Premier évêque de Tours (Ier ou IIIe s.).
Fête le 18 décembre.
L’ANCIENNE tradition de l’Église de Tours plaçait au temps des Apôtres l’arrivée sur les bords du Liger, la Loire d’aujourd’hui, du saint évêque Gatien, présenté comme l’un des bergers de Bethléem qui reçurent des anges la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur. Au contraire, certains auteurs font vivre le saint missionnaire au Ie siècle, de 250 à 301 ; ils lui donnent pour successeurs, en 337 ou 340, saint Lidoire (+371), puis en 371 l’illustre saint Martin, à partir de qui l’histoire apporte des précisions incontestées. Telle semble être, au XXe siècle, l’opinion d’un historiographe du diocèse de Tours qui a préféré ne remonter qu’au pontificat de saint Martin ; c’est du moins ainsi que nous interprétons la déclaration suivante :
La chrétienté de notre région avait été assez forte pour se maintenir pendant trente-trois ans environ sous la persécution et malgré la vacance du siège épiscopal ; cela prouve que saint Gatien avait laissé à sa mort un clergé relativement considérable qu’il avait formé.
Prédication de saint Gatien.
Matériellement florissant sous le gouvernement des Romains, le pays des Turonenses, la Touraine actuelle, dont la capitale, Tours, s’appelait alors Caesarodunum Turonensium, était plongé dans les ténèbres de l’idolâtrie, joignant à la pratique des superstitions les plus abominables des habitudes féroces d’une sauvage barbarie. Les regards du nouvel apôtre rencontraient partout les images des faux dieux, qui peuplaient la ville, les campagnes, les collines, les maisons particulières et les édifices publics.
Gatien se mit à l’œuvre. Dans des instructions familières, il commença par montrer l’inanité des idoles, leur faiblesse et leur impuissance.
Quand il eut dissipé les erreurs les plus grossières, amoindri l’estime des vaines cérémonies dans l’esprit des Turones, il leur présenta les vérités de l’Évangile ; il leur parla d’un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, il leur découvrit le mystère de la Sainte Trinité, il leur fit comprendre la nécessité de l’Incarnation du Verbe. Il célébra les grandeurs de la Vierge Marie, et la leur présenta comme une Mère pleine de bonté et de miséricorde.
La parole de l’apôtre ne tarda pas à faire des conquêtes. Mais les passions ont l’oreille dure et le démon est furieux quand on veut lui arracher ses victimes. Aussi le messager de l’Évangile recueille-t-il souvent les mépris des riches et des grands et la haine de la populace ignorante.
L’espoir du martyre.
Gatien, ferme et courageux au milieu de l’orage, se voit traité comme un espion, comme un violateur public des lois du pays. On le saisit alors, et on l’entraîne pour le faire mourir ou du moins le chasser de la contrée, après l’avoir rudement flagellé. Mais les infidèles ne purent exécuter leur inique dessein. Les disciples du Christ étaient déjà nombreux, et ils sauvèrent le pontife. « Cet homme, dirent-ils à leurs compatriotes, rend service à la ville par les guérisons qu’il y opère sur toutes sortes de maladies, et ses mœurs sont excellentes. »
Ces observations produisirent le meilleur effet : le peuple s’apaisa et laissa l’évêque en repos. Gatien poursuivit son œuvre avec ardeur. Sa vie, plus angélique qu’humaine, lui attirait un grand nombre de disciples ; et ceux qui ne voulaient pas se rendre à sa parole se laissaient souvent toucher par ses miracles.
Dans la solitude.
Mais la paix n’était jamais que passagère. Les païens s’irritaient souvent des conversions qu’opérait le pontife, et soulevaient de violentes persécutions contre les disciples de Jésus-Christ.
Gatien se retirait alors dans la solitude pour se soustraire aux outrages dont les hommes puissants du pays voulaient l’accabler. Ses enfants spirituels le suivaient, et le Bienheureux célébrait en secret les saints mystères dans les grottes et les cryptes.
D’après un auteur du XIIIe siècle, l’oratoire du premier évêque de Tours se trouvait au lieu où l’on éleva plus tard la célèbre abbaye de Marmoutier. Aux premiers siècles de l’ère chrétienne, cet asile n’était pas d’un abord facile. Les ronces et les épines en obstruaient l’unique chemin. Le pontife creusa dans le roc, de ses propres mains, une grotte, dont il fit un sanctuaire qu’il dédia à la glorieuse Vierge Marie. C’était là qu’il venait passer de longues heures en prière, après ses courses apostoliques, et qu’il se réfugiait au temps des persécutions.
Quelques chrétiens venaient partager sa solitude et ses entretiens ; et, pour ne plus se mêler aux souillures des rites profanes des infidèles, ils se creusèrent à proximité des retraites cachées. Ils se réunissaient dans le sanctuaire de Marie, à l’heure de la prière ; ils y assistaient au saint sacrifice de la messe, puis chacun d’eux regagnait sa grotte pour vaquer à la lecture, à la méditation ; et, pour rendre leur corps obéissant à l’âme, ils l’assujettissaient par la pénitence et la mortification.
Au XVIIe siècle, le prieuré de la Bienheureuse Marie des Sept Dormants, renfermé dans l’enclos du monastère de Marmoutier, passait pour être le sanctuaire dédié par Gatien à la Mère de Dieu.
Un cimetière chrétien.
Quand la persécution se ralentissait, le pontife quittait sa solitude et opérait de nouvelles conversions, de sorte que le nombre des fidèles croissait de jour en jour.

Gatien acquérait en même temps par ses miracles et ses vertus une grande autorité et obtenait l’estime de tous les habitants du pays. Grâce à son influence, on voyait diminuer peu à peu les images des divinités païennes. Les temples des idoles étaient renversés çà et là ; et le saint apôtre pouvait élever des autels au vrai Dieu. Les édits impériaux défendaient aux chrétiens d’enterrer leurs morts dans les villes. Gatien acheta, dans un des faubourgs de la cité de Tours, un terrain pour en faire un cimetière et y déposer les restes de ses enfants.
C’est auprès de ces tombes que le pontife aimait à rassembler son peuple. C’est là que, le dimanche, il célébrait les saints mystères, transmettait ses instructions aux fidèles, et fortifiait leur cœur par sa parole et ses exemples. C’est là qu’il leur distribuait le pain de vie, initiait les catéchumènes aux vérités sublimes de la foi, leur enseignait les pratiques de la vie chrétienne, les familiarisait avec les cérémonies du culte, et leur apprenait à chanter les louanges de Dieu par des cantiques sacrés.
On affirme que sur ce cimetière chrétien Gatien éleva même une sorte de Séminaire, et que de jeunes clercs se formaient à son école, à qui il enseignait les devoirs de leur état, et qu’il préparait soigneusement au sacerdoce pour les ordonner ensuite. Nous devons dire toutefois que, en 1911, l’archevêque de Tours écrivait de saint Martin qu’à ce dernier sont dus « la première école et le premier Séminaire qu’ait sans doute vus la Gaule ».