Temps de lecture : 2 minutesEn plein midi, Jésus, fatigué, s’arrête près d’un puits. Les apôtres vont au village voisin chercher des provisions. Une femme arrive. Jésus lui demande à boire. Ils causent tous les deux, et le Maître, après lui avoir dit qu’il était le Messie annoncé, lui déclare que « Celui qui boira de…
Étiquette : <span>Prophète</span>
XXIII
Voici juillet et les vacances, doublement joyeuses, car Bernard va aussi avoir sa permission. Colette a repris sa vie, encore un peu au ralenti ; mais elle va et vient, sans trop de fatigue, tout au bonheur de cette réunion.
Un beau soir, la surprise des jeunes est intense en voyant un car, de taille moyenne, s’engager dans l’allée du jardin.
— Qu’est-ce qu’il fait ? crie Jean de sa fenêtre.
— Y se trompe, riposte Pierre du jardin.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demande Nicole, un car vide !
Et Bruno accourt tout essoufflé :
— As-tu vu cette grande voiture ?
Au milieu de ce concert d’exclamations, papa passe sans se troubler. Chose incroyable, il va au-devant du car, parle au chauffeur comme s’il le connaissait et, c’est un comble, le conduit au garage, derrière la maison.
En une seconde, toute la bande est sur ses talons. Papa ne semble pas s’en apercevoir.
Il appelle Marianick, pour qu’elle prenne soin du chauffeur, et sifflotant, les mains dans ses poches, retourne à la maison.
Jean lui-même, devant cette attitude, hésite à questionner son père. Mais Colette, alertée par le bruit, est sur la porte et crie :
— Qu’est-ce que ce car vient faire ici, papa ?
— Le chauffeur me dit que tu l’as fait demander.
— Moi ! (Colette éclate de rire.) Racontez vite, papa, pourquoi vous l’avez fait venir ?
Papa, très sérieusement :
— Mais puisque je te dis que le chauffeur n’est ici qu’à tes ordres.
L’aventure prend une tournure palpitante.
La bande écoute, le cœur battant.
— Voyons, papa, ce n’est pas possible. Ne vous moquez pas,… un car à mes ordres…
— Va toi- même parler au chauffeur.
— Hé bien, j’y vais ! Est-il besoin d’ajouter que Colette n’y va pas seule et qu’elle en revient ahurie : positivement, le car a été demandé en son nom, pour une excursion le lendemain.
Alors papa révèle la clef du mystère :
— Voilà, ma grande fille : tu viens de passer deux mois très pénibles, pendant lesquels tu as surtout pensé aux autres. Ta maman et moi avons résolu de te faire une petite joie. Nous avons ce car pour cinq jours. Tout le monde est en vacances. En route demain, pour où tu voudras, à condition seulement que nous allions vers un des points où j’ai des affaires à traiter parce que je ne possède pas le moyen de vous offrir des voyages de pur agrément.
On imagine la soirée qui suit. La carte étudiée dans tous les sens, c’est décidément à Babylone qu’on ira. Puisque Babylone est sur la liste de son père, Colette, songeant aux petits, pense que ce sera un merveilleux voyage pour leur faire apprendre les dernières époques, si compliquées, de leur Histoire Sainte.
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Impossible de ne pas revoir Damas, toute blanche, dans ses fontaines et ses bois, au milieu du désert, avant de s’engager dans la plaine indéfinie, monotone et triste que suit la « pipe-line ». Jean et Bernard s’intéressent prodigieusement à cette ligne de tubes énormes qui amènent aux grands ports le pétrole de l’Irack.
Qu’on est loin, avec ces inventions modernes, du temps de l’exil des Juifs,… ou plutôt, non, comme on en est près !
Car c’est à travers des sables et des champs tout pareils à ceux-ci qu’ils ont passé. Le désert, un peu au sud, est celui qu’ils ont dû traverser, et alors, comme aujourd’hui, leurs caravanes se succédaient lentement. Les chameaux portaient des charges semblables à celles qui s’étagent sur le dos des longues files de dromadaires qui passent là-bas, indifférents, marquant le sable de leur pas balancé.
On couche à Routba, le carrefour des pistes du désert. Les Anglais l’ont fortifiée et tout voyageur s’y arrête pour faire viser ses passeports.
Puis, c’est de nouveau l’étendue désertique jusqu’à Ramadi, pauvre oasis de palmiers, perdue dans cette aridité. Encore cent douze kilomètres, et, sur le bord du Tigre, Bagdad, ses souvenirs, ses marchés, ses bazars. Le temps manque pour visiter, quel dommage ! En route encore, mais pour Babylone, cette fois.
XXI
— Dis donc, Colette, tu n’aurais pas cinq minutes ?
Colette, qui s’affaire autour d’un patron étendu sur la table, pose ses ciseaux avec un peu d’impatience.
— Oh ! mon petit Pierre, songe qu’il faut que cette robe soit prête pour Nicole dans trois jours… Que me veux-tu ?
