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Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 19 minutes

Au cœur de la France, en Ber­ry, la ville d’Is­sou­dun est domi­née par une blanche et légère église que sur­monte la sta­tue dorée du Sacré-Cœur. Les pèle­rins qui pénètrent dans cette basi­lique sont sai­sis par le rayon­ne­ment des mil­liers de lampes rouges qui brûlent devant la sta­tue de la Vierge, et par les innom­brables plaques de marbre blanc qui tapissent les murailles et disent les grâces mer­veilleuses obte­nues par l’in­ter­ces­sion de Marie. Ces « ex-voto », il y en a par­tout, depuis les cryptes et les par­vis jus­qu’aux voûtes. Pas un coin, si petit soit-il, où la recon­nais­sance n’ait trou­vé le moyen de se glis­ser pour crier la bon­té, la puis­sance de Notre-Dame du Sacré-Cœur, que l’on invoque dans ce sanc­tuaire sous le beau nom « d’Es­pé­rance des déses­pé­rés ».

Issou­dun, capi­tale du Bas-Ber­ry, avait eu à tra­vers les siècles et les guerres, une his­toire tour­men­tée. Sans cesse pillée, dévas­tée, brû­lée, cette ville s’é­tait pour­tant tou­jours signa­lée par sa dévo­tion envers Marie.

Long­temps, la Vierge y fut priée sous le nom de « Notre-Dame de grand pou­voir ». La Révo­lu­tion, fit dis­pa­raître ce culte, jus­qu’au jour où il devait revivre de plus belle en mon­trant le « grand pou­voir » de Marie sur le Cœur de Jésus.

Com­ment fleu­rit sur ce sol, la dévo­tion à Notre-Dame du Sacré-Cœur ? — C’est ce que nous allons essayer de dire.

« Tenez, ma bonne Mère, je vous l’abandonne ! »

Au com­men­ce­ment du siècle der­nier, dans la petite ville de Riche­lieu, en Tou­raine, la famille Che­va­lier vivait pau­vre­ment. Le père, très modeste bou­lan­ger, était un homme rude, igno­rant, peu capable de pour­voir aux besoins de ses enfants. Sa femme, labo­rieuse et méri­tante, pour essayer d’aug­men­ter les res­sources du foyer, se ren­dait chaque matin au mar­ché où elle reven­dait des légumes et des fruits. Mal­gré tout, le ménage connais­sait sou­vent la gêne. Aus­si, quand, en 1824, naquit le der­nier des enfants, le petit Jean-Jules, fut-il très mal accueilli par son père. Celui-ci sen­tait ses forces s’en aller, et, ne comp­tant pas sur la Pro­vi­dence, il se tour­men­tait d’a­voir une bouche de plus à nour­rir. Le pauvre inno­cent devint donc un sujet de dis­corde entre ses parents.

Un jour, le mari, de plus méchante humeur encore que d’ha­bi­tude, se diri­gea vers le mar­ché où sa femme assise devant son éta­lage, ser­vait sa nom­breuse clien­tèle. Pour ne pas lais­ser son pou­pon tout seul à la mai­son, elle l’emportait dans une cor­beille où il dor­mait pai­sible entre les choux et les carottes. L’homme, en colère, s’ap­pro­chant du comp­toir, accu­sa sa femme de le négli­ger pour ne s’oc­cu­per que de son petit et se répan­dit en paroles amères et bles­santes. La mal­heu­reuse, inter­dite, conster­née de tous ces reproches qui tom­baient sur sa tête en public, fon­dit en larmes.

Pour mettre fin à une scène trop pénible, elle sai­sit son enfant, et, le ser­rant contre elle, cou­rut se réfu­gier dans l’é­glise toute proche. Là, dépo­sant le petit aux pieds de la Vierge :

Le petit Jean-Jules Chevalier offert a la Vierge par sa mère
« Tenez ma bonne Mère, je vous l’abandonne ! »

— « Tenez, ma bonne Mère », s’é­cria-t-elle en san­glo­tant, « s’il doit tou­jours me cau­ser autant de peine qu’au­jourd’­hui, vous pou­vez le prendre et en faire ce que vous vou­lez, je vous l’a­ban­donne ! »

Puis, lais­sant l’en­fant à la garde de Marie, elle s’en alla…

Au bout d’un moment, plus calme, et confuse de son mou­ve­ment de déses­poir, elle revint vers l’é­glise. Son petit gar­çon sou­riait à la Vierge qui sem­blait le regar­der avec ten­dresse. La pauvre mère s’a­ge­nouilla près de lui, pleu­ra, pria, et, se sen­tant récon­for­té, elle reprit cou­ra­geu­se­ment avec son fils, le che­min de sa maison.

