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Temps de lecture : 10 minutesDepuis quelque temps déjà, M. le Vicaire trouvait que Jean avait changé ; il semblait que quelque chose n’allait pas. Lui, si gai autrefois, presque trop, il devenait morose, triste.
Un jour, que M. le Vicaire expliquait le malheur qu’il y a à commettre le péché mortel, qui nous conduit en enfer pour toujours, Jean s’était mis à pleurer à chaudes larmes. Il avait essayé de se cacher derrière un camarade, mais les yeux de M. le Vicaire l’eurent bientôt découvert.
« Qu’est-ce qui peut bien lui faire tant de peine ? » se demanda M. l’Abbé.
Après la leçon, les enfants se disputaient l’honneur de porter la serviette du prêtre. Ce jour là, Jean lui rendit ce service et l’accompagna jusqu’à la maison. Arrivé à la cure, Jean ne fut pas étonné d’entendre M. le Vicaire l’inviter à entrer chez lui ; c’était l’habitude.
« Eh bien, mon petit Jean, assieds-toi un instant, dit M. le Vicaire en avançant une chaise. Et maintenant, dis-moi ce qui te fait tant de peine ! » lui demanda-t-il gentiment.
Le petit rougit comme un coquelicot et se rendit compte du pourquoi de l’aimable invitation. Il hésitait. Comment expliquer son chagrin, ce chagrin qui le faisait pleurer souvent le soir dans son lit ?
Non, il ne pouvait parler ; il avait honte de dire ce qu’il aurait dû raconter. Mais le prêtre ne le pressa pas ; il attendit tranquillement. Jean comprit que le prêtre lui voulait du bien ; alors, il surmonta sa crainte et raconta quelle était sa grande croix.
Oui, il avait une croix, le petit Jean ! Et cette croix, c’était son père, qu’il aimait pourtant beaucoup. Peu à peu, Jean confia à M. le Vicaire que son papa n’allait jamais à l’église, qu’il se moquait de maman quand elle priait avec les enfants. Il se moquait même du bon Dieu. « Il est seulement pour les riches, ton bon Dieu », disait-il. Et depuis que lui, Jean, se préparait à la première communion, son père ne le laissait plus tranquille. Le soir, quand il rentrait de la fabrique, il commençait à le chicaner. « Aucun homme raisonnable ne peut croire que Jésus habite dans un peu de pain, avait-il dit hier. Si vraiment il y avait un Dieu, il aurait autre chose à faire que