Catégorie : <span>Dardennes, Rose</span>

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Caté : histoire pour la ToussainDans le sen­tier, blanc de givre, Jean rit tout seul : il se rap­pelle l’his­toire du couteau !

L’an der­nier, pen­dant sa rou­geole, il a deman­dé qu’on lui raconte une his­toire, et grand-père avait com­men­cé, sur un ton à faire fris­son­ner tous les braves :

« C’é­tait le soir. À la lueur d’une chan­delle, un homme allait à pas de loup dans la maison… »

Jean rete­nait son souffle : « Mon Dieu ! qu’al­lait-il advenir ?

- Sou­dain, annon­ça grand-père avec un geste épou­van­table, il prit un grand couteau… »

Ter­ri­fié, Jean dis­pa­rut sous ses couvertures…

Et l’aïeul ache­va, après un petit silence :

« …Il prit un grand cou­teau et… éten­dit du beurre sur son pain. »

Quel fou rire, ce soir-là !… Et quel suc­cès lors­qu’il répé­ta l’his­toire à ses camarades !

Pauvre grand-père, si gen­til ! Il fabri­quait arba­lètes et cha­riots, et jamais ne se fâchait lorsque Jean avait cas­sé une roue ou per­du toutes ses flèches…

Hélas ! grand-père n’est plus ici : voi­là trois semaines qu’il est par­ti chez le Bon Dieu. Jean ne met plus son pull rouge qu’il aimait bien ; -Claire lui en a tri­co­té un blanc, « parce qu’on est en deuil » a‑t-elle dit.

C’est triste, la . Le jour de l’en­ter­re­ment, et Marie-Claire pleu­raient der­rière un grand voile noir, et papa avait une pauvre figure triste, triste… Jean aus­si avait du cha­grin : tout ce noir et ces larmes, et cette odeur de mort lui gla­çaient le cœur… Pen­dant l’en­ter­re­ment, il pleu­rait si fort que Marie-Claire vint s’as­seoir auprès de lui pour le conso­ler. Elle a dit beau­coup de choses qui le ber­çaient, mais il n’en a rete­nu qu’une : grand-père est au et il faut prier pour qu’il entre vite au ciel. Alors, au lieu de pleu­rer, il a réci­té son , du mieux qu’il a pu ; puis il a dit à la Sainte Vierge :

« Arran­gez-vous avec le Bon Dieu, Maman du Ciel, pour que grand-père quitte vite vite le purgatoire. »

Puis à Jésus pré­sent au tabernacle :

« Mon cher Jésus, votre Maman va Vous deman­der quelque chose : Vous lui obéi­rez, n’est-ce pas ? »

***

Seul dans le sen­tier, blanc de givre, Jean rumine ces choses tristes.

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Rosaire

Du bon usage du chapelet - Vierge à l'Enfant qui donne un Rosaire à deux enfants
Vierge à l’En­fant qui donne un à deux enfants

Oui, clame Jac­que­line indi­gnée, je l’ai entendu !

– Que disait-il, enfin ?

– Il s’é­tait dis­pu­té avec Michel Bougre qui vou­lait pro­fi­ter de son agi­li­té pour l’en­voyer grim­per au noyer. Michel était par­ti en bou­gon­nant, et le petit « Noir » a dit entre ses dents : « Li méchant boy ; mais moi prendre mitraillette, et pan-pan-pan !… li deve­nir bon ! »

Ghis­laine et Pau­lette sont affolées :

« Une mitraillette ! Il va le tuer !

– Il ne semble pour­tant pas méchant, ce petit », mur­mure Odette.

Il a même l’air fort gen­til, Joseph, authen­tique négrillon, débar­qué avant-hier au vil­lage avec le Père Duchesne reve­nu voir sa vieille . Le mis­sion­naire – un gars du pays qui fut à l’é­cole avec tous les papas des enfants d’au­jourd’­hui, et arrive droit d’A­frique – était joyeu­se­ment atten­du par tout le petit monde de Rive­claire, friand d’his­toires de nègres et de sor­ciers… Mais quand on le vit accom­pa­gné de son boy Joseph, ce fut du délire : cha­cun vou­lait voir et appro­cher ce petit noir en chair et en os, avec des che­veux cré­pus, un nez épa­té, des yeux mali­cieux et des dents écla­tantes de blan­cheur dans sa figure cho­co­lat. Bien­tôt s’en­ga­gèrent des conver­sa­tions déso­pi­lantes, en un impayable fran­çais ponc­tué de rires sonores… puis ce furent, avec les gar­çons, des par­ties de cache-cache et de balle au camp, sous l’œil envieux 

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Extrême-Onction

« Ton père va mieux ?

— Oui, il est reve­nu de l’hô­pi­tal. Même, il désire te voir, je venais te le dire.