Marie ne devait pas oublier que cet enfant lui était don­né et qu’elle pou­vait en faire tout ce qu’elle voudrait.

Il paraît que, depuis ce jour, le petit Jules mon­trait un grand amour pour cette image de la Vierge. Dès qu’il sut prier, on le voyait sou­vent age­nouillé devant elle, réci­tant bien pieu­se­ment son cha­pe­let. Il aimait venir à l’é­glise et sa joie fut vive quand le vieux curé le choi­sit comme enfant de chœur. Tan­dis que, sage et recueilli, il ser­vait la messe, un ardent désir s’é­veillait dans son cœur : celui de mon­ter lui aus­si à l’au­tel et de célé­brer le saint Sacri­fice. Être prêtre, quel suprême bonheur !

| Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Histoire pour la catéchèse des enfants - Le chapeletJose­pho a douze ans et a été bap­ti­sé voi­ci une semaine. Le Père l’a don­né en exemple à ses com­pa­gnons de classe, car il sait son caté­chisme sur le bout du doigt C’est d’ailleurs pour­quoi il porte aujourd’­hui autour du cou un cha­pe­let plus beau que celui de ses cama­rades. Per­sonne cepen­dant ne le jalouse, car tous savent que c’est une récom­pense méri­tée et que par ailleurs Jose­pho est le plus aimable gar­çon de l’é­cole. Hier encore, il est par­ti avec deux maigres pou­lets pour ache­ter des remèdes à sa bonne maman qui est très malade. Jose­pho l’aime tellement !

Hélas, il sera bien­tôt orphe­lin, mur­mure-t-on autour de lui et il est le seul catho­lique de toute sa famille ! Cepen­dant, tout ce que l’en­fant a appris au caté­chisme, il l’a redit et expli­qué du mieux qu’il a pu à sa mère. Le Père a dit que celui qui meurt aus­si­tôt après son bap­tême va droit au Para­dis. Jose­pho vou­drait bien voir sa maman heu­reuse auprès du « Grand Dieu des Blancs », car elle a tou­jours été bonne pour lui. Mais com­ment faire ? Toute la famille s’op­pose au bap­tême de la malade. L’an­née pré­cé­dente quel­qu’un n’est-il pas mort au vil­lage peu après avoir été bap­ti­sé ? C’est le mis­sion­naire qui lui avait jeté un mau­vais sort, a mur­mu­ré le sorcier…

Si aujourd’­hui la mère de Jose­pho devient chré­tienne elle mour­ra cer­tai­ne­ment aus­si­tôt après ! Triste rai­son­ne­ment de ces pauvres Noirs vic­times de leur igno­rance et esclaves de leurs sor­ciers ! La mère de Jose­pho ne les connaît que trop bien… Aus­si donne-t-elle à son fils des conseils de pru­dence. « Jose­pho, si je meurs bap­ti­sée, tu seras chas­sé de la famille ! Où iras-tu alors ? » Et pour­tant le mis­sion­naire l’a dit : « Celui qui meurt aus­si­tôt après le bap­tême entre tout droit au ciel ! » Et cette nuit sera peut-être la der­nière que maman passe sur la terre, songe Jose­pho. Que faire ?

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Récit d'un missionnaire d'Océanie pour les petits et le catéchisme

Aux Îles Gil­bert[1], le côté « carte pos­tale » de la fête de Noël s’é­va­nouit, balayé par le souffle de l’a­li­zé[2] ; dépouillé d’un folk­lore par­fois super­flu, le mys­tère de la Nati­vi­té gagne en pro­fon­deur, serre de plus près les réa­li­tés du Salut. Nos Gil­ber­tins vivent leur Noël inten­sé­ment ; ils en font une mani­fes­ta­tion publique de foi ; on « va à Noël » dans nos îles, comme on va en pèle­ri­nage, se retrem­per dans la prière et la cha­ri­té, tous ensemble réunis pour une longue semaine à la sta­tion prin­ci­pale de la Mission.

Récit pour les momes du catéchisme dans les missionsCet aspect com­mu­nau­taire de la fête n’est pas le moins frap­pant. A Abe­ma­ma, le Père char­gé de l’é­cole Mano­kou est aus­si curé de l’île. Le dimanche, il des­sert l’un ou l’autre des huit vil­lages répar­tis sur un crois­sant de terre de 34 kilo­mètres… Mais à Noël, les rôles sont inver­sés : les catho­liques se déplacent et viennent à lui.

