Justus ut palma florebit, sicut cedrus Libani multiplicabitur.
Le juste fleurira comme le palmier : comme le cèdre du Liban, il se multipliera.
(Psaume 92 : 13)
Saint Charbel Makhlouf doit sa renommée aux prodiges et miracles qui entourent sa dépouille mortelle. Nul, sans doute, n’aurait pensé à faire un saint de ce pieux ermite libanais qui, par humilité, s’était soigneusement effacé du monde, si, après sa mort, la Providence n’avait obstinément attiré la ferveur populaire sur sa tombe.
À cent quarante kilomètres au nord de Beyrouth, se trouve Bekaa Kafra, le plus haut village du Liban habité toute l’année, à 1650 mètres d’altitude. Il offre une vue panoramique sur la vallée de la Qadisha, surnommée la Vallée sainte, de nombreux ermites y ayant vécu depuis le IVe siècle. C’est dans ce village que naît, le 8 mai 1828, le cinquième enfant d’Antoun Makhlouf et de Brigitta Choudiac qui ont déjà deux fils, Jean et Bechara, et deux filles, Kaoun et Warda. Huit jours après sa naissance, il reçoit au baptême le nom de Youssef Antoun (Joseph Antoine).
La piété de la famille est simple, grande et forte. Brigitta Makhlouf assiste à la Messe et récite son chapelet quotidiennement. Deux de ses frères sont moines dans l’Ordre maronite libanais et vivent à l’ermitage de Saint-Antoine de Qozhaya, à cinq kilomètres de Bekaa Kafra. Antoun est un pauvre paysan qui ne possède qu’un modeste coin de terre, un âne et un petit élevage de chèvres et de moutons.

Un soir, Youssef Antoun est alors âgé de trois ans, un groupe de soldats vient réquisitionner Antoun Makhlouf avec son âne pour transporter du matériel de l’armée ; impossible de refuser. Sa mission accomplie, il tombe gravement malade et meurt. Ce n’est qu’après des mois d’inconsolable attente que Brigitta comprend qu’elle est veuve. Deux ans plus tard, en octobre 1833, craignant de ne pouvoir subvenir aux besoins des siens, elle se remarie avec un homme très pieux du village. Peu après, celui-ci, avec l’accord de Brigitta et conformément à la discipline particulière des Églises orientales, est ordonné prêtre. Youssef lui sert la Messe et l’assiste dans toutes les cérémonies ; à la sortie de l’église, l’enfant se rend à l’école où il apprend à lire, à écrire et à prier en syriaque, langue que parlait Jésus. Il s’initie également aux travaux champêtres et mène paître sa vache et ses brebis au flanc des collines. Un ami témoigne : Lorsque la vache avait bien brouté l’herbe, il la laissait à son repos en lui disant : « Repose-toi maintenant, « Zahra », c’est mon tour et non plus le tien. Je veux prier ». Ainsi priait-il, et si sa vache se relevait pour pâturer, il lui disait : « Ne recommence pas maintenant, attends que je finisse ma prière parce que je ne peux pas parler avec toi et avec Dieu ; Dieu est de priorité ». Il passait des longues périodes, absorbé par la prière.
Youssef va vers ses quatorze ans et ses camarades le taquinent sur sa piété en l’appelant « le saint ». Tous les jours il emmène paître son petit troupeau et se rend dans une grotte où, à genoux devant une image de la Sainte Vierge, il prie. La grotte devient ainsi son lieu de prière et son premier ermitage et, par la suite, un sanctuaire et un lieu de pèlerinage.