Il y a quelques années, une violation sacrilège était commise dans une humble église de village, sur les rives d’un lac suisse.
De bon matin, avant l’angélus, le sacristain se hâte vers la cure et tire la clochette comme pour sonner le tocsin. Heureusement M. le Curé est déjà debout, prêt à se rendre à l’église. Il regarde par la fenêtre : « Qu’y a‑t-il ? Y‑a-t-il un mourant à qui il faut porter les derniers sacrements ? »
« C’est moi, M. le Curé, répond le sacristain, bégayant d’émotion. Il y a eu des cambrioleurs dans l’église cette nuit. La porte est enfoncée ; s’il vous plaît, venez vite ! »
Il n’eut pas besoin de dire cela deux fois. Immédiatement, M. le Curé effrayé est auprès de son sacristain, et ensemble, ils accourent à l’église pour constater le méfait.
Oui, la porte de l’église est forcée, elle est toute grande ouverte. En examinant la serrure, on découvre les traces des instruments dont les cambrioleurs se sont servis.
Poussé par un pressentiment, le vieux prêtre se dirige en hâte vers l’autel. Que voit-il ? Le tabernacle aussi a été forcé, les deux battants sont ouverts, et l’intérieur est vide. Les voleurs ont pris et emporté les vases sacrés avec les hosties consacrées.
Quand il découvre cette violation, le prêtre tombe à genoux sur les marches de l’autel, et, les mains levées, il implore le pardon de Dieu, offensé par une faute si grave.
Dans la matinée, la nouvelle de ce crime affreux se répand dans tout le village ; tout le monde en est profondément affligé. Des hommes même ne peuvent retenir leurs larmes tant leur chagrin est profond. Pendant toute la journée, les fidèles se rendent à l’église pour offrir réparation au Seigneur. Les voleurs ont pris les saintes hosties et Jésus n’habite plus au tabernacle, mais ils veulent, par leurs prières, dire combien ils sont peinés de cette offense.
Le dimanche suivant toute la paroisse s’unit dans une expiation publique. Hommes, femmes et enfants communièrent ce matin-là, pour prouver leur foi et leur amour à Jésus présent sous les apparences du pain. Ce fut une grande joie pour le Cœur de Jésus offensé.
Lors de la leçon de catéchisme, M. le Curé, encore tout ému, s’adressa paternellement à ses chers enfants, se souvenant de leur piété touchante quand, le dimanche, ils avaient reçu la sainte communion. « Mes chers enfants, leur dit-il, votre amour pour Jésus a été pour moi une grande consolation ces jours passés ; je suis sûr que Jésus a vu votre piété et la peine que vous avez éprouvée à cause de ce sacrilège. Que jamais l’un de vous ne fasse une chose pareille dans sa vie ; et que, toujours, vous soyez prêts à réparer un tel crime si jamais il s’en commettait de nouveau. »
Ces mots surtout étaient dits avec insistance, comme si le prêtre avait voulu se rassurer : « N’est-ce pas, aucun de vous ne fera jamais une chose pareille ? » Les enfants levèrent vers lui un regard étonné. C’était comme si eux aussi voulaient savoir si vraiment leur curé doutait de leur fidélité. Comment pouvait-il croire qu’un de ses enfants osât cambrioler une église et violer le tabernacle ?
« C’est bien, mes enfants, dit le prêtre adoucissant sa voix. Je comprends très bien ce que vous voulez me dire. Dans vos yeux, je lis la même expression que Jésus surprit dans ceux de ses apôtres quand il leur dit : « L’un de vous me trahira ». Jésus savait que c’était Judas. Mais les apôtres ne savaient pas, voilà pourquoi chacun voulait avoir l’assurance du Maître : « N’est-ce pas, ce n’est pas moi ? je vous aime beaucoup trop pour cela. »
« Mes enfants, je ne sais pas tout comme le bon Dieu, je ne lis pas dans vos cœurs, je ne vois pas l’avenir. Tout ce que je connais, c’est votre bonne volonté et votre piété. Mais il faut que vous restiez ainsi, sinon vous pourriez devenir aussi des violateurs de tabernacle. Écoutez mes explications et ne les oubliez jamais ! Chacun de vous est un tabernacle où le Bon Dieu habite. Chacun est comme un ciboire où Jésus repose. Ce tabernacle, vous ne devez jamais le violer en commettant le péché. Rappelez-vous que si vous commettez un péché mortel, vous devenez violateurs de tabernacle dans l’église de votre âme. »
Les enfants écoutaient ces paroles dans un profond silence, comme s’ils avaient été à l’église au moment de la bénédiction du Très Saint Sacrement. Une bénédiction ne tombait-elle pas en ce moment sur chacun de ces enfants ? Sûrement, Jésus l’Ami des enfants étendait ses mains bénissantes sur tous, pour qu’ils prennent soin de l’église de leur âme.
« Voyez mes enfants, continua M. le Curé ; sur la croix, Jésus a prié pour ses bourreaux : «
Seigneur, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Souhaitons que cette prière touche l’âme des cambrioleurs qui ont commis le crime dans notre église. Peut-être ces malheureux ne savaient-ils pas non plus ce qu’ils faisaient. Peut-être ne croyaient-ils pas à la présence de Jésus dans les hosties consacrées ; un saint respect et la foi de leur enfance les auraient empêchés de commettre ce sacrilège. Il faut espérer que le Bon Dieu leur pardonnera leur faute. Pour vous, mes enfants, cette excuse ne compterait pas, car vous savez que vous êtes des tabernacles vivants et que Jésus habite en vous ! »
Cette leçon de catéchisme fit grande impression. Longtemps après, les enfants restèrent assis dans leurs bancs à discuter. Pour que personne ne les entendît, l’un d’eux montait la garde près de la porte. Leur discussion, tout le monde aurait pu l’écouter et, certainement au ciel, les anges ont eu grande joie à l’entendre. Les enfants se demandaient ce qu’ils pourraient faire pour ne jamais commettre un péché mortel dans leur vie. Violateur de tabernacle !… non, aucun ne voulait le devenir ! Ils préféraient faire un grand sacrifice, même de nombreux grands sacrifices pour éviter un tel malheur.
Sous l’inspiration de leurs anges gardiens, sans doute, les enfants décidèrent d’acheter un ciboire pour remplacer celui que les voleurs avaient emporté. Une année après un ciboire neuf se trouvait dans le tabernacle violé. Que de sacrifices il représentait ! Chaque enfant, de tout son cœur, avait renoncé à toute friandise jusqu’à ce que la somme nécessaire fût recueillie. C’était leur preuve d’amour à Jésus. M. le Curé fit graver sur le ciboire cette dédicace : « Les enfants de la paroisse offrent ce ciboire à Jésus pour qu’il les garde en état de grâce toute leur vie. »
Quelle joie ce fut pour Notre-Seigneur outragé de recevoir des enfants ce témoignage d’amour, de reconnaissance et de réparation, et comme le bon Maître dut les bénir en proportion de leur générosité !
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