Étiquette : <span>Saint Martin</span>

Auteur : Mistral, Frédéric | Ouvrage : Mémoires et souvenirs .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Notre-Sei­gneur Dieu le Père, un jour, en Para­dis, était tout sou­cieux. L’En­fant-Jésus lui dit :

« Qu’a­vez-vous, père ?

— J’ai, répon­dit Dieu, un sou­ci qui me tara­buste… Tiens, regarde là-bas.

— Où ? dit Jésus.

— Par là-bas, dans le Limou­sin, droit de mon doigt : tu vois bien, dans ce vil­lage, vers le fau­bourg, une bou­tique de , une belle et grande boutique ?

— Je vois, je vois.

Éloi maître sur tous les maîtres— Eh ! bien, mon Fils, là est un homme que j’au­rais vou­lu sau­ver : on l’ap­pelle maître Éloi. C’est un gaillard solide, obser­va­teur fidèle de mes com­man­de­ments, cha­ri­table au pauvre monde, ser­viable à n’im­porte qui, d’un bon compte avec la pra­tique, et mar­te­lant du matin au soir sans mal par­ler ni blas­phé­mer… Oui, il me semble digne de deve­nir un grand saint.

— Et qui empêche ? dit Jésus.

— Son orgueil, mon enfant. Parce qu’il est bon ouvrier, ouvrier de pre­mier ordre, Éloi croit que sur terre nul n’est au-des­sus de lui, et pré­somp­tion est perdition.

— Sei­gneur Père, fit Jésus, si vous me vou­liez per­mettre de des­cendre sur la terre, j’es­saie­rais de le convertir.

— Va, mon cher Fils.

Et le bon Jésus des­cen­dit. Vêtu en appren­ti, son balu­chon der­rière le dos, le divin ouvrier arrive droit dans la rue où demeu­rait Éloi. Sur la porte d’É­loi, selon l’u­sage, était l’en­seigne, et l’en­seigne por­tait : Éloi le maré­chal, maître sur tous les maîtres, en deux chaudes forge un fer.

Le petit appren­ti met donc le pied sur le seuil et, ôtant son chapeau :

« Dieu vous donne le bon­jour, maître, et à la com­pa­gnie : si vous aviez besoin d’un peu d’aide ?

— Pas pour le moment, répond Éloi.

— Adieu donc, maître : ce sera pour une autre fois. »

Et Jésus, le bon Jésus, conti­nue son che­min. Il y avait, dans la rue, un groupe d’hommes qui cau­saient et Jésus dit en passant :

« Je n’au­rais pas cru que dans une bou­tique telle, où il doit y avoir, ce semble, tant d’ou­vrage, on me refu­sât le travail.

— Attends un peu, mignon, lui fait un des voi­sins. Com­ment as-tu salué, en entrant chez maître Éloi ?

— J’ai dit comme l’on dit : « Dieu vous donne le bon­jour, maître, et à la compagnie ! »

— Ha ! ce n’est pas ain­si qu’il fal­lait dire… Il fal­lait l’ap­pe­ler maître sur tous les maîtres… Tiens, regarde l’écriteau.

— C’est vrai, dit Jésus, je vais essayer de nou­veau. Et de ce pas il retourne à la boutique.

— Dieu vous le donne bon, maître sur tous les maîtres ! N’au­riez-vous pas besoin d’ouvrier ?

— Entre, entre, répond Éloi, j’ai pen­sé depuis tan­tôt que nous t’oc­cu­pe­rions aus­si… Mais écoute ceci pour une bonne fois : quand tu me salue­ras, tu dois m’ap­pe­ler maître, vois-tu ? sur tous les maître, car, ce n’est pas pour me van­ter, mais d’hommes comme moi, qui forgent un fer en deux chaudes, le Limou­sin n’en a pas deux !

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 12 minutes

III

Saint Martin

fut, au IVe siècle, le grand mis­sion­naire du pays qui s’ap­pelle aujourd’­hui la France. En ce temps-là, la , pro­vince romaine, pos­sé­dait des grandes villes, comme Lyon, Tou­louse, Bor­deaux, , Paris ; mais elles étaient rares, et d’im­menses forêts cou­vraient le sol de France ; les terres culti­vées, les terres des pay­sans, se trou­vaient ain­si sépa­rées les unes des autres, et très iso­lées. Tan­dis que les villes étaient en grande par­tie conver­ties au chris­tia­nisme, la foi n’a­vait pas péné­tré assez avant dans les cam­pagnes ; elles étaient res­tées païennes pour la plu­part ; d’ailleurs, le nom de païen vient du latin paga­nus, pay­san ; cette éty­mo­lo­gie prouve la len­teur que les habi­tants des cam­pagnes met­taient à deve­nir chrétiens.

Histoire pour les jeunes des missions en Gaule
Fran­cis­caines Mis­sion­naires de Marie. Les Cha­te­lets : Novices en récréation.

