Et maintenant une histoire ! Posts

Auteur : Bourron, M. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Non, il ne vou­lait pas quit­ter la mai­son pour aller là-bas, dans cette ferme comme petit . Depuis huit jours on ne par­lait que de cela.

Georges n’a­vait plus que sa maman et sa grande sœur qui était repasseuse.

Cette année, la vie deve­nant plus dif­fi­cile, la maman de Georges s’in­quié­tait pour son fils, assez déli­cat de san­té ; le doc­teur du dis­pen­saire et les infir­mières consul­tés avaient répondu :

Le prêtre, le berger des chrétiens« Il faut envoyer cet enfant à la cam­pagne. Met­tez-le petit ber­ger dans une bonne famille de culti­va­teurs, vous ver­rez comme cela lui fera du bien ; l’âme et le corps y gagneront.

Quand sa maman lui avait rap­por­té ces paroles, en venant l’at­tendre avec sa sœur à la sor­tie du patro (on était un jeu­di), Georges s’é­tait mis à pleurer :

« Non, je ne veux pas par­tir ! Tant pis si je suis malade, je ne veux pas être berger !

— Tu n’es pas rai­son­nable, mon petit Georges, avait dit sa sœur Mar­celle ; pense au sou­la­ge­ment que nous aurons, maman et moi, de te savoir bien nour­ri et au bon air ; tu devrais être fier de pen­ser que tu vas pou­voir nous déchar­ger et gagner ta nour­ri­ture. Tiens, voi­là jus­te­ment Mon­sieur l’Ab­bé qui passe, nous allons lui deman­der son avis.

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Il y a sur terre un mil­liard sept cent vingt-six mil­lions d’hommes.

Sur ce nombre, un mil­liard qua­rante-trois mil­lions ne sont pas encore chrétiens.

Sur les six cent quatre-vingt-trois mil­lions de chré­tiens, les catho­liques sont trois cent cinq millions.

Donc, dans l’en­semble du monde, sur cent hommes vivants, il n’y en a pas plus de dix-sept ou dix-huit qui aient été bap­ti­sés catholiques.

En Afrique, sur cent hommes vivants, la pro­por­tion des catho­liques est de deux, plus trois dixièmes.

En Asie, sur cent hommes vivants, la pro­por­tion des catho­liques est de un, plus six dixièmes.

Histoire des missions pour les jeunes et le catéchisme
MADAGASCAR. — Une leçon de musique chez les Fran­cis­caines Mis­sion­naires de Marie.

Ces chiffres montrent quel immense champ de tra­vail s’offre encore à l’É­glise ; ces chiffres font com­prendre tout ce qu’il y a de pres­sant, tout ce qu’il y a d’im­pé­rieux dans les accents du pape Pie XI, lors­qu’il demande que tous les évêques, que tous les prêtres, que tous les catho­liques, hommes et femmes, prêtent aux mis­sion­naires le genre d’aide qu’ils peuvent, cha­cun dans sa sphère, leur apporter.

Les tout jeunes aus­si, ceux à qui ce livre s’a­dresse, peuvent beau­coup pour les mis­sions. Ils peuvent les ser­vir par leur prière, cette prière des cœurs purs, que Dieu accueille volontiers.

Ils peuvent les ser­vir par leurs géné­ro­si­tés, en s’ins­cri­vant à l’Œuvre de la Pro­pa­ga­tion de la Foi, qui assure au Pape les res­sources néces­saires pour l’en­tre­tien des mis­sions sur la sur­face de la terre ; à l’Œuvre de la Sainte-Enfance, qui sauve de la mort, en pays païens, les enfants aban­don­nés, et qui fait d’eux des chré­tiens ; à l’Œuvre de Saint-Pierre Apôtre, qui fonde des sémi­naires pour la for­ma­tion des cler­gés jaunes ou des cler­gés noirs ; à l’Œuvre des Écoles d’O­rient, qui, par­tout sur les rives de la Médi­ter­ra­née orien­tale, entre­tient des écoles catho­liques au milieu des popu­la­tions chré­tiennes encore sépa­rées de Rome ; à l’Œuvre Apos­to­lique, qui four­nit aux Mis­sion­naires les objets litur­giques et pour­voit à leurs autres besoins.

