Oh ! le beau modèle eucharistique ! comme elle a bien su se sanctifier par la Communion, cette enfant bénie ! La COMMUNION était pour cet Ange de pureté un festin de joie. A tous ceux qui la considéraient, elle apparaissait alors transfigurée : « On eût dit, déclare un témoin, un ostensoir vivant qui s’avançait tout rayonnant d’amour. » Ceux qui ont vu cette virginale enfant revenir de la Sainte Table, ne l’oublieront jamais, plusieurs affirment que son visage prenait alors un éclat extraordinaire. Jésus transparaissait en son petit lis éclatant de pureté. Tout cela, c’était la récompense merveilleuse de sa générosité, de sa préparation toujours fervente à la sainte Communion.
Quand le moment en approchait, rien ne pouvait la sortir de son recueillement. Un jour, la matinée était splendide et chaque brin d’herbe comme serti de diamants, la lumière s’accrochant à chaque goutte de rosée, Les hirondelles alignées sur les fils du télégraphe gazouillaient, tout était enchantement, et son frère, émerveillé, traduisait son admiration en cris enthousiastes et en bonds joyeux : « Jojo, fit Anne, en mettant un doigt sur ses lèvres, il faut penser à ta Communion. » Au retour de la Messe, les enfants parlaient des hirondelles et de tout ce qui les avait ravis : « Maman, moi aussi, dit Anne avec candeur, j’avais bien envie de dire mon admiration comme Jojo, mais j’ai fait un sacrifice au petit Jésus pour mieux le recevoir. » Souvent elle redisait : Petit Jésus, mon doux Sauveur, gardez mon cœur toujours à vous ! Ou bien, au milieu de ses jeux les plus entraînants, elle s’arrêtait et avec une gravité douce : « Jojo, disait-elle, si nous allions faire une petite prière pour nous préparer à la Communion de demain ? »
Elle a pratiqué avec une perfection rare la devise du Croisé : Se vaincre pour communier et communier pour se vaincre.
— L’obéissance est la sainteté des enfants, avait dit le Père prédicateur de sa retraite de Première Communion faite à six ans. Aussi avait-elle pris alors la résolution d’être très obéissante. Et elle le devint tellement que son institutrice a pu écrire : « Jamais, quand on lui disait de faire une chose, elle n’en demandait la raison, elle obéissait promptement et toujours joyeusement. » Personne ne se souvient, lit-on dans sa Vie, par le P. Lajeunie, de l’avoir vue une seule fois hésiter quand l’obéissance commandait ; on ne l’entendait jamais ni murmurer, ni raisonner.
Cette grande vertu ne lui était pas naturelle. Les Saints ne naissent pas saints, ils le deviennent parce qu’ils se sont corrigés de leurs défauts. Anne, à deux ou trois ans, était un bébé volontaire et difficile. C’est par amour pour Jésus qu’elle devint si vertueuse. Toute petite, elle aimait à commander, à dominer ; par vertu, ensuite, elle ne cherchait plus qu’à être oubliée. Douce, humble, effacée, elle mettait en pratique la grande leçon de Jésus : Apprenez de moi à être doux et humble de cœur. Au commencement, quand ses frères et sœurs la contrariaient, l’agaçaient, elle se retournait vers son institutrice en s’écriant : « Oh ! que j’ai envie de me fâcher ! » Mais elle se dominait, et quand elle eut bien lutté pour acquérir la douceur, elle n’avait même plus envie de se fâcher. Devenue une vraie petite maman pour ses frères et sœurs, elle les consolait, les faisait travailler, les amusait, leur cédant toujours, passant des heures entières à faire « le cheval » du petit Jacques, ce qui la fatiguait et ce qu’elle détestait. Elle le faisait aimablement, sans se plaindre.