Étiquette : <span>Charité</span>

Auteur : Legeais, A. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Moha­med Ben Ab-del­ka­der, le cara­va­nier, est venu par piste aux longues étapes de Tim­mi­moun à Ain-Tleïa, oasis à la source jaune. Il était mon­té sur sa cha­melle blanche et, à sa selle, étaient atta­chées les longes de son bour­ri­cot et de son cha­meau noir, tous deux lour­de­ment char­gés de couf­fins de belles dattes jaunes, sa seule fortune.

Moha­med le Tar­gui appar­tient à la grande tri­bu des Aouel­li­min­den. Âgé de trente ans à peine, il aurait pu se joindre à la cara­vane annuelle qui par­tait quelques jours après. Mais il a pré­fé­ré voya­ger seul dans les grandes dunes d’A­drar et de Béni-Abbès. Moha­med est pro­fon­dé­ment croyant ; jamais il n’a enten­du par­ler de Jésus de Naza­reth, mais chaque soir, à la halte, il des­cend de sa cha­melle et se pros­terne sur le sable, ado­rant Dieu le Tout-Puissant.

Touareg et le missionnaireLa nuit venue, il abreuve ses ani­maux ; de sa grande « tas­souf­fra » en cuir, il retire aus­si l’orge et l’a­voine qu’il leur donne en leur par­lant dou­ce­ment, car Moha­med aime ses bêtes, ses seuls com­pa­gnons dans ce désert immense. Lui-même se nour­rit fru­ga­le­ment d’une poi­gnée de dattes sèches, arro­sée d’une tasse brû­lante de thé à la menthe sucré, la bois­son natio­nale des nomades. Puis il se roule dans son bur­nous brun et s’en­dort sous le ciel constel­lé d’é­toiles près du ventre chaud de ses animaux.

Après de longues jour­nées dans les sables mou­vants, il a dépas­sé Taghit, Kenad­sa la ville sainte, et Colomb-Béchar la neuve. Enfin, pour­sui­vant sa route au pas lent de ses bêtes, il a atteint la longue ham­ma­da rocheuse de Dje­nien Bou Rezgt, celle qui indique que désor­mais le domaine du désert est bien ter­mi­né, celle aus­si où les ani­maux des nomades doivent subir la dou­lou­reuse épreuve des arêtes du che­min, aiguës et coupantes.

Enfin, trois jours après, au cou­chant, voi­ci qu’il aper­çoit devant lui les cou­poles blanches et le mina­ret du ksar d’Ain-Tleïa. Le mina­ret res­plen­dit sous les der­niers rayons du cou­chant. Le muez­zin, ain­si que le nomment les fidèles, appelle à la prière : Moha­med se pros­terne. Près du mina­ret s’é­lève un autre monu­ment, sur­mon­té d’une croix. Le Tar­gui connaît aus­si ce lieu de prière : c’est celui d’un mara­bout-rou­mi (un blanc) venu là il y a quelques années. Le père de Moha­med a connu un sem­blable mara­bout-rou­mi qui, durant sa vie, a sans cesse séjour­né entre Béni-Abbès et Taman­ras­set, où il repose au cœur du pays Tar­gui ; il lui a racon­té la sain­te­té de vie de cet homme et de ses sem­blables. Aus­si, Moha­med res­pecte-t-il beau­coup ces hommes, qui n’ont pas la même reli­gion que lui, mais qui prient tout le temps le Dieu Infi­ni, et vivent si pieusement.

La nuit tom­bée, Moha­med campe seul, un peu à l’é­cart de la ville, aux abords du vil­lage nègre. Il a ramas­sé quelque bois mort pour son feu, et décharge déjà ses bêtes, quand une brû­lure vio­lente à son talon lui arrache un cri de dou­leur ; il se retourne : un gros scor­pion noir, déran­gé par le Tar­gui dans son som­meil, vient de le piquer. Un coup de pierre écrase la bête mal­fai­sante, mais la dou­leur force Moha­med à s’as­seoir, tant elle est forte. Il connaît les scor­pions noirs ce sont les plus dan­ge­reux et les plus veni­meux. Aus­si, avec son cou­teau bien aigui­sé n’hé­site-t-il pas à essayer d’in­ci­ser sa bles­sure pour la faire sai­gner et la dés­in­fec­ter. Mais ce remède pri­mi­tif est sans effet : sa plaie ouverte le fait encore plus souf­frir et son pied enfle déjà rapidement.