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 5 minutes

XXVII

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

Une femme, sainte Thé­rèse de l’En­fant-Jésus, a été don­née comme patronne, par Pie XI, aux mis­sion­naires du monde entier. Elle avait dit, toute jeune, en son de Lisieux : « Je vou­drais être mis­sion­naire, non seule­ment pen­dant quelques années, mais je vou­drais l’a­voir été depuis la créa­tion du monde, et conti­nuer de l’être jus­qu’à la consom­ma­tion des siècles. »

Sainte Thérèse de Lisiseux, patronne des missions
Cha­pelle de car­mel de Saïgon

Ce car­mel auquel elle appar­te­nait avait eu l’hon­neur, aux alen­tours de 1860, d’en­voyer en Indo-Chine quelques reli­gieuses, pour y fon­der un car­mel à Saï­gon. Mère Gene­viève de Sainte-Thé­rèse, prieure de Lisieux, avait défé­ré, tout de suite, aux dési­rs d’un grand mis­sion­naire, Mgr Lefebvre, des Mis­sions Étran­gères, et vou­lu que plu­sieurs de ses Sœurs par­tissent pour la Cochin­chine, afin de prier, là-bas, pour les apôtres qui tra­vaillaient. Et l’on avait vu d’autres car­mels se créer en Indo-Chine, à l’exemple de Saïgon.

L’i­ma­gi­na­tion de sainte Thé­rèse de l’En­fant-Jésus s’é­va­dait vers ces races jaunes, où l’on avait, par­fois, le goût de la vie contem­pla­tive : pour­quoi ne pas leur mon­trer qu’au lieu de cher­cher dans la reli­gion de Boud­dha une satis­fac­tion pour cet attrait, elles pou­vaient la trou­ver dans la reli­gion du Christ ? Mais il était dans les des­ti­nées de sainte Thé­rèse de l’En­fant-Jésus de ne point quit­ter son monas­tère de Lisieux. Elle aidait les mis­sion­naires, certes, mais elle les aidait en sacri­fiant à la volon­té de Dieu, — son Dieu et le leur, — l’ardent désir qu’elle aurait eu d’être auprès d’eux.

Dieu enten­dait son désir, et un peu plus de trente ans après sa mort, le pape Pie XI l’exauça.

Sainte Thé­rèse de l’En­fant-Jésus est aujourd’­hui auprès de tous les mis­sion­naires, pour la suite des siècles : elle les assiste, elle les pro­tège ; elle est, de par la parole du Pape, leur bien­fai­trice tou­jours pré­sente ; le rêve qu’elle fai­sait d’être mis­sion­naire elle-même jus­qu’à la consom­ma­tion des temps est ain­si réalisé.

