Étiquette : <span>Religieuse</span>

Auteur : Maldan, Juliette | Ouvrage : Petites Vies Illustrées pour enfants .

Temps de lec­ture : 29 minutes

Dans une salle du châ­teau de Lignières, une dame pen­chée sur un gros livre, en expli­quait les enlu­mi­nures à une petite fille qui écou­tait ses paroles avec une vive atten­tion. Le visage pâle de l’en­fant s’é­clai­rait de grands et beaux yeux verts, lim­pides, pro­fonds, des che­veux blonds tom­baient sur ses épaules. Mais ses membres grèles, mal pro­por­tion­nés, son dos voû­té, don­naient à son petit corps un aspect ché­tif et dis­gra­cieux. Ses vête­ments étaient d’é­toffe commune.

Vie de Sainte Jeanne de France, Reine puis religieuse
Sainte Jeanne enfant et Mme de Lignières

Certes, on n’eut pas devi­né en cette enfant, pau­vre­ment vêtue, la fille du puis­sant roi de France, Louis XI !

Jeanne de France était née le 23 avril 1464 à Nogent-le-Roi, où Louis XI et la reine Char­lotte de Savoie séjour­naient au retour d’un pèle­ri­nage à Chartres, entre­pris pour implo­rer de la Vierge qu’un fils leur soit accor­dé. Trois enfants étant morts en bas âge, il ne leur res­tait qu’une fille : Anne. Le roi dési­rait ardem­ment un héri­tier qui conti­nuât sa race et son œuvre Or, ce fut une fille qui naquit, une petite fille fra­gile et mal venue ! Le roi fut déçu, vexé. Le bap­tême de la petite prin­cesse se célé­bra sans aucune réjouissance.

Cepen­dant la poli­tique ne per­dant jamais ses droits, peu de jours après la nais­sance de cette fille si mal reçue, Louis XI com­bi­nait déjà pour elle un mariage avec son cou­sin Louis d’Or­léans, alors âgé de deux ans !

À Amboise, la reine Char­lotte douce et pieuse, veillait sur sa petite fille.

Mais Louis XI ne pou­vait souf­frir sa pauvre enfant. Dès qu’elle eut cinq ans, il déci­da d’é­loi­gner Jeanne de la cour, et de la confier à la baronne de Lignières qui l’é­lè­ve­rait dans son châ­teau. Le baron et la baronne de Lignières, puis­sants sei­gneurs n’ayant pas d’en­fants, seraient prêts à aimer la petite prin­cesse Tous deux, pro­fon­dé­ment chré­tiens, étaient dignes de veiller sur une fille de roi et une future sainte.

pour les scouts : Récit de sainte Jeanne Reine de France
Le Châ­teau de Lignières

Le châ­teau de Lignières avec son gros don­jon, sa tour de guet, ses murs épais, se dres­sait au milieu de fraîches prai­ries cou­pées d’une claire rivière.

En ce temps de guerres civiles et des san­glantes émeutes, Jeanne à l’a­bri des murailles de Lignières, pas­se­ra, dans cette retraite, de longues et calmes années. Mais, sépa­rée de sa mère, dure­ment repous­sée par son père, oubliée de ses proches, l’en­fant sen­sible, aimante, souf­fri­ra pro­fon­dé­ment. Elle savait qu’elle ne res­sem­blait pas aux autres petites filles, fraîches et plai­santes qui cou­raient et dan­saient dans les prés, autour du vil­lage voi­sin. Mala­dive, dis­gra­ciée, humi­liée, pour­tant elle ne se plai­gnait ni ne s’ai­gris­sait. Tou­jours douce et patiente, déjà elle offrait ses peines et ses sacri­fices à Dieu qui l’at­ti­rait par sa grâce. Elle se tour­nait sur­tout avec une enfan­tine confiance vers la Vierge Marie, sa Mère du ciel, tou­jours prête à l’é­cou­ter et à la consoler.

Auteur : Mané, Pierre | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Par extra­or­di­naire, Jacques Tri­mard ne ren­trait pas ivre ce soir-là. L’inquiétude de savoir sa femme malade, la peur de faire empi­rer la fièvre lui avaient impo­sé la sobrié­té au sor­tir de l’atelier.

