Trois petits bergers
En l’année 1917, le Portugal traversait une triste période. Dirigé par un gouvernement qui persécutait la religion, ce pays, divisé, ruiné, envahi par le communisme, semblait aller à sa perte.
En même temps, les armées portugaises participaient à la grande guerre, et, dans plus d’un foyer, on pleurait les soldats tombés bien loin, là-bas, sur une terre étrangère.

À cette époque, le village de Fatima restait encore à peu près inconnu. Situé à une centaine de kilomètres de Lisbonne, ses modestes maisons se dressaient sur les pentes de la montagne d’Aire, dans une contrée particulièrement aride et rocailleuse. Pourtant, cette région gardait le souvenir d’une éclatante victoire, remportée en 1385, par le roi Jean 1er de Portugal, avec une poignée de braves. Le roi, en reconnaissance, fit construire à cet endroit un beau couvent en l’honneur de Notre-Dame de la Victoire. Il en confia la garde aux Dominicains. Ceux-ci répandirent autour d’eux la dévotion du saint rosaire. L’usage s’en était si bien conservé à travers les siècles que, dans cette partie du pays, beaucoup de familles récitaient encore fidèlement le chapelet. Les petits enfants eux-mêmes, élevés dans cette habitude, aimaient à le dire.
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Par une belle journée du printemps de 1917, trois bergers de Fatima gardaient leurs moutons dans un champ nommé la Cova da Iria, qui appartenait aux parents de l’un d’eux.



Bernadette a quatorze ans : elle ne sait ni lire ni écrire. Petite, maigrichonne – elle a des crises d’asthme qui la font bien souffrir et l’empêchent de se développer – elle aide comme elle peut sa maman à soigner ses petits frères et sœurs dans la misérable maison de Lourdes, si pauvre, si noire qu’on l’appelle « le cachot ». Parfois, elle passe quelques semaines, quelques mois, dans un petit village voisin, chez sa nourrice, et elle garde les moutons dans la montagne. Sa nourrice voudrait bien qu’elle sache lire : à quatorze ans, tout de même ! Elle essaye. Mais c’est fou ce que Bernadette a la tête dure.