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 8 minutes

XXVI

Les femmes missionnaires, les prêtres jaunes et noirs

Les religieuses missionnaires du monde entier

Que l’É­van­gile du Christ soit por­té par­tout : c’est là le sou­hait de tout chré­tien digne de ce nom. Com­ment dès lors serait-on sur­pris que des âmes de femmes qui aiment le Christ veuillent se dévouer, per­son­nel­le­ment, à cette noble tâche mis­sion­naire ? Cette Marie de l’In­car­na­tion dont nous avons par­lé, et puis, au XVIIIe siècle, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres, furent à cet égard des devan­cières ; aux XIXe et XXe siècles, nom­breuses sont les femmes mis­sion­naires, et nom­breuses sont les congré­ga­tions reli­gieuses qui expé­dient aux mis­sions un cer­tain nombre de leurs membres. La cor­nette blanche des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul émi­grait en 1838 sur le rivage orien­tal de la Médi­ter­ra­née ; plus tard, elle a émi­gré au-delà des Océans. Sainte Sophie Barat, fon­da­trice des Dames du , vit une de ses reli­gieuses, Mère Duchesne, se faire l’a­pôtre des Indiens sau­vages de l’A­mé­rique du Nord. Mère Javou­hey, fon­da­trice des Sœurs de Saint-Joseph de Clu­ny, s’en fut chez les nègres du Séné­gal et chez les nègres de la Guyane, et ceux-ci l’ai­maient tel­le­ment, qu’ils vou­laient, en 1848, l’é­lire comme dépu­té. C’est grâce aux écoles et aux hôpi­taux orga­ni­sés par Mère de Via­lar, fon­da­trice des Sœurs de Saint-Joseph de l’Ap­pa­ri­tion, que les musul­mans d’Al­gé­rie, très peu de temps après la conquête, connurent les bien­faits de la cha­ri­té chré­tienne, et que la foi romaine devint plus fami­lière aux popu­la­tions de l’Ar­chi­pel et de l’A­sie Mineure, qui ont pour chefs spi­ri­tuels des évêques non sou­mis au Pape. Dans la seconde moi­tié du XIXe siècle, des congré­ga­tions fémi­nines com­men­cèrent de se fon­der, qui ne devaient pour­suivre d’autre objet que celui d’ai­der les mis­sion­naires. Une des plus impor­tantes est celle des Sœurs Blanches, filles de ce génie apos­to­lique que fut le car­di­nal Lavi­ge­rie : elles ont beau­coup fait pour la pros­pé­ri­té spi­ri­tuelle de cette chré­tien­té de l’Ou­gan­da, dont tout à l’heure nous par­lions. Et, par­cou­rant toute la gamme des cou­leurs, je pour­rais vous par­ler des Sœurs Bleues de Castres, qui au Gabon sont d’ad­mi­rables auxi­liaires pour les Pères du Saint-Esprit, et qui ont la joie insigne de recueillir en leurs ouvroirs de petites sau­va­gesses, et d’en faire des chré­tiennes et des civi­li­sées, et de les défendre contre les vilains pro­jets de cer­taines familles qui vou­draient les don­ner à de vieux chefs sau­vages ayant déjà plu­sieurs femmes ; je pour­rais vous par­ler des Sœurs Grises du Cana­da, fon­dées au XVIIIe siècle, et qui, au XIXe, à la suite des Oblats de Marie-Imma­cu­lée, se sont enfon­cées dans les régions les plus sau­vages de l’Ex­trême-Nord amé­ri­cain, vivant sous les huttes, navi­guant sur des pirogues fra­giles, bra­vant les rapides, affron­tant les périls les plus divers, pour aller à la recherche des âmes ; et il me semble, en décri­vant ain­si la vie quo­ti­dienne des Sœurs Grises, décrire celle, aus­si, que mènent en Papoua­sie les Reli­gieuses de Notre-Dame du Sacré-Cœur d’.

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 6 minutes

XXV

Le père Bourjade, missionnaire du Sacré-Cœur d’Issoudun chez les Papous

Un avia­teur fran­çais de la Grande Guerre, Bour­jade, mou­rait mis­sion­naire, six ans après le réta­blis­se­ment de la paix, dans la Nou­velle-Gui­née Bri­tan­nique. Il dut toutes ses éner­gies, toutes ses aspi­ra­tions, à la médi­ta­tion quo­ti­dienne du livre de sainte Thé­rèse de l’En­fant-Jésus : l’His­toire d’une âme ; elle était déjà sa patronne, à lui Bour­jade, avant que Pie XI ne l’eût pro­cla­mée patronne de tous les missionnaires.