Auteur : Glantini, M. | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 13 minutes

Charité de Noël - Dans un couvent italienUn soir, dans les der­nières années du pon­ti­fi­cat de Pie IX, un vieux juif s’approchait fur­ti­ve­ment de la porte d’un des nom­breux cou­vents de femmes qui s’élevaient alors dans le dédale d’obscures ruelles s’enchevêtrant entre le Cam­po dei Fio­ri, où fut brû­lé Gior­da­no Bru­no, et la vaste place Navo­na, aimée du soleil.

C’était la veille de Noël, et dans les innom­brables églises et cha­pelles de Rome on met­tait la der­nière main aux pré­pa­ra­tifs qui pré­cèdent la solen­ni­té de la messe de minuit.

Le vieillard cogna à plu­sieurs reprises avec le poing contre la porte de fer et recu­la aus­si­tôt comme effrayé de sa har­diesse… Il vou­lait déjà même se reti­rer, lorsque la lourde porte rou­la pesam­ment sur ses gonds et il péné­tra dans un étroit cou­loir avec une porte en face, her­mé­ti­que­ment fer­mée, qui condui­sait au par­loir, et une autre de côté, munie d’un vasis­tas, ouvrant sur la cour du couvent.

Déjà le regard cour­rou­cé de la tou­rière lui­sait der­rière le treillis du vasis­tas. Ayant aper­çu le vieillard, la reli­gieuse ten­dit en avant ses deux mains d’un geste qui repous­sait et cria :

– Encore vous ?… Allez-vous en, allez-vous en !.. Vous osez venir nous trou­bler pen­dant la sainte nuit de Noël ?… Reti­rez-vous de bonne grâce, Nathan…

– J’ai à par­ler à la Mère Supé­rieure… Il faut que je la voie, dit le juif avec insis­tance… Je suis venu exprès pour cela ce soir… c’est ce soir que je dois la voir… J’ai atten­du cette nuit comme la manne du ciel… Elle ne peut pas me ren­voyer ce soir. Bonne sœur Lodo­vi­ca, ayez pitié d’un pauvre vieillard…

Il tom­ba à genoux et sanglota…

Histoire pour les enfants à NoëlMais la tou­rière fer­ma le vasis­tas et der­rière la porte cria :

– Par­tez, par­tez !… Ce soir à plus forte rai­son la Mère Agnès refu­se­ra de vous rece­voir… Vous enten­dez ?… Vous voyez qu’elle est occu­pée… elle répète le chant avec les sœurs… elle se pré­pare pour la messe.

En effet, un chœur har­mo­nieux mon­tait de la cha­pelle. Nathan écou­ta avi­de­ment… Tout à coup ses yeux brillèrent de joie.

Réso­lu­ment il frap­pa au vasistas :

– Sœur tou­rière… je ne par­ti­rai pas d’ici sans avoir vu la Mère Supé­rieure… C’est Don Pao­lo qui m’a envoyé… Dites à la Mère Supé­rieure que je lui apporte un mes­sage de Don Paolo.

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Au secours des persécutés

Pen­dant l’oc­cu­pa­tion alle­mande, la police traque non seule­ment les patriotes, mais aus­si les Juifs, sim­ple­ment parce qu’ils sont juifs et que le gou­ver­ne­ment hit­lé­rien veut tous les mettre à mort. Bien des catho­liques, alors, ont appor­té leur sou­tien à ces mal­heu­reux, n’hé­si­tant pas à s’ex­po­ser eux-mêmes à la pri­son et à la mort, pour essayer de sau­ver ceux qui n’a­vaient pas encore été découverts. 

Ce fut notam­ment le cas d’un reli­gieux carme, le Père Jacques de Jésus, Supé­rieur du col­lège de Fon­tai­ne­bleau-Avon qui, dénon­cé, ne tar­da pas à être arrê­té par la police allemande.

Pour­rons-nous jamais oublier la jour­née du 15 jan­vier 1944 ?

Les classes de la mati­née avaient com­men­cé dans le calme quand, sou­dain, dans le cou­loir, reten­tit un bruit de bottes ; on entend les portes cla­quer, se refer­mer brus­que­ment : les Alle­mands sont là.

Un homme de petite taille entre en classe de cinquième :

— Bon­net ! appelle-t-il.

L’en­fant se lève aus­si­tôt et sort.

En qua­trième, on est en classe de grec ; la porte s’ouvre et un poli­cier en civil fait irruption :

— Mon­sieur Saba­tier ! crie-t-il d’une voix tonnante.

Ce der­nier se lève et sort len­te­ment der­rière l’Al­le­mand. La porte se ferme, c’est fini : cela s’est pas­sé en quelques secondes. Un long silence ; le cours est inter­rom­pu et, immo­bile, les bras le long du corps, le pro­fes­seur regarde ses élèves. « Avez-vous com­pris ? » semble-t-il leur dire. Oui, ils ont com­pris ; ils ont com­pris qu’ils ne rever­ront jamais plus leur camarade.

