Catégorie : <span>2 *** LES AUTEURS ***</span>

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Deuxième Partie

1er Novembre

I

TOUTES les feuilles étaient-elles tom­bées des arbres cette nuit ?

Oui, beau­coup de feuilles étaient tom­bées et un léger zéphir souf­flait sur elles dans une mati­née sans soleil… 

Les enfants, à demi habillés, cou­rurent aux fenêtres. 

— Oh ! comme tout est nou­veau ici, dif­fé­rent et beau, pen­sait chaque enfant. 

La mère entra dans la chambre des fillettes. 

— Pres­sons-nous, mes ché­ries, disait-elle avec un sou­rire et elle aida la petite Josée qui était en retard dans sa toilette.

Les enfants furent bien­tôt prêts à sor­tir et entou­rèrent leur mère, leur petite .

Ils la voyaient tou­jours à leur côté. Ses mains pro­té­geaient et ses paroles fortifiaient. 

La mère était si unie à eux que seule­ment beau­coup plus tard, dans la vie, lors­qu’ils auraient quit­té la mai­son, ils la ver­raient dans la lumière de l’amour. 

On ne réflé­chis­sait pas main­te­nant à ceci ; on se pres­sait pour aller à la .

Ce petit monde était sim­ple­ment heu­reux de sor­tir avec maman. 

Les fillettes allaient devant, Josée au milieu de Jeanne et de Thé­rèse ; les gar­çons, Ber­nard et Fran­çois, se tenaient de chaque côté de leur mère. 

Les enfants n’o­saient jamais ques­tion­ner maman sur l’ab­sence de leur père aux offices. 

Les pas­sants se retour­naient lors­qu’ils ren­con­traient cette mère jeune encore, d’une allure élé­gante, avec ses cinq enfants qui tenaient cha­cun un petit parois­sien dans la main.

Maman et les enfants vont à la messe de la Toussaint

II

LES mains jointes, les tresses tom­bant des deux côtés de sa tête pen­chée, Jeanne s’ap­pro­cha à son tour, le moment venu, de la Table sainte dans la cha­pelle où maman avait ame­né aujourd’­hui les enfants. 

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 12 minutes

XII

UN mou­ve­ment régnait au Para­dis, pour ain­si dire, dans la paix, dans le calme et dans la tendresse. 

C’é­tait un mou­ve­ment sans cesse renou­ve­lé comme le mou­ve­ment des vagues. Beau­coup de saints étaient accou­rus et entou­raient la cou­ronne, déchif­frant les dix «  ».

Les Saints sont avec les Anges les seuls habi­tants du Ciel. Il n’y en a pas d’autres. Les Saints sont les por­teurs de lumières ; ils les déposent aux pieds de la Sainte Vierge qui de son côté les remet à son Fils, dont les bras sont ten­dus vers Elle.

Ces lumières semblent voler à tra­vers le Paradis. 

La Vierge Marie et l'Enfant Jésus - Rosaire

Les cou­ronnes s’ac­crochent au man­teau de Marie et ce man­teau tout azur, tout lisse et étin­ce­lant, est si flot­tant qu’il semble cou­vrir le Ciel entier. Les yeux de la très Sainte Vierge Marie comme des myo­so­tis rendent le ciel bleu. 

Il est cer­tain qu’il est Là-Haut tout dif­fé­rent de ce qu’il est vu de la terre. 

Les prières y sont par­fai­te­ment bien com­prises, comme si ce n’é­tait pas la bouche qui les trans­met­tait, mais les cœurs. 

Lorsque la cou­ronne des dix « Je vous salue » péné­tra au Ciel, elle appa­rut toute petite à côté d’autres cou­ronnes, mais elle brillait joli­ment et l’ar­change Raphaël, le gué­ris­seur des per­dus, la remit.

XIII

CHAQUE saint était curieux de savoir quelle était cette cou­ronne, cette petite cou­ronne si bien tressée ! 

Les Saints sont curieux, mais leur curio­si­té est une bonne curio­si­té qui désire por­ter secours, don­ner cou­rage, embra­ser du feu de l’a­mour, sur­tout en ces jours de la . Et chaque saint, lors­qu’il aper­çoit l’a­mour dans la , c’est-à-dire les âmes levées vers Dieu, se réjouit comme s’il était per­son­nel­le­ment gratifié. 

C’est bien ainsi. 

Lors­qu’on fait un cadeau à Jésus, on le donne par là même aux Saints et ce que l’on donne aux Saints devient la pro­prié­té de Jésus, parce que les Saints sont le corps de gloire de Jésus. 

Il est impos­sible de dire le nom de chaque saint tant est grand leur nombre. 

Sainte Thérèse arrose d'une pluie de rose, sous forme de grâces

La plu­part ont noyé leur nom dans celui de Dieu et ne dési­rent qu’une chose : que leur cœur soit doux et humble comme le cœur de Jésus. 

Les saints de la terre comme ceux du Ciel n’ont d’autre ambi­tion que de plaire à Dieu. La petite sainte Thé­rèse, occu­pée de sa plan­ta­tion de roses qui tombent de ses mains sur la terre sous forme de grâces, cueillit vive­ment une de ses fleurs pour l’at­ta­cher à la cou­ronne des enfants. 