Tout jeune, il s’é­tait sen­ti atti­ré vers la congré­ga­tion du d’, fon­dée au XIXe siècle par le Père Che­va­lier. Cette congré­ga­tion par­tage avec nos Maristes et nos Pic­pu­ciens la tâche d’é­van­gé­li­ser l’ et de la civi­li­ser. Pour se ran­ger sous les dis­ci­plines du novi­ciat, le jeune Bour­jade avait dû s’exi­ler de sa patrie, émi­grer en Espagne, en Suisse. Le fervent Fran­çais qu’il était avait accep­té d’al­ler au loin, comme pré­lude de la vie de sacri­fices qui, chez les sau­vages, l’at­ten­dait. Et l’acte d’of­frande par lequel naguère, à Lisieux, la petite car­mé­lite s’é­tait don­née au Christ, devint, dès qu’à Fri­bourg Bour­jade en connut le texte, la devise même de sa propre vie.

avion Bourjade avec sainte ThérèseLa guerre de 1914 rame­nait Bour­jade en France ; et dans le rêve qu’il for­mait, et qui se réa­li­sa, de délais­ser le ser­vice des cra­pouillots pour entrer dans l’a­via­tion, se glis­sait à l’ar­rière-plan une idée mis­sion­naire : il son­geait que pour ces conquêtes spi­ri­tuelles qui, durant l’a­près-guerre, seraient son office et son par­tage, l’, rede­ve­nu paci­fique, pour­rait être un mer­veilleux ins­tru­ment. La paix réta­blie ouvrait au « pilote de sainte Thé­rèse » des pers­pec­tives nou­velles dans la cin­quième par­tie du monde : en 1921, Bour­jade pre­nait la route de l’O­céa­nie. Vers la fin de sa vie ter­restre, cette Thé­rèse dont il éprou­vait sans cesse, au delà du voile qui sépare terre et ciel, la fidé­li­té pro­tec­trice, avait dit à l’une de ses sœurs du , qui la voyait mar­cher avec beau­coup de peine : « Savez-vous ce qui me donne des forces ? Eh bien ! je marche pour un mis­sion­naire ; je pense que là-bas, bien loin, un d’eux est peut-être épui­sé dans ses courses apos­to­liques, et, pour dimi­nuer ses fatigues, j’offre les miennes à Dieu. »

Bour­jade avait sou­vent admi­ré cet émou­vant pro­pos, et lors­qu’il navi­guait vers les popu­la­tions les plus sau­vages de l’u­ni­vers, il était sou­te­nu par le sou­ve­nir de Thé­rèse. Lors­qu’elle appar­te­nait à l’É­glise mili­tante, elle « mar­chait » pour les mis­sion­naires ; aujourd’­hui, membre de l’É­glise triom­phante, elle avait d’autres méthodes pour les servir.

Bour­jade allait prendre contact avec ces Papous, chez qui Mgr Ver­jus, en 1885, avait jeté les pre­miers germes du Cre­do ; il allait voir, dans leur cathé­drale de Yule-Island, les femmes aux têtes rasées, vêtues d’un léger pagne en herbes, qu’ornent des dents de chien ; les hommes tout ruti­lants d’huile rouge, dont les bra­ce­lets de fibre, les cein­tures d’é­corce, les jar­re­tières sont parés d’herbes odo­rantes, et dont la che­ve­lure cré­pue se constelle de magni­fiques fleurs. Mais Bour­jade n’é­tait pas des­ti­né à être le des­ser­vant d’une cathé­drale ; il fal­lait qu’il allât plus loin dans la pleine sau­va­ge­rie, dans la pleine cana­que­rie, sur ces bords fétides où bâillent les cro­co­diles ; il fal­lait qu’il affron­tât les maré­cages et qu’il affron­tât les ser­pents. Il fal­lait qu’il accep­tât l’i­dée de se dévouer jus­qu’à la mort pour des sau­vages qu’il était dif­fi­cile d’ap­pro­cher, plus dif­fi­cile encore de conver­tir, puisque en qua­rante ans ses frères d’a­pos­to­lat n’a­vaient pu prendre contact qu’a­vec vingt mille âmes, dont neuf mille seule­ment étaient venues au Christ.