Pere Jacques de Jésus dans son bureau AvonLe pro­fes­seur récite une prière avec ses élèves, pour celui qui vient de par­tir, puis il essaie de lire une his­toire, mais per­sonne n’é­coute, les pen­sées sont ailleurs.

Trois enfants d’o­ri­gine juive, que le Père Supé­rieur avait accep­té de cacher sous de faux noms, par­mi ses élèves, pour les sous­traire aux recherches de la police, sont ain­si arrêtés.

Puis on vient arrê­ter le Père Jacques lui-même, au milieu d’un cours de fran­çais, en classe de pre­mière, et on l’en­ferme dans une chambre du pre­mier étage.

Auteur : Mané, Pierre | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Par extra­or­di­naire, Jacques Tri­mard ne ren­trait pas ivre ce soir-là. L’inquiétude de savoir sa femme malade, la peur de faire empi­rer la fièvre lui avaient impo­sé la sobrié­té au sor­tir de l’atelier.

Tris­te­ment il avait sui­vi son che­min à tra­vers les rues… plus tris­te­ment encore, il gra­vis­sait ses étages en se disant :

– Que vais-je trou­ver là-haut ? Ma femme mou­rante… aban­don­née… la mai­son en désordre comme je l’ai lais­sée ce matin… pas de dîner… Ah ! misère de misère !…

Et, blas­phé­mant, il pousse la porte.

Il s’arrête, jetant un cri, non d’effroi… mais d’étonnement…

Tout dans la cham­brette est ran­gé… le plan­cher balayé… le lit de la malade propre et blanc… sur la table une nappe et une sou­pière fumante…

– Hein ?… fit l’homme.

– Tu es bien chez toi, entre donc, Jacques, répond la femme en sou­riant de ses lèvres pâlottes.

Tri­mard croit rêver.

– On n’est pour­tant plus au temps des fées ! s’écrie-t-il.

– Si donc… j’en ai vu une aujourd’hui… et bienfaisante.

– Et quelle est-elle ? demande l’homme intrigué.

Auteur : Valens, Alfred | Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I .

Temps de lec­ture : 7 minutes

La Charité.

Le capi­taine bour­ra sa pipe pour prendre le temps de ras­sem­bler ses idées, en tira deux larges bouf­fées, puis nous dit :

histoire pour les enfants à Noel ; Marins chrétiens« Je me trou­vais au Havre un soir de Noël ; il fai­sait très froid. Les deux lieu­te­nants de la « Pro­vence » et moi avions sou­pé tard et len­te­ment, pour abré­ger autant que pos­sible la lon­gueur de la soi­rée. Tous les trois, anciens élèves des jésuites, tous les trois fana­tiques des tra­di­tions, nous aurions renon­cé à nos galons plu­tôt qu’à la Messe de minuit, à laquelle les marins ont si rare­ment l’oc­ca­sion d’as­sis­ter. Dés­œu­vrés comme des offi­ciers qui ne sont pas « de quart », nous décré­tâmes d’al­ler faire un bridge au café Tor­to­ni pour pas­ser le temps et attendre minuit.

En tra­ver­sant la place du Théâtre, nous aper­çûmes, sur un banc de pierre, un enfant qui s’é­tait endor­mi. Il était là sans doute depuis un cer­tain temps, car les plis de sa pauvre petite blouse com­men­çaient à être rai­dis par le froid. Nous l’é­veillâmes dou­ce­ment. Il se dres­sa si pâle sous la clar­té du bec de gaz que nous pen­sâmes tout d’a­bord à le conduire chez un phar­ma­cien. Mais le petit gars, habi­tué à la misère, était de robuste consti­tu­tion, et nous com­prîmes vite que c’é­tait la faim seule qui l’a­vait endor­mi. D’un mou­ve­ment ins­tinc­tif, nous plon­geâmes nos mains dans nos gous­sets pour lui don­ner de quoi man­ger. Nous allions lui remettre le pro­duit de notre col­lecte lors­qu’une idée me vint. Si nous don­nons de l’argent à ce petit men­diant, me dis-je, il va cer­tai­ne­ment le por­ter à sa famille. Il ne rece­vra peut-être en échange que quelques croûtes de pain, qui sait… quelques taloches pour n’a­voir pas rap­por­té davan­tage. Pour­quoi donc, pen­sai-je, le petit Jésus qui passe ce soir chez tous les enfants sages qui ont un foyer ne vien­drait-il pas aus­si pour ce miséreux ?