XXI
— Dis donc, Colette, tu n’aurais pas cinq minutes ?
Colette, qui s’affaire autour d’un patron étendu sur la table, pose ses ciseaux avec un peu d’impatience.
— Oh ! mon petit Pierre, songe qu’il faut que cette robe soit prête pour Nicole dans trois jours… Que me veux-tu ?
Pierre est arrêté dans son élan. Pauvre Colette, tout de même ! C’est vrai qu’on en abuse un peu quelquefois.
— Ça va bien ! Je reviendrai plus tard. C’était pour une composition…
Une composition, c’est grave ! Colette retient son petit frère.
— Quelle composition ?
— D’instruction religieuse. C’est pour demain. Je vais la recevoir du collège et je suis presque sûr qu’on nous donnera justement un devoir sur la dernière partie de l’Histoire Sainte. Or je me suis aperçu l’autre jour, en allant à Jérusalem, que je la savais très mal. Si maman ne m’avait pas tout rabâché !…
— Rabâché ! Oh ! Pierre ! Et tu voudrais que je « rabâche » aussi !
— Mais puisque tu ne peux pas, à cause de ce bout d’étoffe à couper.
— On tâchera de faire les deux. Que veux-tu étudier au juste ?
Pierre extrait de sa poche, en même temps que trois interminables bouts de ficelle, un crayon cassé, deux morceaux de pierre, un bout de savon, etc., un livre dont les angles sont inexistants et les pages terriblement jaunies.
Colette, moitié riant, moitié grondant :
— C’est ça, ton Histoire Sainte ?
— Que veux-tu, elle a servi à tout le monde avant d’être à moi.
Et Pierre cherche consciencieusement, avec son pouce, le chapitre désiré.
— Voilà ! Royaume de Juda. Si tu pouvais m’expliquer ça. Ces deux royaumes,… je n’y comprends rien de rien.
— Essayons. Passe-moi ton livre. Nous redisons d’abord que dix tribus sur douze s’étaient séparées du fils de Salomon, Roboam, pour former le royaume d’Israël. C’est cela que maman t’a fait étudier presque sur place. Mais je t’accorde que l’histoire de ces deux royaumes est passablement embrouillée.
Alors, prenons le principal, tu saisiras mieux le reste en l’étudiant ensuite.
Ainsi, le Peuple de Dieu était désormais divisé en deux royaumes qui se disputaient souvent. Les rois d’Israël furent presque tous mauvais et entraînèrent souvent leurs sujets dans une grossière idolâtrie.
Plus petit, le royaume de Juda avait le privilège de garder Jérusalem avec son Temple unique, où tous les Juifs devaient adorer Dieu. C’était ce royaume qui conservait les promesses faites à la tribu de Juda, d’où devait naître le Messie.
Ses rois furent tous des descendants de David, et il y en eut de très bons, mais aussi combien de mauvais ! Chaque fois que la Bible en nomme un nouveau, elle lui donne comme une bonne ou une mauvaise note. « Il fit ce qui est bien devant Dieu ; » ou, au contraire : « Il fit ce qui est mal devant Dieu. »