Jeanne d’Arc sans bou­clier, en ber­gère sur les prai­ries des Cieux, recon­nut aus­si la voix des enfants, comme elle avait l’ha­bi­tude jadis sur terre d’é­cou­ter et de recon­naître les voix venant du Ciel. 

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 9 minutes

VI

UNE heure pas­sa ain­si, puis une autre. Jeanne s’ap­pli­quait aujourd’­hui à faire toute chose avec plus de soin que d’habitude.

Ne dési­rait-elle pas offrir son zèle en pour l’in­con­nu « perdu » ? 

Appor­ter son petit tri­but aux Saints, c’é­tait la meilleure pré­pa­ra­tion pour la fête du lendemain. 

Et il y avait tant à faire dans la mai­son et au jardin. 

Au jar­din, il fal­lait bien s’oc­cu­per un peu de ses frères. Ils étaient en train de construire dans le sable une grande forteresse.

— Qui sera sei­gneur de la for­te­resse ? Et Jeanne, qui sera-t-elle ? 

Pen­chés tous trois au-des­sus de leur châ­teau fort minus­cule, ils avaient l’air de géants. 

Jeanne prit le rôle de la bergère. 

— Quel est le Dau­phin ? Fran­çois ou Bernard ? 

Ce n’é­tait pas une simple bergère. 

Un mor­ceau de car­ton rem­pla­ça le bou­clier. La voi­là prête au com­bat, prête à don­ner sa vie. 

Que le Dau­phin espère. Elle chas­se­ra l’en­ne­mi hors des frontières. 

— Je me confie à Dieu, dit Jeanne en se dres­sant devant Bernard. 

— C’est bien, ma Pâque­rette du Para­dis, dit le Dau­phin en lui remet­tant l’étendard… 

Papa, à son retour de l’hô­pi­tal trou­va ses enfants en plein jeu. 

Il s’ar­rê­ta un ins­tant et les embras­sa d’un tendre regard.

VII

IL ne pou­vait pas encore être ques­tion de pré­pa­rer le repas à la maison. 

C’é­tait midi. 

On déci­da d’al­ler au restaurant. 

Papa ouvrit son journal. 

— Va cher­cher , dit papa à Jeanne en posant une main cares­sante sur sa tête. 

Jeanne se pres­sa pour mon­ter l’escalier. 

Au pre­mier on ne per­ce­vait aucun bruit. Les chambres atten­daient déjà toutes prêtes. Par la fenêtre don­nant sur l’es­ca­lier on voyait un car­ré de ciel. Le jour était doux comme un jour d’adieu.

Jeanne mon­ta au second étage et, péné­trant dans la pre­mière pièce, elle trou­va sa mère.

C’é­tait une petite chambre car­rée, toute blanche, amé­na­gée en chapelle.

Jeanne trouve maman en prière

Sur un tapis bleu il y avait contre le mur une table un peu sur­éle­vée et cou­verte d’une nappe bro­dée. Au-des­sus se trou­vait une croix d’i­voire, que Jeanne connais­sait depuis tou­jours. Au-des­sous deux vases étaient gar­nis de fleurs. 

Maman se tenait à genoux devant le cru­ci­fix, le visage plon­gé dans les mains. 

Jeanne regret­ta que papa ne fût pas là avec elles. 

Auteur : Markowa, Eugenia | Ouvrage : Toussaint .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Première Partie

I

DU bal­con du deuxième étage les enfants regar­daient dans la rue. 

Le mou­ve­ment y régnait déjà mal­gré l’heure matinale. 

Les enfants fixaient avi­de­ment le grand camion arrê­té devant la maison. 

C’é­tait un camion de démé­na­ge­ment avec une porte à l’arrière. 

Des hommes en blouse bleue débou­chaient sans cesse de la porte cochère avec des meubles qu’ils trans­por­taient, à deux ou à quatre, sur leurs épaules, pour les pla­cer dans le camion.

Ain­si dis­pa­rais­sait tout ce que les enfants connais­saient si bien. 

Jus­qu’i­ci ils avaient tou­jours vu les meubles comme sou­dés à leur place. 

Il n’en était plus ainsi. 

Le buf­fet, déta­ché du mur, était trans­por­té comme un bles­sé ou un mort. 

Le pia­no à queue qui le sui­vait était enfon­cé avec effort dans les pro­fon­deurs du camion. 

Les chaises avaient des ailes. 

Chaque objet enfin chan­geait aujourd’­hui d’as­pect, à la lumière du jour, dans la rue. 

N’é­taient-ils pas des­ti­nés à un éclai­rage estom­pé, der­rière les rideaux ? 

Ils parais­saient main­te­nant désem­pa­rés, livrés au jeu du destin… 

Au bal­con l’aî­né des gar­çons, Ber­nard, trou­vait que la place de Fran­çois était la meilleure, tan­dis que celui-ci sou­te­nait le contraire. 

En bas, dans la rue, se pour­sui­vait le démé­na­ge­ment de leur mai­son, de la mai­son qui les avait vus naître et grandir.