Pierre est arrêté dans son élan. Pauvre Colette, tout de même ! C’est vrai qu’on en abuse un peu quelquefois.
— Ça va bien ! Je reviendrai plus tard. C’était pour une composition…
Une composition, c’est grave ! Colette retient son petit frère.
— Quelle composition ?
— D’instruction religieuse. C’est pour demain. Je vais la recevoir du collège et je suis presque sûr qu’on nous donnera justement un devoir sur la dernière partie de l’Histoire Sainte. Or je me suis aperçu l’autre jour, en allant à Jérusalem, que je la savais très mal. Si maman ne m’avait pas tout rabâché !…
— Rabâché ! Oh ! Pierre ! Et tu voudrais que je « rabâche » aussi !
— Mais puisque tu ne peux pas, à cause de ce bout d’étoffe à couper.
— On tâchera de faire les deux. Que veux-tu étudier au juste ?
Pierre extrait de sa poche, en même temps que trois interminables bouts de ficelle, un crayon cassé, deux morceaux de pierre, un bout de savon, etc., un livre dont les angles sont inexistants et les pages terriblement jaunies.
Colette, moitié riant, moitié grondant :
— C’est ça, ton Histoire Sainte ?
— Que veux-tu, elle a servi à tout le monde avant d’être à moi.
Et Pierre cherche consciencieusement, avec son pouce, le chapitre désiré.
— Voilà ! Royaume de Juda. Si tu pouvais m’expliquer ça. Ces deux royaumes,… je n’y comprends rien de rien.
— Essayons. Passe-moi ton livre. Nous redisons d’abord que dix tribus sur douze s’étaient séparées du fils de Salomon, Roboam, pour former le royaume d’Israël. C’est cela que maman t’a fait étudier presque sur place. Mais je t’accorde que l’histoire de ces deux royaumes est passablement embrouillée.
Alors, prenons le principal, tu saisiras mieux le reste en l’étudiant ensuite.
Ainsi, le Peuple de Dieu était désormais divisé en deux royaumes qui se disputaient souvent. Les rois d’Israël furent presque tous mauvais et entraînèrent souvent leurs sujets dans une grossière idolâtrie.
Plus petit, le royaume de Juda avait le privilège de garder Jérusalem avec son Temple unique, où tous les Juifs devaient adorer Dieu. C’était ce royaume qui conservait les promesses faites à la tribu de Juda, d’où devait naître le Messie.
Ses rois furent tous des descendants de David, et il y en eut de très bons, mais aussi combien de mauvais ! Chaque fois que la Bible en nomme un nouveau, elle lui donne comme une bonne ou une mauvaise note. « Il fit ce qui est bien devant Dieu ; » ou, au contraire : « Il fit ce qui est mal devant Dieu. »
XIX
Colette, appuyée sur l’épaule de son père, fait ses premiers pas.
Tous deux causent, en allant tout doucement sous les arbres, d’un fauteuil à l’autre. On parle des enfants, de Yamil.
— Si vous saviez comme il se transforme, papa. C’est délicieux de lui apprendre son catéchisme et son Histoire Sainte. Seulement, ces jours-ci, je vais avoir besoin de vous.
— Pour faire le catéchisme à Yamil ! Ah ! non, par exemple ! Je serais incapable de garder ma patience.
— Ça, je n’en suis pas sûre ! Mais ce n’est pas de Yamil, cette fois, qu’il s’agit. Je voudrais pour nos trois petits une explication claire sur le rôle des prophètes dans l’Histoire Sainte. Pierre nous a donné l’autre jour une définition un peu fantaisiste. Seulement, voilà ! je ne sais pas comment m’y prendre.
— Et moi non plus.
— Oh ! papa, ne soyez pas taquin. Pensez‑y un peu. Ce sera pour après le déjeuner.
— À l’heure de la sieste ? Tu as juré que je les endorme tous !
— Nous verrons bien, conclut Colette avec son charme irrésistible.
Allez donc refuser quelque chose à Colette ! Son père en est tout à fait incapable. L’heure venue, il s’exécute, non sans avoir dit avec un gros soupir :
— Colette s’est mis en tête que je vous fasse un cours d’histoire. En plein midi, mes pauvres enfants, nous dormirons tous dans cinq minutes. Moi le premier.
— Non, non, crient les deux petits en sautant ensemble sur les genoux de leur oncle, on vous réveillera, nous deux ! Quelle leçon vous allez dire ?
— D’abord répondez à mes questions. C’est moi l’élève, vous les professeurs.
— Quelle chance ! crie Nicole enchantée.
Mais Bruno lève son petit doigt et arrondit deux yeux sévères :
— Gare, si vous êtes pas sage !
Papa prend un petit air contrit pour dire :
— Je vais essayer. Alors s’il vous plaît, monsieur Bruno, je voudrais savoir ce que c’est qu’un ambassadeur ?
Bruno devient tout à coup malheureux et met son pouce dans sa bouche.
