Le tabernacle violé

Auteur : Diethelm, P. Walther | Ouvrage : Le plus beau cadeau .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Catéchisme aux enfants - Village au bord d'un lac suisseIl y a quelques années, une vio­la­tion sacri­lège était com­mise dans une humble église de vil­lage, sur les rives d’un lac suisse.

De bon matin, avant l’an­gé­lus, le sacris­tain se hâte vers la cure et tire la clo­chette comme pour son­ner le toc­sin. Heu­reu­se­ment M. le Curé est déjà debout, prêt à se rendre à l’é­glise. Il regarde par la fenêtre : « Qu’y a‑t-il ? Y‑a-t-il un mou­rant à qui il faut por­ter les der­niers sacrements ? »

« C’est moi, M. le Curé, répond le sacris­tain, bégayant d’é­mo­tion. Il y a eu des cam­brio­leurs dans l’é­glise cette nuit. La porte est enfon­cée ; s’il vous plaît, venez vite ! »

Il n’eut pas besoin de dire cela deux fois. Immé­dia­te­ment, M. le Curé effrayé est auprès de son sacris­tain, et ensemble, ils accourent à l’é­glise pour consta­ter le méfait.

Oui, la porte de l’é­glise est for­cée, elle est toute grande ouverte. En exa­mi­nant la ser­rure, on découvre les traces des ins­tru­ments dont les cam­brio­leurs se sont servis.

Pous­sé par un pres­sen­ti­ment, le vieux prêtre se dirige en hâte vers l’au­tel. Que voit-il ? Le taber­nacle aus­si a été for­cé, les deux bat­tants sont ouverts, et l’in­té­rieur est vide. Les voleurs ont pris et empor­té les vases sacrés avec les hos­ties consacrées.

Quand il découvre cette vio­la­tion, le prêtre tombe à genoux sur les marches de l’au­tel, et, les mains levées, il implore le par­don de Dieu, offen­sé par une faute si grave.

Dans la mati­née, la nou­velle de ce crime affreux se répand dans tout le vil­lage ; tout le monde en est pro­fon­dé­ment affli­gé. Des hommes même ne peuvent rete­nir leurs larmes tant leur cha­grin est pro­fond. Pen­dant toute la jour­née, les fidèles se rendent à l’é­glise pour offrir répa­ra­tion au Sei­gneur. Les voleurs ont pris les saintes hos­ties et Jésus n’ha­bite plus au taber­nacle, mais ils veulent, par leurs prières, dire com­bien ils sont pei­nés de cette offense.

Le dimanche sui­vant toute la paroisse s’u­nit dans une expia­tion publique. Hommes, femmes et enfants com­mu­nièrent ce matin-là, pour prou­ver leur foi et leur amour à Jésus pré­sent sous les appa­rences du pain. Ce fut une grande joie pour le Cœur de Jésus offensé.

Lors de la leçon de caté­chisme, M. le Curé, encore tout ému, s’a­dres­sa pater­nel­le­ment à ses chers enfants, se sou­ve­nant de leur pié­té tou­chante quand, le dimanche, ils avaient reçu la sainte com­mu­nion. « Mes chers enfants, leur dit-il, votre amour pour Jésus a été pour moi une grande conso­la­tion ces jours pas­sés ; je suis sûr que Jésus a vu votre pié­té et la peine que vous avez éprou­vée à cause de ce sacri­lège. Que jamais l’un de vous ne fasse une chose pareille dans sa vie ; et que, tou­jours, vous soyez prêts à répa­rer un tel crime si jamais il s’en com­met­tait de nouveau. »

Ces mots sur­tout étaient dits avec insis­tance, comme si le prêtre avait vou­lu se ras­su­rer : « N’est-ce pas, aucun de vous ne fera jamais une chose pareille ? » Les enfants levèrent vers lui un regard éton­né. C’é­tait comme si eux aus­si vou­laient savoir si vrai­ment leur curé dou­tait de leur fidé­li­té. Com­ment pou­vait-il croire qu’un de ses enfants osât cam­brio­ler une église et vio­ler le tabernacle ?

