Vaillance, devoir d’état
Geneviève, sa quenouille tenue nonchalamment, laissait errer son regard par delà la grande plaine de Champagne qui s’étendait au pied du château. Dieu, que c’était donc ennuyeux de filer ainsi tout le jour tandis que les armées livraient bataille à l’ennemi ! Un gros soupir, lourd de tous ses désirs, s’exhala des lèvres de Geneviève.
« Ah ! si je connaissais Jeanne, j’irais la trouver et lui demanderais de me prendre avec elle. »
Cette réflexion, prononcée à voix haute, attira sur la fillette, presque une jeune fille déjà, les regards de dame Eloïse, sa mère, qui, en face d’elle, était occupée à une broderie d’autel.
« Que feriez-vous à guerroyer avec les gens d’armes ? Vous ne savez pas monter à cheval et le premier boulet vous ferait pousser de tels cris d’effroi que vous ne sauriez rester dans la bataille. »
D’un geste orgueilleux, Geneviève a relevé la tête :
« Pourquoi alors Jeanne y reste-t-elle ?
— Jeanne, mon enfant, fut mandée par Dieu pour délivrer le royaume.
— Eh bien ! pourquoi ne le serais-je pas aussi ? »
Pourquoi pas moi ? Voilà ce qui revenait sans cesse à l’esprit de Geneviève ; et s’obstinant dans son rêve orgueilleux, elle formait des projets insensés, n’écoutant pas les sages conseils que dame Eloïse, alignant ses points de broderie, lui prodiguait.
* * *
Dans la ville pavoisée, il y a grande animation : d’immenses tapis recouvrent les dalles de la cathédrale, les portes sont tendues de velours écarlate, chacun s’affaire, pavoisant sa demeure pour faire digne accueil au Roi et à Jeanne, car



Pendant des heures, il l’avait entraîné en un vol éperdu et puis l’avait laissé choir, sans l’avertir. C’est ainsi que le souffle de l’épreuve entraîne les hommes, petits et grands, qu’ils le veuillent ou non, dans une chevauchée pleine de mystère. Il les dépose tout meurtris en des lieux inconnus ; si ce n’est pas à Nazareth comme Brin d’Or, c’est souvent bien près du Divin Artisan qui habitait cette humble bourgade.
Sur sa porte, grand-père Naudé scrute le ciel de son regard profond. Chaque soir, il vient ainsi lire dans la couleur et la marche des nuages le temps qu’il fera le lendemain. Il est si savant qu’il connaît toutes les lignes du ciel et, sou-vent, il arrive qu’à la veille d’une fête ou d’un mariage les villageois viennent pour le consulter.

Sur le seuil d’une porte se tenait une petite forme blanche, assise immobile sur une jatte renversée. Aucune vie ne semblait l’agiter, mais les lèvres frémissaient sous l’ardente prière qui chaque soir montait du cœur d’Ismaïla, la fille du potier ; et ce petit cœur disait
Ne pourrais-tu pas me raconter encore comment tu es retourné dans la maison en flammes, pour sauver ton chef qui allait mourir ? »