Étiquette : <span>Issoudun</span>

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 6 minutes

XXV

Le père Bourjade, missionnaire du Sacré-Cœur d’Issoudun chez les Papous

Un avia­teur fran­çais de la Grande Guerre, Bour­jade, mou­rait mis­sion­naire, six ans après le réta­blis­se­ment de la paix, dans la Nou­velle-Gui­née Bri­tan­nique. Il dut toutes ses éner­gies, toutes ses aspi­ra­tions, à la médi­ta­tion quo­ti­dienne du livre de sainte Thé­rèse de l’En­fant-Jésus : l’His­toire d’une âme ; elle était déjà sa patronne, à lui Bour­jade, avant que Pie XI ne l’eût pro­cla­mée patronne de tous les missionnaires.

Tout jeune, il s’é­tait sen­ti atti­ré vers la congré­ga­tion du d’, fon­dée au XIXe siècle par le . Cette congré­ga­tion par­tage avec nos Maristes et nos Pic­pu­ciens la tâche d’é­van­gé­li­ser l’ et de la civi­li­ser. Pour se ran­ger sous les dis­ci­plines du novi­ciat, le jeune Bour­jade avait dû s’exi­ler de sa patrie, émi­grer en Espagne, en Suisse. Le fervent Fran­çais qu’il était avait accep­té d’al­ler au loin, comme pré­lude de la vie de sacri­fices qui, chez les sau­vages, l’at­ten­dait. Et l’acte d’of­frande par lequel naguère, à Lisieux, la petite car­mé­lite s’é­tait don­née au Christ, devint, dès qu’à Fri­bourg Bour­jade en connut le texte, la devise même de sa propre vie.

avion Bourjade avec sainte ThérèseLa guerre de 1914 rame­nait Bour­jade en France ; et dans le rêve qu’il for­mait, et qui se réa­li­sa, de délais­ser le ser­vice des cra­pouillots pour entrer dans l’a­via­tion, se glis­sait à l’ar­rière-plan une idée mis­sion­naire : il son­geait que pour ces conquêtes spi­ri­tuelles qui, durant l’a­près-guerre, seraient son office et son par­tage, l’, rede­ve­nu paci­fique, pour­rait être un mer­veilleux ins­tru­ment. La paix réta­blie ouvrait au « pilote de sainte Thé­rèse » des pers­pec­tives nou­velles dans la cin­quième par­tie du monde : en 1921, Bour­jade pre­nait la route de l’O­céa­nie. Vers la fin de sa vie ter­restre, cette Thé­rèse dont il éprou­vait sans cesse, au delà du voile qui sépare terre et ciel, la fidé­li­té pro­tec­trice, avait dit à l’une de ses sœurs du Car­mel, qui la voyait mar­cher avec beau­coup de peine : « Savez-vous ce qui me donne des forces ? Eh bien ! je marche pour un mis­sion­naire ; je pense que là-bas, bien loin, un d’eux est peut-être épui­sé dans ses courses apos­to­liques, et, pour dimi­nuer ses fatigues, j’offre les miennes à Dieu. »

Bour­jade avait sou­vent admi­ré cet émou­vant pro­pos, et lors­qu’il navi­guait vers les popu­la­tions les plus sau­vages de l’u­ni­vers, il était sou­te­nu par le sou­ve­nir de Thé­rèse. Lors­qu’elle appar­te­nait à l’É­glise mili­tante, elle « mar­chait » pour les mis­sion­naires ; aujourd’­hui, membre de l’É­glise triom­phante, elle avait d’autres méthodes pour les servir.

Bour­jade allait prendre contact avec ces Papous, chez qui Mgr Ver­jus, en 1885, avait jeté les pre­miers germes du Cre­do ; il allait voir, dans leur cathé­drale de Yule-Island, les femmes aux têtes rasées, vêtues d’un léger pagne en herbes, qu’ornent des dents de chien ; les hommes tout ruti­lants d’huile rouge, dont les bra­ce­lets de fibre, les cein­tures d’é­corce, les jar­re­tières sont parés d’herbes odo­rantes, et dont la che­ve­lure cré­pue se constelle de magni­fiques fleurs. Mais Bour­jade n’é­tait pas des­ti­né à être le des­ser­vant d’une cathé­drale ; il fal­lait qu’il allât plus loin dans la pleine sau­va­ge­rie, dans la pleine cana­que­rie, sur ces bords fétides où bâillent les cro­co­diles ; il fal­lait qu’il affron­tât les maré­cages et qu’il affron­tât les ser­pents. Il fal­lait qu’il accep­tât l’i­dée de se dévouer jus­qu’à la mort pour des sau­vages qu’il était dif­fi­cile d’ap­pro­cher, plus dif­fi­cile encore de conver­tir, puisque en qua­rante ans ses frères d’a­pos­to­lat n’a­vaient pu prendre contact qu’a­vec vingt mille âmes, dont neuf mille seule­ment étaient venues au Christ.