Les enfants suivent le déménagement de leur maison

C’é­tait un jour enso­leillé et doux, vigile de la .

— Les choses s’ar­rangent ain­si, — disait la veille, alors que les meubles étaient encore à leurs places, sur les par­quets dépouillés des tapis, que les fenêtres étaient déjà sans rideaux et que les murs s’é­ta­laient tris­te­ment avec des taches claires à l’emplacement des tableaux, — le démé­na­ge­ment tombe jus­te­ment pen­dant la vigile de la Tous­saint ; confions donc notre nou­velle demeure à l’in­ter­ces­sion de tous les Saints. 

Le démé­na­ge­ment avait l’air d’un voyage ; on ne chan­geait cepen­dant pas de quartier. 

Jeanne, à qui maman avait mon­tré déjà la nou­velle habi­ta­tion, était obli­gée d’en refaire à plu­sieurs reprises la des­crip­tion. Les gar­çons la tour­men­taient de leurs questions. 

— Toute la mai­son sera donc à nous ! s’é­criaient-ils avec joie. 

Et puis de nouveau :

— Com­ment est-ce ? Com­ment est-ce ? dis, Jeanne ! 

— De la rue, — répon­dait-elle, — la mai­son res­semble à toutes les autres, mais, en entrant par la porte cochère, dans la cour, on aper­çoit tout au fond à l’é­cart, un peu sur la droite, notre vil­la avec ses deux étages et un petit jar­din qui l’entoure. 

La cadette, très calme, demanda : 

— Y a‑t-il des pommes de terre dans l’enclos ? 

Rien n’é­tait capable de chan­ger son humeur impas­sible et son bon appétit. 

Elle regar­dait de son air tran­quille char­ger les meubles, fer­mer le camion et démar­rer le lourd véhi­cule tiré par quatre chevaux.

II

APRÈS le départ du camion, les enfants se mirent à cou­rir à tra­vers les pièces vides et pleines d’échos. 

Maman avait les yeux rougis. 

Auteur : Vaultier, Roger | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 9 minutes

epuis des siècles, les culti­va­teurs des dif­fé­rentes pro­vinces de France invoquent un cer­tain nombre de bien­heu­reux, aux spé­cia­li­tés bien défi­nies, pour la pro­tec­tion et la pros­pé­ri­té de leur , de leur basse-cour et de leurs domes­tiques. Ces dévo­tions assez par­ti­cu­lières, mais fort tou­chantes, donnent lieu à des cou­tumes pit­to­resques, dont nous dési­rons aujourd’­hui pré­sen­ter quelques exemples à nos lecteurs.

Dans le Nord de la France, à Dom­pierre, le pèle­ri­nage de est en renom depuis des siècles. Le jour de l’As­cen­sion, vers 1890, envi­ron six mille per­sonnes se ren­daient dans cette petite loca­li­té, située non loin d’A­vesnes. Dès l’aube, une foule de fer­miers obs­truaient les rues du vil­lage. Cha­cun était por­teur d’une baguette de cou­drier dont l’é­corce avait été décou­pée en spi­rale avec le plus grand soin. Ils fai­saient trois fois le tour de l’é­glise en l’hon­neur, disait-on, de la sainte Tri­ni­té — en réa­li­té, pour suivre une tra­di­tion nul­le­ment chré­tienne. Puis, après avoir tra­ver­sé le haut de la grande nef, ils tou­chaient de leur brin de bois toute la super­fi­cie de la sta­tue du bon saint Etton, de la plante des pieds au som­met de la tête, et conti­nuaient leur marche. Le troi­sième périple ache­vé, ils se fai­saient ins­crire à la confré­rie, se fai­saient dire l’é­van­gile du jour et allaient, d’un pas allègre, trem­per leur brin­dille dans l’eau mira­cu­leuse de la fon­taine voi­sine. Au retour de leur pieux voyage, leur pre­mier soin était de se rendre dans leurs étables et de pro­me­ner sur le dos de leurs bêtes la baguette bénite afin d’ob­te­nir qu’elles fussent pré­ser­vées des acci­dents et des maladies.

Les pay­sans visi­taient aus­si le sanc­tuaire de Bien­vil­lers-au-Bois où ce saint, peu connu dans l’his­toire, était éga­le­ment prié ; ils chan­taient un long can­tique dont voi­ci un extrait :

Vaches, che­vaux et bre­bis,
Par­tout ce saint est notre appui,
De loin comme de près,
Il peut par­tout nous pré­ser­ver …

Saint Etton protecteur du bétail

Un autre pas­sage de ce pieux poème nous dévoile les buts de ce pèlerinage :

À Bien­vil­lers-au-Bois,
Vil­lage du quar­tier d’Ar­ras,
Là où est saint Etton,
Pro­tec­teur de tous ces can­tons,
Un nombre de gens vont infi­ni­ment (sic)
En dévo­tion ser­vir saint Etton,
Offrant leur cœur à Dieu,
Au nom de ce saint glo­rieux,
D’a­pai­ser les fléaux
Qui règnent sur les animaux …