Tris­te­ment il avait sui­vi son che­min à tra­vers les rues… plus tris­te­ment encore, il gra­vis­sait ses étages en se disant :

– Que vais-je trou­ver là-haut ? Ma femme mou­rante… aban­don­née… la mai­son en désordre comme je l’ai lais­sée ce matin… pas de dîner… Ah ! misère de misère !…

Et, blas­phé­mant, il pousse la porte.

Il s’arrête, jetant un cri, non d’effroi… mais d’étonnement…

Tout dans la cham­brette est ran­gé… le plan­cher balayé… le lit de la malade propre et blanc… sur la table une nappe et une sou­pière fumante…

– Hein ?… fit l’homme.

– Tu es bien chez toi, entre donc, Jacques, répond la femme en sou­riant de ses lèvres pâlottes.

Tri­mard croit rêver.

– On n’est pour­tant plus au temps des fées ! s’écrie-t-il.

– Si donc… j’en ai vu une aujourd’hui… et bienfaisante.

– Et quelle est-elle ? demande l’homme intrigué.

Auteur : Daniel-Rops | Ouvrage : Légende dorée de mes filleuls .

Temps de lec­ture : 14 minutes

Couvent du mont Saint-Odile - Vie de saint Odile pour les enfantsAccro­ché au rebord des Vosges, domi­nant de très haut la riche plaine où coule le Rhin, quel est ce couvent dont tous les Alsa­ciens parlent avec émo­tion ? Qu’il fasse grand soleil ou qu’il pleuve, que les forêts de sapins soient enve­lop­pées de brume ou qu’une lumière bleu­tée s’é­tende aux flancs des monts, le pay­sage est tou­jours admi­rable. Vingt villes, trois cents vil­lages, voi­là ce qu’on aper­çoit de la mer­veilleuse ter­rasse ; au loin, une flèche rose se dresse comme un cierge : celle de la cathé­drale de Stras­bourg, chef‑d’œuvre de l’art gothique. Ce lieu béni, d’où monte vers Dieu, depuis douze cents ans, une prière conti­nuelle, c’est Sainte-Odile, le monas­tère de la patronne de l’Al­sace, illus­tré par elle et où sur­vit son souvenir.

* * *

C’é­tait au VIIIe siècle de notre ère. Vous rap­pe­lez-vous ce qui s’est pas­sé au VIIIe siècle ? Charles, sur­nom­mé Mar­tel à cause de son ter­rible mar­teau d’armes, venait d’ar­rê­ter les Arabes à Poi­tiers ; son fils Pépin le Bref, — le Bref, c’est-à-dire le cour­taud, le petit de taille, — avait obte­nu du Pape le titre de roi et, à côté de lui, le jeune prince Charles com­men­çait à faire remar­quer la bra­voure et le génie qui lui vau­dront le sur­nom de « Charles le Grand », Char­le­magne. L’Alsace, alors, était au pou­voir d’un Duc célèbre par sa valeur au com­bat, mais aus­si par sa bru­ta­li­té : Adal­ric. Rien, jus­qu’a­lors, ne lui avait résis­té ; pas un enne­mi qu’il n’eût vain­cu, pas un ours pour­sui­vi par ses chiens qu’il n’eût tué. Et pour­tant, un grand cha­grin rava­geait sa vie : sa femme Beres­vinde ne lui avait point don­né d’en­fant. Déjà il voyait, après sa mort, les belles terres d’Al­sace livrées à la rapine des voi­sins, par­ta­gées entre leurs mains avides. Et il se désolait…

Ils se déso­laient tant, Adal­ric et Beres­vinde, qu’ils déci­dèrent de se reti­rer du monde et de s’ins­tal­ler sur un haut som­met des Vosges pour y médi­ter sur leur cha­grin. Ils choi­sirent la butte la plus escar­pée, pro­té­gée d’un côté par l’à-pic et de l’autre par une muraille de rochers infran­chis­sables, et ils y firent bâtir leur nou­veau châ­teau, le « châ­teau haut », le Hohen­burg. Près de sa demeure, Beres­vinde, qui était fort pieuse et ins­truite dans l’Écriture Sainte, ordon­na d’é­le­ver un couvent où des reli­gieuses prie­raient avec elle pour qu’en­fin elle eût un enfant.