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 19 minutes

Au cœur de la France, en Ber­ry, la ville d’ est domi­née par une blanche et légère église que sur­monte la sta­tue dorée du . Les pèle­rins qui pénètrent dans cette basi­lique sont sai­sis par le rayon­ne­ment des mil­liers de lampes rouges qui brûlent devant la sta­tue de la Vierge, et par les innom­brables plaques de marbre blanc qui tapissent les murailles et disent les grâces mer­veilleuses obte­nues par l’in­ter­ces­sion de Marie. Ces « ex-voto », il y en a par­tout, depuis les cryptes et les par­vis jus­qu’aux voûtes. Pas un coin, si petit soit-il, où la recon­nais­sance n’ait trou­vé le moyen de se glis­ser pour crier la bon­té, la puis­sance de du Sacré-Cœur, que l’on invoque dans ce sanc­tuaire sous le beau nom « d’Es­pé­rance des déses­pé­rés ».

Issou­dun, capi­tale du Bas-Ber­ry, avait eu à tra­vers les siècles et les guerres, une his­toire tour­men­tée. Sans cesse pillée, dévas­tée, brû­lée, cette ville s’é­tait pour­tant tou­jours signa­lée par sa dévo­tion envers Marie.

Long­temps, la Vierge y fut priée sous le nom de « Notre-Dame de grand pou­voir ». La Révo­lu­tion, fit dis­pa­raître ce culte, jus­qu’au jour où il devait revivre de plus belle en mon­trant le « grand pou­voir » de Marie sur le Cœur de Jésus.

Com­ment fleu­rit sur ce sol, la dévo­tion à Notre-Dame du Sacré-Cœur ? — C’est ce que nous allons essayer de dire.

« Tenez, ma bonne Mère, je vous l’abandonne ! »

Au com­men­ce­ment du siècle der­nier, dans la petite ville de Riche­lieu, en Tou­raine, la famille Che­va­lier vivait pau­vre­ment. Le père, très modeste bou­lan­ger, était un homme rude, igno­rant, peu capable de pour­voir aux besoins de ses enfants. Sa femme, labo­rieuse et méri­tante, pour essayer d’aug­men­ter les res­sources du foyer, se ren­dait chaque matin au mar­ché où elle reven­dait des légumes et des fruits. Mal­gré tout, le ménage connais­sait sou­vent la gêne. Aus­si, quand, en 1824, naquit le der­nier des enfants, le petit Jean-Jules, fut-il très mal accueilli par son père. Celui-ci sen­tait ses forces s’en aller, et, ne comp­tant pas sur la Pro­vi­dence, il se tour­men­tait d’a­voir une bouche de plus à nour­rir. Le pauvre inno­cent devint donc un sujet de dis­corde entre ses parents.

Un jour, le mari, de plus méchante humeur encore que d’ha­bi­tude, se diri­gea vers le mar­ché où sa femme assise devant son éta­lage, ser­vait sa nom­breuse clien­tèle. Pour ne pas lais­ser son pou­pon tout seul à la mai­son, elle l’emportait dans une cor­beille où il dor­mait pai­sible entre les choux et les carottes. L’homme, en colère, s’ap­pro­chant du comp­toir, accu­sa sa femme de le négli­ger pour ne s’oc­cu­per que de son petit et se répan­dit en paroles amères et bles­santes. La mal­heu­reuse, inter­dite, conster­née de tous ces reproches qui tom­baient sur sa tête en public, fon­dit en larmes.

Pour mettre fin à une scène trop pénible, elle sai­sit son enfant, et, le ser­rant contre elle, cou­rut se réfu­gier dans l’é­glise toute proche. Là, dépo­sant le petit aux pieds de la Vierge :

Le petit Jean-Jules Chevalier offert a la Vierge par sa mère
« Tenez ma bonne Mère, je vous l’abandonne ! »

— « Tenez, ma bonne Mère », s’é­cria-t-elle en san­glo­tant, « s’il doit tou­jours me cau­ser autant de peine qu’au­jourd’­hui, vous pou­vez le prendre et en faire ce que vous vou­lez, je vous l’a­ban­donne ! »

Puis, lais­sant l’en­fant à la garde de Marie, elle s’en alla…

Au bout d’un moment, plus calme, et confuse de son mou­ve­ment de déses­poir, elle revint vers l’é­glise. Son petit gar­çon sou­riait à la Vierge qui sem­blait le regar­der avec ten­dresse. La pauvre mère s’a­ge­nouilla près de lui, pleu­ra, pria, et, se sen­tant récon­for­té, elle reprit cou­ra­geu­se­ment avec son fils, le che­min de sa maison.

Marie ne devait pas oublier que cet enfant lui était don­né et qu’elle pou­vait en faire tout ce qu’elle voudrait.

Il paraît que, depuis ce jour, le petit Jules mon­trait un grand amour pour cette image de la Vierge. Dès qu’il sut prier, on le voyait sou­vent age­nouillé devant elle, réci­tant bien pieu­se­ment son cha­pe­let. Il aimait venir à l’é­glise et sa joie fut vive quand le vieux curé le choi­sit comme enfant de chœur. Tan­dis que, sage et recueilli, il ser­vait la messe, un ardent désir s’é­veillait dans son cœur : celui de mon­ter lui aus­si à l’au­tel et de célé­brer le saint Sacri­fice. Être prêtre, quel suprême bonheur !