En Gaule, il ne res­tait plus guère de la reli­gion des Druides que la croyance aux divi­ni­tés des fon­taines, aux arbres-fées ; les Romains avaient appor­té avec eux leurs faux dieux, leurs idoles ; les pay­sans les avaient adop­tés, mélan­gés avec leurs divi­ni­tés gau­loises ; le tout était confus, et c’é­taient sur­tout des superstitions
qui fai­saient le fond de la reli­gion populaire.

Récit des missions pour les colonies de jeunes
Fran­cis­caines Mis­sion­naires de Marie. La Cha­te­lets : Le Vieux Manoir.

Saint Mar­tin naquit de parents païens, en Pan­no­nie, pro­vince romaine des bords du Danube. Son père était offi­cier. Sa famille, un jour, quit­ta la Pan­no­nie pour s’é­ta­blir en Ita­lie : Mar­tin fut éle­vé à Pavie. C’est là qu’il apprit à connaître et à aimer la reli­gion du Christ ; et, à dix ans, mal­gré l’op­po­si­tion de ses parents, il alla trou­ver des prêtres chré­tiens et leur deman­da de le pré­pa­rer au bap­tême. Ceux qui dans la pri­mi­tive Église s’ins­trui­saient en vue de ce sacre­ment por­taient le titre de chré­tiens, bien que le bap­tême ne leur fût don­né par­fois qu’a­près plu­sieurs années d’at­tente : tel fut le cas de saint Mar­tin, qui ne le reçut qu’à vingt-deux ans.

Mais dès l’âge de douze ans, il sen­tait en lui un attrait irré­sis­tible pour la vie que menaient dans le désert les moines d’O­rient. Prier Dieu, vivre dans la pau­vre­té, même dans la pri­va­tion des choses les plus néces­saires à la vie, tel était son désir. Ses père et mère, scan­da­li­sés par de sem­blables goûts, le for­cèrent à entrer dans la car­rière mili­taire à l’âge de quinze ans. Il devait res­ter dans l’ar­mée durant huit années, conscien­cieux, fai­sant son devoir de sol­dat, mais menant dans les gar­ni­sons, dans les camps, une vie qui n’é­tait qu’un exemple constant de ver­tu et de cha­ri­té : il n’é­tait pas de ceux qui rou­gissent de leur Dieu devant les hommes, qui craignent les moque­ries et les rica­ne­ments lors­qu’ils pra­tiquent ouver­te­ment leur reli­gion. Mar­tin était avant tout un bon sol­dat du Christ.

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 10 minutes

∼∼ XII ∼∼

Tante Jeanne a appe­lé maman.

— Écoute, j’ai envie de faire une sur­prise à notre jeu­nesse, et même à toi. Ton mari m’a confié vos ennuis. Puisque les affaires dont il est char­gé vont vous obli­ger à pro­lon­ger un peu votre séjour ici, je com­prends fort bien que vous soyez effrayés par vos frais de voyage. Ceci m’ex­plique pour­quoi vous sem­blez déci­dés à renon­cer à toute nou­velle excur­sion pour les enfants.

Mais une tante a bien le droit de faire plai­sir à ses neveux ; donc ne refuse pas. Nous par­tons tous demain matin et de très bonne heure. Faites-moi confiance. Yvon m’a pré­pa­ré le pro­gramme et j’en fais mys­tère à tout le monde. Je sais que tu joui­ras pro­fon­dé­ment du pèle­ri­nage, car c’en est un. Laisse-toi faire.

Ain­si donc, le len­de­main, c’est le branle-bas dès l’au­rore, avec cette joie d’un inté­rêt spé­cial : Où va-t-on ?

Tout d’a­bord, au fil de gra­cieux pay­sages, la cara­vane se voit entraî­née vers les mon­tagnes de la Sabine ; on s’ar­rête à Tivo­li. Des ves­tiges d’an­ti­qui­té, des cas­cades, de la lumière, que tout cela est donc joli, dans la fraî­cheur exquise du matin ! Juste le temps de se res­tau­rer un peu, et la voi­ture reprend la route de la mon­tagne et même s’y enfonce de plus en plus ; l’au­to monte, monte encore, un arrêt !… Tout le monde ques­tionne à la fois :

— Où sommes-nous ?

— A Subiaco.

Maman et les aînés savent main­te­nant le but de l’ex­cur­sion, mais c’est à tante Jeanne qu’il faut lais­ser le plai­sir de l’ex­pli­quer. On dépasse la petite ville d’as­pect encore moyen­âgeux, et l’on fait halte dans un site ombreux, char­mant, où l’on décide de se reposer.

— Enfin, réclame Colette, tante, vous allez tout nous dire.

— Oui. J’ai vou­lu vous don­ner la joie de connaître le lieu où s’est sanc­ti­fié l’un des plus grands saints de l’His­toire de l’É­glise, et cela au moment où sa vie devient par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sante pour vous. Je vais essayer d’en­chaî­ner les faits, c’est-à-dire de reprendre la suite de vos der­nières conver­sa­tions avec votre oncle ou le Père X. J’es­père ne pas faire d’hérésies.

