(Conte...)
Le vieux curé était resté au confessionnal jusqu’à la tombée de la nuit, jusqu’à ce que le dernier pécheur eût quitté l’église. Cependant, il décida d’attendre encore un peu, au cas où un pénitent en retard se présenterait encore.
Il était fatigué et malgré lui ses paupières se fermaient.
Tout à coup, il sursauta. La porte de l’église avait bougé ; peut-être n’était-ce qu’un coup de vent car la tempête faisait rage autour de la maison de Dieu. Mais une silhouette se détachait sur le mur : un homme s’avançait. Son pas résonnait de façon étrange sur les dalles, comme s’il avait une jambe de bois. Il avait relevé le col de son manteau, et à travers les grilles du confessionnal, le prêtre ne put distinguer du visage que deux yeux au regard sombre. L’étranger entra dans le confessionnal après une brève hésitation et s’agenouilla.
« Quand vous êtes-vous confessé pour la dernière fois ? » demanda le prêtre.
« Je n’ai encore jamais reçu ce sacrement » répliqua l’homme d’une voix étouffée.
« Jamais, dites-vous ? »
« Jamais. »
« Quel âge avez-vous donc ? »
« Je ne sais pas, il y a beau temps que j’ai cessé de compter les années. »
« Mais vous devez bien savoir à peu près votre âge ? »
« Une demi-éternité. »
« Bien, disons alors soixante-dix ans ! De quoi vous accusez-vous ? »
« J’ai été orgueilleux » répliqua le pécheur.
« Rien d’autre ? » insista le prêtre, étonné. « Vous n’avez été orgueilleux qu’une seule fois durant toutes ces années ? »
« Oui, une seule fois seulement. »
« Et rien d’autre ? »
« J’ai été envieux. »
« Envieux ? »
« Oui, envieux. J’étais jaloux de tout le monde. »
« De tout le