Et voi­ci que Dieu enten­dit ses prières. La duchesse put annon­cer à son mari que bien­tôt il aurait une grande joie. Hélas ! courte joie… car la petite fille qui vint au monde, si jolie, si rose et blonde qu’elle fût, avait une infir­mi­té bien pénible : ses yeux res­taient fer­més. Elle serait aveugle toute sa vie… Quand il apprit cela, le Duc Alda­ric entra dans une colère ter­rible. Ain­si Dieu n’a­vait exau­cé son sou­hait que pour le déce­voir de façon pire encore ! Mieux valait n’a­voir pas d’en­fant du tout que cette misé­rable petite aveugle ! Le pays entier n’al­lait-il pas mur­mu­rer qu’une malé­dic­tion pesait sur son sei­gneur ? Aus­si quand Beres­vinde deman­da quel nom por­te­rait sa fille au bap­tême : « Aucun ! répon­dit le sou­dard. Aucun ! J’in­ter­dis qu’on bap­tise cet avor­ton aveugle qui me fait honte ! Qu’on la tue aus­si­tôt et qu’on aban­donne son corps aux cochons ! »

Beresvinde emmène sainte Odile - Catéchisme et scoutismeLa mal­heu­reuse mère eut beau se jeter à genoux, sup­plier son mari de lais­ser vivre la fillette… En vain ! En vain, elle pro­po­sa de l’emporter, très loin, de la faire éle­ver en cachette, sans jamais révé­ler à qui­conque qui étaient les parents de cette mal­heu­reuse enfant. Alda­ric demeu­ra impla­cable ! Cette fille était sa honte ; qu’elle dis­pa­rût ! Alors, de nuit, Beres­vinde prit le bébé, l’en­ve­lop­pa chau­de­ment, l’ins­tal­la dans une cais­sette, et, sor­tant en secret du châ­teau, lan­ça le fra­gile esquif sur la rivière de l’Ehn, dont les eaux lim­pides font tour­ner le mou­lin d’O­ber­nai. Puis, ren­trant dans sa chambre, elle se mit en prière. Dieu, le Dieu Tout-Puis­sant, qui sau­va le petit Moïse aban­don­né au fil du Nil, comme il est rap­por­té dans la Sainte Écri­ture, n’au­rait-il pas pitié de cette inno­cente créature ?…

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

La mitraille cré­pite, les obus pleuvent ; sœur Julie doit crier très fort pour se faire entendre de ses bles­sés par-des­sus le fra­cas de la bataille. Dans la grande chambre dont les murs tremblent à chaque explo­sion, elle porte des tisanes, fait une piqûre, redresse un oreiller, écrit une lettre sous la dic­tée d’un mou­rant, ras­sure un fié­vreux. Le visage calme sou­rit dans l’en­ca­dre­ment de la cor­nette des sœurs de Saint-Charles.

Soeur infirmière à l'hopital soignant les soldats blessés« Bois ça, mon petit, ça te fera du bien. »

Le gars ne sau­ra pas si le cœur de la sœur tremble en dedans : reli­gieuse de Saint-Charles, pour se pen­cher sur toute souf­france, elle accom­plit sa mis­sion sans défaillance. Hier dans le calme, aujourd’­hui dans le péril, tou­jours comme Dieu voudra…

Dans la salle, des hommes discutent :

« Tu parles d’une bagarre, ça « mar­mite » dur !

— Tout à l’heure on va y pas­ser aussi. »

Mais la sœur inter­vient, tendre et bourrue :

« Pas tant de dis­cours, vous autres ; vous allez me faire de la tem­pé­ra­ture. Et puis ne vous en faites pas mes petits, le Bon Dieu nous protège. »

Ba-a-a-aoum ! ! ! La mai­son tremble jus­qu’en ses fon­da­tions, la reli­gieuse se signe et ferme les yeux ; mais, comme la mort ne vient pas, elle les rouvre, juste pour voir le petit Chau­met qui sort sa tête de ses cou­ver­tures ; alors, son rire mater­nel monte en une envo­lée d’hé­roïsme, plus haut que le cré­pi­te­ment des mitrailleuses, raillant et ras­su­rant le « petit » à la fois.

« Ce n’est pas pour nous, va, mon gars. »