble contenu dans le petit rectangle qu’il tient à la main…
Flairant un mystère, les gars en un clin d’œil se sont rassemblés et posent sur le prêtre des yeux interrogateurs.
« Mes petits enfants, commence Monsieur le Curé, mes petits enfants, une grande joie nous arrive, une grande joie pour le patro… »
Alors, quinze voix vibrantes ont lancé le même cri :
« Monsieur l’Abbé revient ?
— Oui, mes petits, Monsieur l’Abbé rentre du sana… »
Ainsi, ça y était ; ce jour tant désiré depuis celui où, la tristesse au cœur, les gars avaient appris que leur abbé malade avait dû partir, ce jour allait arriver… il était arrivé.
« Monsieur l’Abbé sera là dans trois jours. »
Les questions maintenant s’entrecroisent, pêle-mêle, joyeuses ; tout le monde veut savoir.
« En tout cas, clame Jacques, il faut lui faire une réception monstre ; on n’a que trois jours, mais on va mettre les bouchées doubles. »