* * *

Comme l’hi­ron­delle en avance sur le prin­temps, un pre­mier groupe s’est ins­tal­lé le 21 décembre dans la « manéa­pa », l’ins­ti­tu­tion gil­ber­tine par excel­lence, la mai­son « com­mune », le lieu obli­gé de toute réunion. Celle de Mano­kou est 

  1. [1] Les Îles Gil­bert sont un archi­pel de l’O­céa­nie, sous l’é­qua­teur.
  2. [2] Un vent des régions chaudes du globe.
| Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Tan­dis que le tam-tam résonne sur la place du vil­lage, accom­pa­gnant la danse des Noirs, Boga contemple une petite ron­delle de métal que le Père lui a don­née ce matin.

Les nègres peuvent s’a­gi­ter et mener leur ronde infer­nale autour du grand feu de bois, il n’y attache aucune impor­tance ; toute son atten­tion est fixée sur la petite médaille blanche.

Médaille de baptêmeSou­dain, der­rière lui, quel­qu’un a sur­gi, curieux.

« Qu’est-ce que tu tiens donc de si précieux ? »

Boga se retourne inquiet et son visage s’é­claire en recon­nais­sant son cama­rade Kéké.

« Tu vois, quand tu seras bap­ti­sé le Père te don­ne­ra une belle médaille comme cela. »

Kéké pousse un grand soupir :

« Tu sais bien que mes parents ne vou­draient jamais me lais­ser suivre les ins­truc­tions du Père. Et puis M’goo l’a dit, M’goo le féti­cheur l’a dit : Tous ceux que le Père fait chré­tiens deviennent des jeteurs de sort !

— Voyons, com­ment peux-tu croire de telles his­toires ; c’est que M’goo a peur que le Père lui ravisse son influence.

— Tais-toi, Boga, si le féti­cheur t’entendait ! »

Au même ins­tant, un bruit de clo­chettes se fait entendre et une sil­houette appa­raît. L’homme, qui dans chaque main agite un sistre, pousse des cris stridents.

Boga, indif­fé­rent, contemple la scène tan­dis que son ami se serre crain­ti­ve­ment contre lui. M’goo est pas­sé ; mais aurait-il enten­du les paroles de Boga ? Le voi­là qui se retourne et ricane effroya­ble­ment, et ses yeux fixent avec une joie cruelle Boga qui, à son tour, plonge ses pru­nelles claires dans celles du féticheur.

Quelques jours plus tard, Ako, la sœur de Kéké, attend Boga sur le che­min de la mis­sion ; dès qu’elle le voit, elle court vers lui.

« Qu’y a‑t-il ? »

La fillette éclate en sanglots.

Auteur : Le Douaron, Père Guillaume | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 9 minutes

J’é­tais à peine arri­vé depuis trois semaines en mis­sion que mon Supé­rieur m’en­voya bap­ti­ser un vieux dans le vil­lage d’A­déane, situé à douze kilo­mètres. J’é­tais heu­reux, je vous l’a­voue. Une dif­fi­cul­té sur­git sou­dain : com­ment ins­trui­rai-je cet homme ?

« Il est bien dis­po­sé, me dit le Père ; je l’ai ins­truit des véri­tés néces­saires ; d’ailleurs, Céles­tin pour­ra les lui rap­pe­ler. Quant au che­min, sui­vez la ligne du télégraphe. »

Croi­rait-on qu’une ligne télé­gra­phique tra­ver­sât la brousse ? Mais sans aucun avan­tage pour le brous­sard, car elle fai­sait cent kilo­mètres sans lais­ser tom­ber le moindre écho du monde civilisé.

Missionnaire et son guideJe me mis en route sous la conduite de Céles­tin, mon guide. Pour pro­vi­sions, un misé­rable pois­son et quelques bis­cuits. Il était sept heures. Quelle marche pénible à la queue leu leu dans ces sen­tiers de brousse aux mille détours, sous un soleil acca­blant, et avec le sou­ci de ne pas poser un pied sans regar­der aupa­ra­vant, car il est facile de trébucher.

* * *

Nous mar­châmes long­temps sans inci­dent. La brousse, les champs de riz, les espaces incultes que tra­ver­saient les biches, les coins de forêt où piaillaient et sif­flaient des mil­liers d’oi­seaux aux plu­mages les plus variés, tout me fas­ci­nait, moi, jeune brous­sard, au point que j’en oubliai la route…

« La ligne ! dis-je à Célestin.

— Nous la retrou­ve­rons là-bas, mon Père. »

Et l’on mar­cha long­temps encore. Le soleil deve­nait bien chaud, quoi­qu’on fût au mois de décembre.

« Onze heures. Voyons, Céles­tin, nous avons dépas­sé le village ?

— Non, mon Père. », me répon­dit-il avec l’air tran­quille de quel­qu’un qui ne s’en fait pas pour quelques kilo­mètres de plus ou de moins. Les Noirs sont d’en­dia­blés marcheurs.