Pierre dut appuyer sur la manette du starter pour donner les gaz. L’air, en ce beau matin du jeune été, surprenait par son caractère glacial ; le vélo-moteur partait mal.
Pourtant, comme Pierre dévalait la côte de Moulin-Blanc, l’engin se lança et ce fut, pour le garçon épris de vitesse, la griserie de la course.
Une joie forte et profonde pénétrait dans le cœur de l’adolescent, comme apportée par la pureté extraordinaire de l’air matinal. Mais cette joie avait de plus solides bases et Pierre ne put se défendre de songer à ce succès, brillant et tout neuf, qu’il avait remporté l’avant-veille à son examen.
— Reçu ! Je suis reçu ! Maintenant, à moi les vacances, les randonnées sur deux roues motorisées (le magnifique cadeau reçu la veille), l’espace, la liberté. Quelle pêche je vais faire !
Naturellement, grand-père n’avait pas eu d’objection à ce projet du collégien, arrivé en vacances chez lui avec toute cette gloire que lui méritait son succès. Grand-père avait été lui-même passionné par ce « sport » du temps où il n’était pas perclus de rhumatismes.
— Prends tout mon attirail, fiston, avait-il dit. Et tâche de nous ramener un saumon.
Un saumon ! Grand-père le trouvant digne d’essayer de tirer un de ces fabuleux poissons, quelle consécration !
— Tu as vu, quelle est ma technique quand tu m’accompagnais les autres années ; tu te souviens d’Oscar.
S’il se souvenait ! Oscar ! la plus belle prise que le vieillard eut jamais faîte ; un saumon de près de deux mètres de long…
— J’irai au bon endroit, avait décidé le garçon. Pourquoi ne réussirais-je pas à prendre aussi un Oscar ?
Maintenant il était au bord de la torrentueuse petite rivière, se glissant à travers les rochers pour joindre le « saut du géant », une fosse que