— Nous for­me­rions le concile, pour condam­ner l’er­reur, déclare Ber­nard rieur, seule­ment le mal­heur c’est que nous n’au­rions part à aucune infaillibilité !

— Écou­tez, avant de cen­su­rer. Reve­nons, si vous le vou­lez, un peu en arrière. Pen­dant l’un de ses nom­breux exils, saint Atha­nase était venu à Rome, où il avait racon­té des choses étranges. Là-bas, dans les contrées désertes de l’O­rient, des hommes appar­te­nant aux plus nobles et aux plus riches familles quit­taient tout pour s’en­se­ve­lir dans la soli­tude, et vivre pauvres et péni­tents. Saint Antoine, saint Pacôme, saint Basile, saint Jérôme avaient été sui­vis dans le désert par de nom­breux dis­ciples. Saint Augus­tin venait de don­ner sa règle de vie reli­gieuse aux moines et aux vierges chré­tiennes, qui se consa­craient com­plè­te­ment à Dieu.

Ce besoin d’être à Dieu seul, d’ex­pier ses fautes per­son­nelles et de répa­rer pour celles d’au­trui, s’empare alors de mil­liers d’âmes, belles et géné­reuses. Les alen­tours de Rome, et peu à peu le monde lui-même, se couvrent de cou­vents, d’où les moines ne sortent plus que pour prê­cher, conver­tir et sou­la­ger les malheureux.

En , , béni et encou­ra­gé par saint Hilaire, fonde le monas­tère de Ligu­gé. Tout le monde connaît l’his­toire de son man­teau, que, jeune sol­dat encore, il avait cou­pé, un jour de froid, pour revê­tir un pauvre. Le pauvre était Notre-Seigneur.

Après Ligu­gé, c’est Mar­mou­tier, prés de . Là, saint Mar­tin, deve­nu évêque, conserve sa cel­lule de moine, pour s’y réfu­gier de temps en temps dans la prière ; tan­dis que saint Hono­rat fonde le monas­tère de Lérins, et Cas­sien celui de Saint-Vic­tor, à Mar­seille. Autour des abbayes, des écoles s’or­ga­nisent ; entre monas­tères on s’in­ter­roge, on s’é­crit. C’est ravis­sant de pen­ser à ces ren­dez-vous que se donnent en quelque petite cha­pelle iso­lée, au milieu des forêts, des mon­tagnes ou des landes, ces saints qui sillonnent, le bâton à la main, et la Gaule et le monde. Car les abbayes vont deve­nir une véri­table pépi­nière de missionnaires.

Évangélisation de la Gaule par saint Martin
Jeune sol­dat, saint Mar­tin cou­pa son man­teau avec son épée, pour en revê­tir un pauvre.
Auteur : Mellis-Ferriol, Jeanine | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 9 minutes

est né le 316 à Sta­ba­ria Pan­no­mie, la Hon­grie de nos jours, qui était alors une pro­vince romaine. Son père com­man­dait une légion de la gar­ni­son de Pavie en Ita­lie du Nord. C’est dans cette gar­ni­son que Mar­tin pas­sa son enfance. Ses parents étaient païens et pra­ti­quaient le culte des idoles mais Mar­tin écou­tait avec beau­coup d’at­ten­tion les prêtres chré­tiens par­ler du Christ et très jeune il déci­da de consa­crer sa vie à ce Dieu d’a­mour. Il a seule­ment 10 ans quand il désire se faire bap­ti­ser mais ses parents s’y opposent.

Une loi alors en vigueur oblige les fils d’of­fi­cier à entrer dans l’ar­mée. À 15 ans Mar­tin fut enrô­lé dans une légion romaine et dut renon­cer momen­ta­né­ment à son désir de deve­nir moine et de se reti­rer dans le désert. À 18 ans il fut nom­mé offi­cier et il par­tit avec sa légion en Gaulle à Amiens. Il sur­prend tout son entou­rage car il traite ses hommes avec une grande bon­té et une grande com­pré­hen­sion ce qui n’é­tait guère la cou­tume chez les offi­ciers romains.

Un jour d’hi­ver par­ti­cu­liè­re­ment froid, Mar­tin, que la bise gla­cée trans­perce mal­gré son chaud man­teau dou­blé de four­rure, se hâte pour ren­trer à la caserne après une ins­pec­tion. Sou­dain il aper­çoit un homme à peine cou­vert de quelques haillons, recro­que­villé de froid, qui se traîne péni­ble­ment le long des rues. Autour de lui les gens passent sans même le regar­der. Mar­tin s’ar­rête et sans hési­ter, sort son épée, coupe en deux son man­teau et dans un élan d’a­mour fra­ter­nel en donne la moi­tié au mendiant.