La blouse et la cabane
Après six ans à la Trappe, Frère Albéric obtient la permission de partir.
Que faire ? Où aller ? Comment réaliser son rêve ? Il est tout seul comme étaient tout seuls saint François d’Assise et saint Ignace, au début de leurs grandes aventures. Il fait comme eux, il prend un habit de pauvre et il se met en route à la grâce de Dieu.
Puisqu’il n’est plus trappiste, il renonce à son nom de Frère Albéric et se fait appeler Frère Charles.
De même, il quitte le grand habit monastique en laine blanche, et s’habille comme un ouvrier du temps avec une longue blouse rayée de bleu et de blanc et un pantalon de cotonnade bleue ; il enfile des sandales et coiffe un incroyable bonnet blanc qu’il a taillé lui-même et cousu avec de la ficelle.
Il part à pied sur les routes de la Terre Sainte en direction de Nazareth. Rien ne lui paraît plus délicieux que d’aller vivre dans ce village où Jésus a vécu lui-même, auprès de Marie et de Joseph le charpentier.
O bonheur, c’est à Nazareth que Frère Charles, jadis connu comme vicomte de Foucauld, trouve une place d’homme de peine, c’est-à-dire de domestique de dernière catégorie, auprès d’un couvent de clarisses.
Il habite, au bout du jardin, dans une minuscule cabane en planches, pareille à celles où on range les outils.
Il fait des petits travaux de maçon et de menuisier, mais comme il est vraiment malhabile pour ces ouvrages, c’est plus souvent qu’il bêche le jardin, épluche des légumes ou les trie et sert à table l’aumônier. Son grand plaisir est de faire office de sacristain et d’enfant de chœur. Dans les intervalles du travail, et tard dans la nuit, il passe de longues heures à prier et à méditer. Mais tout son travail est prière, car il est évident qu’il serait incapable de mener une pareille vie, s’il n’offrait sans cesse tout ce qu’il fait à l’amour de Dieu.