Ordre
Bonjour père Matthias ! ça va ?
— Bonjour petiot ! Tu parais bien gai ce matin ?…
— C’est la rentrée après-demain, voilà pourquoi je suis heureux !
— Ah ça ! tu es le contraire des autres alors !… dit le vieux tout surpris.
Mais déjà Guy Régnier saute sur son vélo et s’éloigne en riant. A peine a‑t-il dépassé les dernières maisons du village que le garçon ralentit, il roule doucement dans la campagne tout en savourant sa joie.
Mais oui, père Matthias, c’est la rentrée qui rend Guy si joyeux, seulement voilà : le garçon ne rentre pas à l’école du village, il part à la ville ; déjà sa malle est prête portant l’étiquette sur laquelle est inscrite l’adresse du séminaire.
Il y a déjà très longtemps que « l’idée » est née dans l’esprit et le cœur de Guy. Il y songeait, l’oubliait, y revenait encore… En grandissant, quand il discutait de l’avenir, de « quand ils seraient grands… » avec ses camarades, « l’idée » revenait encore. Finalement, Guy a réfléchit, puis en a parlé à sa mère :
— Maman ! quand je serai grand, je voudrais être prêtre…
— Mon petit garçon, a‑t-elle dit. c’est très beau, mais très sérieux ! En as-tu parlé à Monsieur le Curé ?…
Non, Guy n’avait pas songé à cela, il le dit et ajouta prudemment :
— Tu comprends, je ne suis pas encore bien sûr…
— Justement, riposta Madame Régnier, il faut que tu connaisses la route sur laquelle tu veux marcher, et qui, mieux que Monsieur le Curé, pourrait t’expliquer tout cela ?… Parle-lui simplement de ton « idée », discute avec lui et si tu te sens plus sûr de toi, nous en parlerons à papa !
Finalement, Guy avait trouvé le conseil fort sage. Il alla trouver Monsieur le Curé, et encore une fois le temps passa…
Mais l’an dernier à la même époque, Guy s’était senti prêt à parler. Et, très sérieusement, Monsieur Régnier a écouté puis, fixant son fils qui, guettait ça réponse, il dit :
— Écoute Guy ! c’est pour la famille un très grand honneur si Dieu te choisit pour son service, mais vois-tu, c’est très grave ! Je te demande donc d’attendre un an pour bien réfléchir et aussi pour te préparer ; au bout de ce temps, si tu as toujours le même désir, tu entreras au séminaire.
L’année avait passé, terriblement longue pour le garçon impatient, mais il avait su en faire une vraie préparation, et maintenant, c’est la grande