Sur le chemin du Hoggar
Loin de Béni Abbès, à des milliers de kilomètres, au cœur du Sahara, se dresse un immense pays de montagnes noires : c’est le Hoggar, le Massif central de la patrie des Touaregs. On l’appelle le pays des guerriers voilés, car, dans cet étrange pays musulman, ce sont les hommes et non les femmes qui portent le voile.
Depuis des millénaires, les Touaregs sont les maîtres du Hoggar d’où ils sortent pour attaquer et piller impunément les caravanes qui traversent le désert.
Or, pendant que Frère Charles était à Béni Abbés, il s’est produit un fait extraordinaire : pour la première fois les Touaregs renoncent aux combats et laissent l’armée française pénétrer librement dans le Hoggar.
Laperrine, le commandant du Territoire des Oasis dont le Hoggar va désormais dépendre, est un grand ami de Frère Charles et il lui écrit pour lui proposer d’y venir.
Frère Charles accepte d’y faire un voyage, il commence à apprendre le tamacheq qui est la langue des Touaregs et, en dix mois, il va faire cinq mille kilomètres sur les pistes qui conduisent au Hoggar. Pour un peu on croirait Frère Charles redevenu explorateur comme au temps du Maroc et c’est vrai qu’il explore, mais il est toujours Frère Charles, donc avant tout un homme de prière et de fraternité qui cherche partout à nouer des liens d’amitié avec les Touaregs qu’il rencontre au passage. La tâche est difficile, car les Touaregs n’acceptent la venue des Français qu’à contrecœur, ils restent farouches et méfiants.
Pourtant le commandant Laperrine propose à Frère Charles de quitter Béni Abbés pour Tamanrasset, le grand carrefour des caravanes du Hoggar. Moussa Ag Amastane, l’aménokal, c’est-à-dire le chef des Touaregs du Hoggar, donnera lui aussi son accord à ce projet.
Frère Charles hésite. Il s’est tellement attaché à Béni Abbès qu’il n’a pas envie de le quitter. Et puis il pense toujours à son projet de retourner au Maroc. S’il part à Tamanrasset, il est probable qu’il n’aura plus jamais l’occasion d’y retourner. Mais Frère Charles renonce à tous ses projets et à toutes ses préférences personnelles. Il n’y a pas de peuple plus isolé et plus perdu dans le Sahara que les Touaregs du Hoggar ; pour Frère Charles, c’est la dernière place, c’est donc là qu’il faut aller.
L’ermitage de Tamanrasset
A quarante-six ans, le 13 août 1905, Frère Charles s’installe à Tamanrasset.