— Me voir ? Moi ?…

Gui­laine est intri­guée. Que peut lui vou­loir le père de Colette ? Elle a peur aus­si de le voir encore dans le sang et avec des pan­se­ments, comme le jour de l’. Il y a trois semaines de cela, mais elle en est encore impressionnée.

couvreur

Elle jouait à la marelle, avec Josette. Elles enten­daient, sans y prendre garde, le toc-toc léger d’un mar­teau de cou­vreur sur les ardoises sonores.

— Tiens ! dit Gui­laine, le père de Colette est sur le toit de votre grange.

Elles le regar­dèrent une minute aller et venir sur le vieux toit, arra­chant ici un cous­sin de mousse, pous­sant là une ardoise…

— Brr !… je n’ai­me­rais pas être à sa place…

— Sur­tout sur le bord…

Der­rière elles, une voix les fit sursauter :

— S’il n’y avait que des as de votre trempe, il pleu­vrait sur votre lit, je pense !

Le fac­teur avait enten­du leurs dires et les regar­dait en riant. Gui­laine ouvrit la bouche pour lui répondre que les fillettes ne vont pas sur les toits. Mais la phrase s’é­tran­gla… un cra­que­ment, une ef­froyable dégrin­go­lade d’ar­doises, un cri, figèrent tout le monde…

— Ah ! mon Dieu !…

Le cou­vreur n’é­tait plus sur le toit. À sa place on voyait un grand trou… Le fac­teur cou­rait à la grange. Les gens sor­taient des mai­sons voisines…

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Assomption

« Ciel ! comme nous voi­là faits !… »

Les Enfants jardiniers : Eté. Enfants arrosant et jouant avec un chien - Desportes François (d'après Charles Le Brun)Ils étaient par­tis endi­man­chés, vêtus de blanc ain­si que les lis des jar­dins et les mar­gue­rites des champs. Par­tis par une très longue route vers la Cité mer­veilleuse où leur père était , et où ils seraient princes.

Leur mère, sage et pru­dente, leur avait dit au départ :

« Pre­nez grand soin de vos vête­ments imma­cu­lés : votre père n’y tolé­re­rait ni tache ni accroc.

– Bien sûr ! » avaient répon­du filles et gar­çons, gaillards et fanfarons.

Oui, mais…

En route, il leur avait pris fan­tai­sie de s’a­mu­ser : ils avaient joué, ri, chan­té, cha­hu­té, et puis cha­hu­té, chan­té, ri et joué, comme des fous, dans la pous­sière des villes et dans la bouc des champs, sans regar­der aux ronces du che­min, aux épines des buis­sons, sans se sou­cier le moins du monde de leurs beaux vête­ments cou­leur de mar­gue­rites et de lis…

Ils n’y avaient point pensé.

Mais voi­ci qu’en arri­vant aux portes de la Cité, un rayon de sa lumière les tou­cha, dans lequel, sou­dain, ils se figèrent, transis.

« Ciel ! comme nous voi­là faits ! » répé­ta le plus grand en écho.

La nouvelle Jérusalem - Tapisserie d Angers - l 'Apocalypse de Saint Jean

Et le plus petit se mit à pleurer.

Et tous les autres à trembler.

Dans cette aube-là, qui ne res­sem­blait à aucune autre clar­té mais les dépas­sait toutes, ils se sen­taient eux-mêmes trans­pa­rents et 

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 3 minutes

C’est une his­toire vraie.

Histoire de Sainte Catherine pour les môme - décapitation de Nicolas TuldoAu temps de la Sei­gneu­re­rie de Sienne, au 14e siècle, Nico­las le bri­gand avait tant com­mis de crimes que le sei­gneur de la cité le fit arrê­ter, condam­ner : Nico­las Tul­do aurait la tête tranchée.

Or, au même temps, vivait à Sienne, Cathe­rine la douce, la pieuse, la sainte. Cathe­rine s’en fut à la pri­son visi­ter le condam­né. Elle lui par­la si bien de Dieu que le mal­heu­reux, regret­tant ses crimes, s’en confes­sa hum­ble­ment à Mes­sire l’Au­mô­nier qui lui en don­na par­don de la part de Mon­sei­gneur Dieu. Dès lors, Nico­las en sa pri­son fut en paix : libé­ré de ses péchés, ren­tré dans l’a­mi­tié de Dieu, il atten­dait la tran­quille­ment : n’é­tait-il pas par­don­né, lavé, rede­ve­nu fils aimé de Dieu ? La mort, dès lors, n’a­vait pas de quoi l’épouvanter…

Cepen­dant, les bonnes gens de Sienne disaient :

- Puis­qu’il regrette ses crimes, Mon­sei­gneur le Duc va peut-être le gracier ?

Nen­ni !…

Au jour fixé, Nico­las mon­ta à l’é­cha­faud. Cathe­rine était là avec Mes­sire l’Aumônier.