Alors papa se tourne vers Nicole.
— Mademoiselle, qu’est-ce que c’est qu’un ambassadeur ?
Nicole ferme à moitié les yeux… mais ne répond pas.
— Mes professeurs ne sont pas calés. Pierre, en sais-tu davantage ?
— Un ambassadeur, c’est… c’est quelqu’un qui est envoyé par un grand personnage pour le représenter.
— Ah ! tout de même ! Ajoute : il est parfois chargé de missions spéciales et décide au nom de son souverain. La parole d’un ambassadeur vaut celle du roi, de l’empereur, du président, etc…
XVIII
Colette ! Colette ! si tu savais ! Papa m’emmène, je pars en avion pour Jérusalem.
Et tu ne devinerais jamais qui vient encore ?
— Pas les petits ?
— Non, maman ! Tu entends bien, maman ! C’est à n’y pas croire. Pour une fois, elle ne restera pas à garder la maison, tout en guettant les nuages, l’orage, la pluie et tout ce qu’elle peut bien inventer pour se tourmenter. Papa l’emmène, l’Oiseau est en plein rendement. Nous partons tous les trois. Dis un peu si c’est chic !
Pierre, dans son enthousiasme, oublie que d’ici des semaines encore, Colette sera privée de mouvement et ne remarque pas une lueur de tristesse dans, les jolis yeux de sa sœur.
Mais Colette est vaillante. Elle dit gaiement :
— Oh ! que je suis contente ! Vous nous rapporterez des cartes postales pour les petits.
— Au moins cent ! Et Pierre s’enfuit à toutes jambes vers le hangar.
Ce brusque départ, motivé par une affaire urgente du père de famille, fut pendant deux jours l’objet de toutes les conversations.
Nicole et Bruno n’ont pas cessé de se disputer. L’un veut que Jérusalem soit au nord, l’autre au sud. Les explications de Geneviève et de Colette n’arrivent pas à mettre le calme, et quand petit Pierre, triomphant, atterrit au retour, il est assailli d’une telle quantité de questions, qu’il déclare :
— Taisez-vous mais taisez-vous donc ! Vous serez cause que je vais faire un méli-mélo formidable, et je ne vous raconterai rien du tout.
— Dis au moins si tu as rapporté des cartes postales.
— Vous les verrez après dîner. Nous sommes morts de faim.
Après dîner ! C’est bien long d’attendre jusque-là. Enfin, voici la petite table installée près du divan de Colette, et puis la carte ouverte, et puis le gros paquet de cartes postales. Ce qu’on va s’amuser ! Nicole en trépigne.
— Voyons, presse-toi un peu, Pierre. Alors vous êtes partis d’ici, pour aller où ?
— Vers le sud. L’une des premières villes survolées, c’est Tyr.
— C’est moi qu’ai gagné, hurle Nicole. C’est au sud !
Pierre ne comprend rien à cette explosion.
— Mais bien sûr, la ville de Tyr est au sud, où voudrais-tu qu’elle soit ? C’est joli, si tu savais, voilà la photo : une ville qui s’étage sur les contreforts du Liban et se baigne dans la mer. Et puis là, au beau milieu des flots, sur un rocher tout seul, ce vieux château en ruines avec sa fière allure.
Maman précise :
— C’est un ancien château bâti par les Croisés, et vous n’imaginez pas le pittoresque de ce site.
— De Tyr, nous avons encore un peu longé la mer et puis, survolant le Liban, ton père, Colette, a piqué vers la vallée du Jourdain. À ce moment, voilà Pierre qui m’exhibe une carte et qui me confie :
— À nous deux, maman. Où sommes-nous par rapport à l’Histoire Sainte ?
Nous consultons la carte, et je constate que nous atteignons les limites du royaume d’Israël. Mais je veux que Pierre lui-même vous raconte la suite.
— Maman venait donc de nommer le royaume d’Israël. Autant me parler de l’empire de Chine ! Je n’avais plus la moindre idée de ce dont il s’agissait.
Maman essayait de réveiller mes souvenirs :
— Voyons, tu sais pourtant qu’à la mort de Salomon, le Peuple de Dieu se divisa.
— Peut-être ! En tous cas, était-ce la joie de « rouler dans l’air », impossible de rien me rappeler.
Alors la pauvre maman m’a tout redit, comme quand j’étais petit. Elle m’a expliqué qu’à la mort de Salomon, en punition de ses fautes, dix tribus d’Israël se révoltèrent contre son fils Roboam, et prirent pour roi l’intendant de Salomon, Jéroboam, tandis que deux tribus seulement demeuraient au royaume de Juda, avec Jérusalem et son Temple. Et ce qui devenait passionnant, c’est que nous commencions à survoler tout le pays où s’établit en grande partie ce royaume d’Israël. Nous allions le traverser dans toute sa longueur jusqu’à Béthel, que nous survolerions juste avant d’arriver à Jéricho.