« C’est bien, mes enfants, dit le prêtre adou­cis­sant sa voix. Je com­prends très bien ce que vous vou­lez me dire. Dans vos yeux, je lis la même expres­sion que Jésus sur­prit dans ceux de ses apôtres quand il leur dit : « L’un de vous me tra­hi­ra ». Jésus savait que c’é­tait Judas. Mais les apôtres ne savaient pas, voi­là pour­quoi cha­cun vou­lait avoir l’as­su­rance du Maître : « N’est-ce pas, ce n’est pas moi ? je vous aime beau­coup trop pour cela. »

Sacrement de l'Eucharistie - Juan de Juanes - La Cène - Museo del Prado
La Cène – Juan de Juanes – Museo del Prado

« Mes enfants, je ne sais pas tout comme le bon Dieu, je ne lis pas dans vos cœurs, je ne vois pas l’a­ve­nir. Tout ce que je connais, c’est votre bonne volon­té et votre pié­té. Mais il faut que vous res­tiez ain­si, sinon vous pour­riez deve­nir aus­si des vio­la­teurs de taber­nacle. Écou­tez mes expli­ca­tions et ne les oubliez jamais ! Cha­cun de vous est un taber­nacle où le Bon Dieu habite. Cha­cun est comme un ciboire où Jésus repose. Ce taber­nacle, vous ne devez jamais le vio­ler en com­met­tant le péché. Rap­pe­lez-vous que si vous com­met­tez un péché mor­tel, vous deve­nez vio­la­teurs de taber­nacle dans l’é­glise de votre âme. »

Les enfants écou­taient ces paroles dans un pro­fond silence, comme s’ils avaient été à l’é­glise au moment de la béné­dic­tion du Très Saint Sacre­ment. Une béné­dic­tion ne tom­bait-elle pas en ce moment sur cha­cun de ces enfants ? Sûre­ment, Jésus l’A­mi des enfants éten­dait ses mains bénis­santes sur tous, pour qu’ils prennent soin de l’é­glise de leur âme.

« Voyez mes enfants, conti­nua M. le Curé ; sur la croix, Jésus a prié pour ses bourreaux : «
 Sei­gneur, par­don­nez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Sou­hai­tons que cette prière touche l’âme des cam­brio­leurs qui ont com­mis le crime dans notre église. Peut-être ces mal­heu­reux ne savaient-ils pas non plus ce qu’ils fai­saient. Peut-être ne croyaient-ils pas à la pré­sence de Jésus dans les hos­ties consa­crées ; un saint res­pect et la foi de leur enfance les auraient empê­chés de com­mettre ce sacri­lège. Il faut espé­rer que le Bon Dieu leur par­don­ne­ra leur faute. Pour vous, mes enfants, cette excuse ne comp­te­rait pas, car vous savez que vous êtes des taber­nacles vivants et que Jésus habite en vous ! »

Cette leçon de caté­chisme fit grande impres­sion. Long­temps après, les enfants res­tèrent assis dans leurs bancs à dis­cu­ter. Pour que per­sonne ne les enten­dît, l’un d’eux mon­tait la garde près de la porte. Leur dis­cus­sion, tout le monde aurait pu l’é­cou­ter et, cer­tai­ne­ment au ciel, les anges ont eu ciboire offert par les enfants en réparation de la profanation du tabernaclegrande joie à l’en­tendre. Les enfants se deman­daient ce qu’ils pour­raient faire pour ne jamais com­mettre un péché mor­tel dans leur vie. Vio­la­teur de taber­nacle !… non, aucun ne vou­lait le deve­nir ! Ils pré­fé­raient faire un grand sacri­fice, même de nom­breux grands sacri­fices pour évi­ter un tel malheur.

Sous l’ins­pi­ra­tion de leurs anges gar­diens, sans doute, les enfants déci­dèrent d’a­che­ter un ciboire pour rem­pla­cer celui que les voleurs avaient empor­té. Une année après un ciboire neuf se trou­vait dans le taber­nacle vio­lé. Que de sacri­fices il repré­sen­tait ! Chaque enfant, de tout son cœur, avait renon­cé à toute frian­dise jus­qu’à ce que la somme néces­saire fût recueillie. C’é­tait leur preuve d’a­mour à Jésus. M. le Curé fit gra­ver sur le ciboire cette dédi­cace : « Les enfants de la paroisse offrent ce ciboire à Jésus pour qu’il les garde en état de grâce toute leur vie. »

Quelle joie ce fut pour Notre-Sei­gneur outra­gé de rece­voir des enfants ce témoi­gnage d’a­mour, de recon­nais­sance et de répa­ra­tion, et comme le bon Maître dut les bénir en pro­por­tion de leur générosité !

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