Jusque-là, Jacques a été un petit gars très heureux.
Et puis, brusquement, la maladie, cette sinistre visiteuse, est venue mettre sa vilaine main sur lui. En vain le docteur a ordonné les traitements les plus énergiques.
En vain aussi, la maman de Jacques, si courageuse pour cacher son angoisse et sa peine, lui a prodigué les soins si délicats que seule une maman peut inventer. Rien n’y a fait : le petit gars n’a pu retrouver complètement la santé.
Alors, il fallu prendre une décision, combien douloureuse pour tous : envoyer Jacques dans un établissement au bord de la mer où l’air du large, en même temps qu’un traitement approprié, lui redonnerait sa vigueur passée.
Après une nuit bien pénible, tant il avait de chagrin de quitter les siens, et où cent fois au moins, il a demandé à l’infirmière qui l’accompagnait : « Dites, Madame, on n’est pas bientôt arrivés ? » Jacques a enfin rejoint cette grande maison située à l’extrémité de la côte et que de hauts tamaris protègent de la brutalité des vents d’ouest.
* * *
Les premiers jours ont été particulièrement durs pour Jacques, habitué à voir ses moindres désirs d’enfant malade satisfaits ; et tout spécialement le soir, dans son petit lit, en pensant à la maison et surtout à la chère maman qui n’allait pas venir embrasser son petit, il lui est arrivé déverser de grosses larmes.
Mais les infirmières sont si gentilles et l’emploi du temps si bien organisé que, peu à peu, il s’est acclimaté. Maintenant, il connaît les habitudes de la maison, il en connaît le médecin, les surveillantes, et bien que d’un naturel assez timide, il a déjà fait connaissance avec quelques petits camarades.
Ce qui l’ennuie bien encore un peu, ce sont ces interminables heures de cure, pendant lesquelles il faut rester sagement allongé. Si encore les galeries donnaient sur le large, on pourrait au moins s’amuser à contempler les barques partant à la pêche aux sardines, ou bien encore le jeu des vagues qui se bousculent entre elles et que Jacques ne se lasse pas d’admirer quand il descend sur la plage.
Mais pour que les malades ne soient pas incommodés par les pluies, les galeries sont justement orientées vers le port. Alors, pour passer le temps, Jacques se plonge dans le livre qu’il a apporté de chez lui : « Tempête sur le Pôle ».
Pour la dixième fois au moins, il relit ce passage qu’il aime particulièrement : l’explorateur, perdu sur la banquise, voit enfin arriver l’avion sauveur qui lui apporte des vivres.
Une voix qui n’est pas celle du pilote mais bien celle de l’infirmière, Mme Rose, qui surveille habituellement la galerie, le tire brusquement de sa lecture palpitante :
« On m’appelle au téléphone, mes petits. Je m’en vais, mais je compte sur vous pour continuer votre cure comme si je ne vous avais pas quittés. Pour cela, voyez, je ne veux pas désigner de surveillant parmi vous. »